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16 juillet 2013

Conseils à un jeune traducteur inexpérimenté (9) -- Les (précieuses) Minutes de la SGDL

— Cher camarade bronzé   éphèbe en tongs   professionnel installé de peu et n'ayant pas encore compris qu'il n'a pas de congés payés, voire pas de congés du tout Jeune Collègue Inexpérimenté,

— Zzzz...
(Cette bonne femme ne prend donc jamais de vacances ?)

— Souvent, je constate et d'ailleurs tu l'avoues bien volontiers, que tout ce qui est administratif te saoule copieusement. Tu affirmes même n'y rien comprendre. Pourtant, cela fait partie de ton travail, sinon, pourquoi choisir l'exercice indépendant ? Pour n'en avoir que les avantages et pas les inconvénients ?... Hein ?...
(Juste ciel, l'infâme tire-au-flanc fait encore mine de sommeiller sur son clavier.)

– Zzzz....
(Ça faisait longtemps qu'elle ne m'avait pas gavé avec mes obligations sociales et fiscales.)

– Il existe pourtant une source d'information tout à fait accessible, même pour des esprits hermétiques comme le tien à des notions somme toute relativement simples...

(Ça y est, elle va encore me faire sa pub pour la notice
2041 GJ d'impots.gouv sur la fiscalité des droits d'auteur.)

— ... une source d'information qui devrait te parler, à toi, produit de la culture multimédia. En effet, ses messages se présentent sous forme de brèves séquences vidéo, propres à t'éclairer sur tous ces sujets qui concernent ta jeune activité de traducteur d'édition et te donnent des boutons dès que je les évoque : la TVA, le contrat, le numérique, le droit moral...

C'est sur le site de la SGDL, la Société des Gens de Lettres. Et c'est Valérie Barthez, sa juriste, qui s'exprime de manière fort pédagogique dans ces vidéos intitulées les Minutes. On peut même lire la transcription de ces petits films.

— Tu penses bien que je ne suis pas membre de la SGDL !

— Triple buse... D'abord, il est facile de devenir membre de la SGDL, dès lors qu'on a publié un livre chez un éditeur, y compris en tant que traducteur. Et puis, les Minutes sont en accès libre !

— Ben pourquoi tu le disais pas plus tôt ?!

05 juillet 2013

Noms de lieux !

Cela fait longtemps que je n'ai pas secoué le héros récurrent de ce blog – alias un jeune blanc-bec qui a entrepris d'exercer la profession de traducteur –, dans le but généreux de faire entrer dans sa caboche les rudiments du métier.

Je le vois d'ici qui somnole, croyant sans doute que s'ouvrent devant lui les trois mois de vacances auxquels l'ont habitué des années d'université. Le bougre a le nez sur un genre de gadget plat qui lui tient dans la main et qu'il tripote de l'autre d'un geste glaireux. C'est signe qu'il n'est pas tout à fait assoupi. Tirons-le de sa torpeur pour le ramener dans le monde réel et lui rendre par là un insigne service.

— Holà, Jeune Bobo  Soho Worker** TIP*** Jeune Traducteur Inexpérimenté !

— Plaît-il ?

(L'animal m'énerve plus que jamais quand il feint de s'exprimer dans une langue châtiée plutôt que dans son sabir coutumier.)

— Dis voir... Quand tu rencontres un nom de lieu dans une de tes multiples langues sources (oui, c'est agaçant, le gamin est polyglotte), je te fiche mon billet que tu le laisses bêtement tel quel dans le texte cible ?

— Bah oui, si je tombe sur « Madrid » ou « Paris », je traduis par « Madrid » ou « Paris », profère l'insolent en se payant ouvertement ma tête, qui pis est avec un accent impeccable tant en espagnol qu'en anglais.

— Et « Mexico City » ?...

(Je me complais à lui tendre ce piège cruel, je l'avoue.)

— Je traduis par « Mexico », puisqu'en français, la confusion n'est pas possible entre le nom du pays et de sa capitale !! As-tu donc enfin terminé de comptabiliser tes points de retraite, ô noble Aînée pas loin de sucrer les fraises, pour qu'une oisiveté mère de tous les vices te pousse à me poser des questions aussi sournoises que débiles ?

Tu crois que j'ignore que quand un toponyme étranger a, pour des raisons historiques, son pendant en français, on s'abstient de le laisser sous sa forme d'origine ?! Comme Ratisbonne, par exemple.

