08 octobre 2013
Elle voit des traducteurs partout (3) - Chez Fiodor D.
Détrompez-vous, malheureux Lecteurs qui n'auriez pas encore découvert cette rubrique, dont le titre aurait pu être aussi « J'en tiens un ! ». Elle n'apporte rien de nouveau. L'idée de publier des articles sur des œuvres où interviennent des traducteurs ou interprètes a déjà été mise à profit depuis longtemps en d'autres lieux.
Ainsi, sur leur terrain de chasse favori, l'audiovisuel, les Piles intermédiaires traquent les apparitions ou évocations de traducteurs au cinéma et en capturent les images – avec sous-titres souvent pas piqués des vers – dans leur rubrique ImpÉcr, quand elles ne consacrent pas leurs billets, entre autres multiples thèmes, aux passages de romans qui parlent du cinéma.
Ailleurs, vous trouverez des livres à traducteurs, par exemple dans les sources suivantes :
- le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'ESIT, accessible en ligne pour ses adhérents (les autres peuvent le voler à leurs collègues à la faveur d'un des apéros de l'AAE, ouverts à tous). C'est en toute logique à la Rubrique littéraire, tenue par Sylvie Escat.
- la page Biblio du traducteur, sur le site de l'ATLF, qui indique des références de romans à héros (un grand mot, sauf exception) traducteurs, parmi d'autres ouvrages tels qu'essais ou guides d'aide à la traduction.
Nonobstant ces illustres précédents, ce blog a entrepris de repérer, au hasard de ses lectures ou traînailleries d'oreilles, de fugaces et pas toujours flatteuses apparitions de spécimens traducteurs ou improvisés tels, en général pour cause de tirage de diable par la queue.
Cette fois, vous aurez droit à deux extraits pour le prix d'un ! En fait, deux traductions d'un même passage des Frères Karamazov, de Fiodor Dostoïevski.
Ivan Fiodorovitch, étudiant à Moscou, vend des articles à des journaux.
« De la sorte, le jeune reporter montra sa supériorité pratique et intellectuelle sur les nombreux étudiants des deux sexes, toujours nécessiteux, qui, tant à Pétersbourg qu’à Moscou, assiègent du matin au soir les bureaux des journaux et des périodiques, n’imaginant rien de mieux que de réitérer leur éternelle demande de copie et de traduction du français. »
Traduction de Lucie Désormonts, Sylvie Luneau, Henri Mongault et Boris de Schlœzer
La Pléiade (Gallimard), 1952, p. 14« Ces petits articles, à ce qu'on dit, avaient toujours un côté si curieux et piquant qu'ils eurent du succès et, déjà rien qu'en cela, le jeune homme avait montré sa supériorité pratique et intellectuelle sur cette masse immense, toujours miséreuse et malheureuse, de notre jeunesse étudiante des deux sexes qui, dans les capitales, généralement, fait le siège des rédactions du matin jusqu'au soir sans avoir rien de mieux à inventer que la répétition éternelle de la même demande de traduction du français ou de copie à faire. »
Traduction d'André Markowicz
Babel (Actes Sud), 2002, p. 34
Au fait, le même André Markowicz sera demain mercredi 9 octobre avec Françoise Morvan à la SGDL (Société des gens de lettres) pour une rencontre : Traduire à quatre mains.
Comment ça, « Tu nous en informes trop tard ! » ?
À l'heure où je mets ce billet en ligne, l'évènement n'est même pas passé !
Vous avez tout le temps de vous retourner et même de lire dans l'intervalle le nouveau numéro de L'Écran traduit.
