25 août 2014
La SNCF n'est plus
La SNCF n'est plus.
« Quoi, récriminez-vous aussi sec, tu entends nous bassiner avec le démantèlement de notre magnifique entreprise ferroviaire nationale, mise à mort à coups de politiques d'intérêt douteux pour l'usager (car on le sait, tu refuses qu'on te qualifie de "cliente", tant à un guichet de gare qu'à celui de la poste), et du service public de façon générale ? Ou bien, n'hésitant devant aucune contradiction, tu as décidé de nous saouler avec toutes les galères dont, à t'obstiner à utiliser les transports en commun, tu es régulièrement victime pour cause de grèves ou de pannes à répétition ? Les uns n'étant certes pas tout à fait étrangers aux autres. »
Nan. La SNCF n'est plus car elle a cédé la place à SNCF tout court. Si vous empruntiez les transports en commun, vous auriez entendu comme moi que dans certaines de ses annonces, une voix avale comme à regret l'humble article qui accomplissait loyalement sa mission depuis 1937 sans pour autant faire valoir ses droits à la retraite. Et vous auriez vu ses nouveaux panneaux d'affichage, sur lesquels il semble décidément manquer quelque chose.
Sans doute faut-il être maniaque traducteur ou autre ami de la langue pour accorder une telle importance à deux petites lettres de rien du tout. Et percevoir autant de sens – ou d'absurdité, ce qui revient au même – derrière leur disparition. Sur ce coup-là, Georges Perec n'est pour rien.
17:30 Publié dans Coups de griffe, La téléportation, c'est bien aussi | Commentaires (3) | Lien permanent
05 août 2014
Traduire les nuages
Ce blog ami des ciels pas forcément d'un bleu uniforme ne pouvait qu'être attiré par un texte intitulé Traduire les nuages.
Vous le saviez, vous, qu'en italien, les bulles de BD s'appelaient des nuvolette (pluriel de nuvoletta) ?... Ce qui signifie « petit nuage » ?
Non ? Dans ce cas, vous auriez pu engranger comme moi ce mot nouveau en lisant, entre autres articles du plus grand intérêt, celui que Giovanni Zucca consacre à l'adaptation de BD dans le dernier numéro de la revue Traduire.
Vous auriez découvert comment il avait appris avec « gravité [...] et une joyeuse inconscience » qu'il allait désormais « inscrire des mots dans des nuages ». Vous sauriez ce qu'il a trouvé comme équivalence italienne pour « Mille sabords ». Et je dirais même plus : vous sauriez ce que sont devenus Dupond et Dupont en franchissant les Alpes.
D'un naturel méfiantAccoutumée, comme tout professionnel de la traduction, à croiser mes sources d'info, j'ai vérifié auprès de mes suppôtesses Lakshmi et Nathalie, toutes deux italianisantes, que les nuvolette étaient bien de petits nuages. Elles ont concordé en me signalant qu'on employait aussi le terme de fumetti (fumetto, au singulier) pour désigner les bulles dans la langue de La Linea, ce terme recouvrant aussi les bandes dessinées elles-mêmes, par extension. Fumetti... petites fumées. Interprétant à ma manière leurs doctes et patientes explications, j'en ai évidemment déduit que les bulles italiennes étaient de petits nuages de fumée.
Traduire les nuages
Giovanni Zucca
Traduit de l'italien
par Vanessa De Pizzol
Traduire
Revue de la SFT
N° 230 (juin 2014),
À la croisée du texte et de l'image, page 87
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En espagnol : bulle >> globo (ballon) ou bocadillo (sandwich),
d'où l'intention graphico-linguistico-pathétique du gribouillis ci-dessus.
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Que les spécialistes viennent me reprocher cette fois
mon goût immodéré pour la police Comic Sans MS.
Pour un billet sur ce thème, je ne pouvais en choisir une autre ! ;)
00:37 Publié dans Marie, mon ciel !, Mots appris | Commentaires (2) | Lien permanent
21 juillet 2014
La 55e des 101 Choses
Le WLF Think Tank est une bande de traducteurs + une illustratrice qui ont regroupé, dans un livre intitulé 101 Things a Translator Needs to Know, 101 conseils principalement destinés aux inconscients aventuriers novices qui voudraient se lancer dans la traduction.
Ce comité de réflexion est en cela plus ambitieux que ce modeste blog qui, de temps à autre, extirpe de sa torpeur un Jeune Traducteur Inexpérimenté pour lui jeter en pâture quelques bribes de sa vaste expérience, dans le but charitable de combler ses lacunes et d'en inciter de plus assis mais moins compétents à changer de boulot pour lui faire de la place.