— Diantre, tu connais non seulement Ratisbonne mais aussi le terme
« toponyme » ?...

(Parfois, il me surprend autrement que par son insondable ignorance. Sans doute Erasmus l'a-t-il amené à fricoter avec des étudiantes du pays bavarois – je ne vois pas d'autre explication à cette science inattendue de sa part.)

— Ouais, même que j'ai assisté au colloque sur la « Traduction des noms propres dans le contexte de la traduction des écrits de voyage », quand j'étais à l'ESIT. Bon, d'accord, c'est bien parce que je comptais pécho à la sortie la traductrice qui intervenait sur « Norme, pragmatisme et frustration : la traduction des noms propres dans le documentaire de voyage », histoire qu'elle reste pas frustrée sur toute la ligne, hin hin hin.(1)

— Ça m'étonnait, aussi. Et... si, par exemple, ton parcours traductif traversait les villes appelées en anglais comme en italien « Viterbo » et « Catania », que ferais-tu ?

— Je remplacerais par « Viterbe et « Catane ». Tu crois vraiment que ça existe, des traducteurs nazes au point de les laisser en langue source ? J'en connais pas, moi.

— C'est que tu n'as encore jamais eu à cotraduire, petit chanceux. L'expérience est parfois fructueuse et sympathique. Parfois aussi, tu tombes sur quelqu'un qui compte sur les autres pour corriger ses bourdes (toponymiques ou autres). Et qui, soit ne traduit pas ce qui devrait l'être, soit traduit de traviole. Quand l'éditeur a la bonne idée de te soumettre les épreuves, tu passes des journées à rectifier « la Reichstag », la « rue Gaisburgstrasse », le « Pont Rialto » ou les « États Arabes Unis ».

— Naaaan ?...

— Si, si, véridique.

(Gros soupir suivi d'un silence)

— C'est pourtant ce qu'on appelait la « culture générale », de ton temps, non ?

— Exact. Et quand on ne sait pas, on se renseigne.

Supposons maintenant qu'au ciné, dans une divertissante comédie anglosaxonne, tu entendes un personnage prononcer « Aachen » et que ce soit sous-titré tel quel. Et qu'à un autre moment, il dise « in Cornwall » et que ce soit sous-titré « à Cornwall » ?

— Je me dirais :

- que l'auteur des sous-titres aurait gagné trois signes en traduisant
« Aachen » par « Aix » ce qui, vu l'importance de l'encombrement en matière de traduction audiovisuelle, n'est pas négligeable
- que s'il croit que la Cornouailles est une ville du nom de Cornwall, il prend peut-être aussi Le Pirée pour un homme
- que pour sa défense, quelqu'un est peut-être passé derrière lui pour démolir son boulot
- mais que quoi qu'il en soit, il n'est pas près de remporter le
prix du Sous-titrage ou du Doublage
.

— Comme tu dis... Dommage, le reste du film était une suite assez acrobatico-cabriolesque de jeux de mots en rafale.

 

*******

 

**   Small Office - Home Office
*** Travailleur intellectuel précaire

 

(1) Pardon, A.-L., tu es la victime innocente de l'unique part de fiction contenue dans ce misérable billet – je ne maîtrise pas bien les écarts de conduite et de langage du héros récurrent.

Le choix du choix

Lu dans un programme télévisé en ligne :

 

« Voici une immersion dans l’intimité d’un clan de lionnes, pensionnaires de la réserve nationale du Masai Mara au Kenya. En choisissant de s'installer près d'une mare, elles n'ont pas choisi la tranquillité. Le réalisateur a choisi de mettre en avant les sons et plus particulièrement les cris des animaux qui peuplent la savane. »


J'ai choisi de pousser un soupir.

04 juillet 2013

Cabanons

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(À lire avec l'accent)

Cabanons, chers cabanons, bientôt vous ne ne serez plus que tas de ruines.

 

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03 juillet 2013

Sudoc (ou : Ça peut toujours servir)

Non, ce n'est pas le nom pudiquement abrégé d'un certain jeu de réflexion, que j'ai vu plonger dans une dangereuse accoutumance certains membres âgés de mon entourage, déjà victimes d'assuétude aux mots fléchés.