23:27 Publié dans À travers mots, Elle voit des traducteurs partout | Commentaires (0) | Lien permanent
05 octobre 2013
Jouons z'un peu à déplorer
« La Scam déplore qu’aucune proposition concrète ne soit formulée concernant le droit d’auteur dans le secteur du jeux vidéo. »
Ah oui, il serait temps qu'elle déplore. Perso, ça doit faire une petite dizaine d'années que j'ai tenté de le déplorer auprès de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) et que je me suis fait proprement rembarrer, me sentant sur le moment une incarnation du hors-sujet, voire l'allégorie de la question incongrue. Je constate avec plaisir que depuis lors, la Scam a revu sa position :
« Le monde du jeu vidéo est un imaginaire,
sa valeur ajoutée est bien le fruit de la création
d’une conjonction de talents. »
La suite dans le communiqué de la Scam concernant le rapport des sénateurs Gattolin et Retailleau sur le jeu vidéo et le droit d'auteur. À lire aussi, le rapport des deux sénateurs. Tenez, un petit extrait :
Le positionnement délicat du jeu vidéo à la frontière entre industrie et culture s’explique par la nature intrinsèquement duale du produit. D’ailleurs, pour les instituts de recherche, les jeux vidéo sont des « logiciels de loisirs » ou « loisirs interactifs », tandis que le grand public parle de « jeux vidéo ».
Pour Erwan Cario, auditionné par le groupe de travail, si le jeu vidéo est issu de l’imagination et du travail de ses auteurs, il est aussi le résultat d’une conception très encadrée. Le jeu vidéo serait donc un secteur créatif sous contraintes : contrainte technologique bien-sûr (puissance de calcul, possibilités graphiques du support choisi), mais également contrainte d’interface (moyens pour interagir avec l’univers créé) et contrainte économique et commerciale (nécessité d’être édité et distribué pour être
vendu).
Cette analyse est partagée par Philippe Chantepie, dans son étude précitée, qui estime que « dans sa conception même, le jeu vidéo entretient un rapport originel aux technologies et à l’interactivité ». La particularité de la création vidéo-ludique dans son lien entre le jeu et son interactivité a pour conséquence de rendre le jeu vidéo intrinsèquement différent des formes d’art connues jusqu’alors.
Cette originalité du jeu vidéo a été reconnue par la jurisprudence après plusieurs décisions contradictoires quant à la définition à donner à ce produit (logiciel, œuvre audiovisuelle, base de données, etc.). Dans son arrêt Cryo du 25 juin 2009, la Cour de cassation a considéré que le jeu vidéo « est une oeuvre complexe, qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci » et a reconnu, à cette occasion, la dimension graphique, narrative et musicale – c’est-à-dire artistique – du produit.
On observera que, quand bien même un jeu vidéo ne consisterait qu'en une suite de 0 et de 1 (pas remarqué, pour ma part, quand je traduisais les dialogues d'Indiana Jones ou autres) et ne contiendrait pas la moindre trace d'imaginaire et de fiction, il relèverait du droit d'auteur, comme l'indique cette notice de l'Agessa relative aux auteurs d'œuvres multimédia.
Citons l'Agessa :
Se retrouvent sous cette qualification : les jeux vidéo en ligne, les pages de présentation et d’accueil de sites internet, les CD-Rom (ludo-éducatifs, jeux vidéo), les blogs (journal ou bloc-note personnel communiqué au public par le biais de l’internet) réalisés dans le cadre d’un contrat d’édition.
et
L’œuvre multimédia ne figure pas au nombre des catégories des œuvres énumérées à l’article L 112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle mais a été reconnue par les tribunaux comme œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur.
Alors, qu'est-ce qu'on attend pour placer les éditeurs de jeux à même enseigne que les éditeurs de livres et les sociétés audiovisuelles ? Remarquez, je m'en fiche, car ça fait plusieurs années que je ne travaille plus pour eux pour cause de dégringolade des rémunérations. N'empêche, vu les chiffres d'affaires du secteur, j'aurais bien aimé palper quelques droits sur les ventes passées, moi, puisqu'il est un peu tard pour bénéficier aussi de futilités telles qu'un contrat en bonne et due forme et la mention du nom de l'auteur.
Comment ça : « Allons bon, faut-il comprendre de tout cela qu'on peut être payé pour jouer ? » Bah voui, pardi, et pour traduire des jeux, aussi.
11:13 Publié dans À travers mots, Coups de bec, Ronronnements de satisfaction | Commentaires (0) | Lien permanent
01 octobre 2013
Bribes ouïes (11)
Je déambule tranquillement dans le quartier, mains dans les poches. Les matins sont frisquets, ces temps-ci.