Le Sudoc, c'est une base regroupant les notices bibliographiques d'un grand nombre de bibliothèques et centres de recherche.

Concrètement, si vous tentez de mettre la main sur une publication ou même une thèse, le Sudoc (Système universitaire de documentation) vous permet de localiser la bibliothèque ou le centre de ressources où elle est disponible. Pas mal, hein ? J'avais oublié son existence. La gentille demoiselle de la bibliothèque de l'Institut Cervantes à Paris m'a remise sur sa piste. ¡Gracias, Rocío!

Je n'ai pas trouvé dans la base le récent numéro de la Revista de Occidente que je cherchais, sans doute parce que les subventions se tarissant à vue d'œil, les bibliothèques mettent fin à leurs abonnements. Par contre, le test sur « Bibi Fricotin » a donné des résultats !

Ça peut toujours servir.

 

*****

 

Rectif. et pan sur le museau :

Si je n'ai pas trouvé le numéro de la Revista que je cherchais, ce n'est pas la faute des subventions taries, mais parce que je m'y suis prise comme un manche. Merci à S. qui m'a heureusement mise sur la piste de la bibliothèque de Censier. Celle-ci apparaissait pourtant bien dans la base... ¡Mil disculpas, Sudoc!

Ça se confirme : ça peut toujours servir. À conditions de savoir s'en servir ;)

22 juin 2013

Elle voit des traducteurs partout (2) - Chez San-A

 

« Je faisais des traductions pour payer la location de notre résidence secondaire. »

 

Argh + soupir. Ça faisait longtemps que je n'avais pas croisé ce cher poncif qui associe le métier de traducteur à un boulot accessoire, tout juste bon à arrondir les fins de mois. J'en suis encore à m'demander ce qu'un traducteur peut bien trouver comme job d'appoint, lui, pour se payer son cabanon du week-end.

L'individu qui profère le cliché de service raconte sa vie d'avant le jour où il a plaqué Bobonne, sa vie bourgeoise de prof de philo et ses préoccupations bassement matérielles pour s'installer sous les ponts. Car il s'agit d'un clodo, de l'espèce authentique et à vocation. Il faut dire que ça se passe dans les années 1970.

Ça se passe dans les années 1970 et dans Les Con, de San-Antonio, que j'ai entrepris de re-relire, allez savoir pourquoi – le fameux et récurrent besoin d'identification, sans doute. Il a eu un coup de mou, le San-A, en bas de la page 172... Pourtant, le reste de l'envolée lyrique du sieur clodo vaut son pesant de cacahouètes. Il faut dire que le Boudu vient d'être sauvé des eaux par le Béru. L'un engueule copieusement l'autre pour l'avoir extrait de sa liberté pouilleuse des bords de Seine. Brèfle, si vous connaissez le Gravos, vous l'imaginez (la Seine).

La bande de Con est au singulier dans le titre du polar car il s'agit de gens affublés du même et difficile à porter patronyme. Un mystérieux conicide les dégomme les uns après les autres pour leur apprendre à hériter d'un célèbre et richissime Con mourant, qui a testé en leur faveur. Je vous replace en contexte la phrase qui tue :

« Des années à croire au Système, mes pleutres. A l'estimer irréversible. A gauchifier sur la pointe de l'urne, pour se donner l'impression qu'on va changer quelque chose sans toucher à rien. [...] Ils se déclarent libres, et ils ont des épouses et des monstres ! Ah, les carcans vivants ! Un jour, je leur ai tourné le dos pour toujours. J'étais professeur de philosophie, messieurs les inconsistants. [...] Je rêvais de la Légion d'Honneur. Je croyais qu'il avait existé de grands hommes et qu'il en existait encore. Je croyais que ma femme m'aimait autant que je l'aimais. [...] Je soignais mon foie. Je faisais des traductions pour payer la location de notre résidence secondaire. Je me torchais le cul avec du papier de première qualité, etc. »

On observera que notre phrase qui tue est bien entourée !

Les Con
San-Antonio
Fleuve noir
1973

2013-06-23 Les Cons.jpg

 

Pour la route, la pensée du jour.
Elle est elle aussi extraite des Con, qui intercale un polar,
un essai intitulé Con Magazine et quelques encarts
bien sentis sur un sujet universel et inépuisable :

«  Le pauvre con croit qu'inspirer la pitié est un privilège. »