C'est alors que j'entends un type dire :
« Les mains dans les poches, c'est moche. »
...
Il s'adresse non pas à moi mais à quelqu'un du même genre (féminin, avec pantalon à poches déformées), en beaucoup plus petit.
La loupiote n'en a cure.
Y va pas nous empêcher de siffloter dans la rue, tant qu'il y est ?
10:43 Publié dans Bribes ouïes | Commentaires (0) | Lien permanent
30 septembre 2013
La teuf du trad
Pour une fois qu'un saint ne s'évertue pas à dégommer d'innocentes créatures (ex. : des dragons, au point que ce blog a jugé utile de lutter pour leur sauvegarde) mais qu'au contraire, il en câline une (un lion, en l'occurrence) dont il a su dompter la férocité naturelle, on ne va pas se priver de le saluer.
En plus, leur occupation favorite à lui et à la bête consiste à traduire, main dans la patte.***
Gallica l'illustre en ce jour de Saint-Jérôme sur sa page effebé par de charmantes enluminures.
Merci à Florence Lecanu d'avoir diffusé cette info et bonne fête aux collègues du monde entier, puisque c'est la Journée internationale de la traduction.
Compte tenu de la forte féminisation de la profession, ajoutons aux respectables ermites de Gallica cette autre digne représentante de l'espèce :
Émile Friant
Femme au lion
Comment ça, « le lion est à l'état de dépouille et quand à ta donzelle à l'état dépoitraillé, rien n'indique qu'elle est traductrice » ?
*** Cela expliquerait-il que nombre de traducteurs (pas forcément saints) aient pour compagnons des félins de plus petit gabarit, comme en souvenir de leur patron ?
10:47 Publié dans À travers mots | Commentaires (0) | Lien permanent
22 septembre 2013
La petite barre du 7
Pour ceux qui regrettent la petite barre du chiffre 7. Non, pas 7, 7 !
Et qui, accessoirement, comprennent un peu l'espagnol.
C'est un court-métrage (2 minutes !) et ça s'intitule Palito.
Auteur : Néstor Fernández.
Comme vous n'avez passé que 2 minutes à regarder celui-là, il vous reste beaucoup de temps pour les autres films présentés dans le cadre du Fibac.
22:56 Publié dans Ceci n'est (vraiment) pas d'la critique ciné | Commentaires (0) | Lien permanent
18 septembre 2013
« Le traducteur est un espion...
...à la solde de l’écrivain. »
Joli, non ?
Qui a dit que ledit espion était voué à rester dans l'ombre ? Il est une émission de radio, toujours intéressante quels que soient son sujet et ses participants. Elle cite systématiquement le nom des traducteurs des livres qu'elle présente. Mieux encore : elle les invite souvent, pour eux-mêmes. Cette émission passe le dimanche sur France Culture, elle se télécharge pour qu'on puisse l'écouter quand on veut et rien que pour son titre :
Tire ta langue, elle le mérite.
Dimanche dernier, son animateur Antoine Perraud avait jeté son dévolu sur Bernard Turle, traducteur et écrivain. L'émission m'a fait regretter de n'avoir pas encore lu Diplomat, Actor, Translator, Spy, dont il est co-auteur avec Daniel Gunn, pour découvrir leurs jeux par texte interposé. Ou un autre de ses ouvrages, Le Traducteur-orchestre, ne serait-ce que parce qu'il disait s'être intéressé au traducteur dans son quotidien au lieu de faire œuvre de traductologue (tant mieux, ça nous change des bla-bla fumeux et abscons).
J'en avais lu parler, pourtant, de ses livres ! Ils ne perdent rien pour attendre, la lacune sera vite comblée.
Bernard Turle écrit aussi : « C’est en traduisant que j’ai appris le français. »
Pour mon humble part, je ne cesse de l'apprendre et ce n'est pas fini.
Pas un quart d'heure sans plonger le nez dans le dictionnaire,
avec le sentiment gabinesque de savoir
tout au plus que je ne sais rien.
Ce doit être ça, le quotidien du traducteur.
23:47 Publié dans À travers mots, Ceci n'est (vraiment) pas d'la critique radiophoni | Commentaires (2) | Lien permanent