La 55e des 101 Choses qu'un traducteur doit savoir s'intitule Mind the Gap, ledit gap étant celui qui sépare nos diverses cultures (pour les non-anglicistes : gap a souvent le sens d' « écart » ou de « fossé », au propre comme au figuré, et Mind the gap est l'équivalent de notre « Attention à la marche » dans le métro). Cet article du livre est consacré à la ponctuation, qui a effectivement ses règles propres d'une langue et d'un pays à l'autre, histoire de compliquer la vie du traducteur comme s'il n'en bavait pas assez comme ça.
En guise de substitut français à Mind the gap, je ne trouve pour le moment rien de mieux que :
– Le point d'horreur du traducteur
ou
– Traduire des points ?!...
ou
– Un point fait tout
J'avoue au passage que cet article de 101 Things m'a donné l'occasion d'apprendre que des signes comme les guillemets ou les parenthèses font partie de la ponctuation. Sur le moment, j'ai cru avoir découvert un gap, en pensant que punctuation recouvrait peut-être un sens plus large qu'en français ! (« Viens m'apprendre mon taf après ça », marmonne le Jeune Traducteur Inexpérimenté mais prompt au triomphe et fort de son bac +12 en sciences des langues.)
L'article 55 s'achève sur trois phrases qui ne pouvaient que me mettre en joie, pour mieux me plonger ensuite dans des cogitations que l'adjectif « laborieuses » exprime moins bien que l'expression imagée sur laquelle joue la première phrase :
« Punctuation can be a pain in the asterisk.
You can quote us on that.
Just make sure you use the right quotation marks. »
La bande d'auteurs du livre nous autorise à la citer, à condition d'employer les guillemets appropriés. « Citez-nous si vous voulez mais citez-nous à point nommé. », adapterais-je tant bien que mal, car nous avons affaire là à un deuxième jeu de mots. Ou bien, en m'éloignant du sujet pour rappeler notre cher droit d'auteur si souvent passé à la trappe : « Citez-nous si vous voulez mais n'oubliez pas de nous citer. »
Dont acte.
(« Don’t act », prétendrait un correcteur orthographique paramétré pour l’anglais et commettant par là un lourd contresens sur l’objet même de ce livre qui, à l'inverse, incite le lecteur à passer à l'acte traductif, mais en connaissance de cause.)
Voici, après quelques remue-méninges – vive les trajets en train, propices à ce genre de divertissements ! –, quelques traductions pour la première phrase :
– Sans ponctuation, point de salut. Ni d’interrogation ? Ni d’exclamation ! Ni de suspension…
– La ponctuation est un point d’interrogations multiples.
– La ponctuation : points trop n’en faut.
– La ponctuation ? Allez trouver le point génial...
À vous de relever le défi des auteurs et de vous amuser à trouver d’autres idées de traduction ! Ce qui reviendra – paradoxe – à relever le niveau de mes suggestions tout en en abaissant le niveau de langue (vous me suivez ?) afin qu'il ne soit ni trop grossier, ni trop raffiné, ce à quoi je ne suis pas parvenue.
Bref, à vous d'en avoir bientôt plein l'ast... d'être bientôt tout endoloris de l'astérisque.
Que le Lecteur qui repérerait dans ce billet une erreur de ponctuation ou autre n'hésite pas à me la signaler !
Sur un sujet proche, ce blog s'est déjà fendu d'un petit billet.
© WLF 101 Publishing 2014
Auteurs : Paul Boothroyd, Carmelo Cancio,Chris Durban, Steve Dyson, Andy Evans, Janet Fraser, Catherine Anne Hiley (illustratrice), Ian Hinchliffe, Inga-Beth Hinchliffe, Hugh Keith, Terence Lewis, Bill Maslen, Terry Oliver, Nick Rosenthal, Ross Schwartz,
Rannheid Sharma, John Smellie, Lois Thomas
Compilé et révisé par Ian Hinchliffe, Terry Oliver, Ros Schwartz
20:34 Publié dans À travers mots, Ceci n'est (vraiment) pas d'la critique littéraire | Commentaires (0) | Lien permanent
Marie, mon ciel (25) — Dans un ciel d'énigme
«... et dans un ciel d'énigme de petits nuages qui savent ce qu'ils veulent mais ne nous le diront jamais...»
René Crevel, Écrits sur l’art (Eugene Mac Cown, peintre ingénu)
Éditions Ombres, 2011, p. 24
19:03 Publié dans Marie, mon ciel ! | Commentaires (0) | Lien permanent
15 juillet 2014
Bribes ouïes (16) - Dans le train
Dans le train, pas envie de me plonger dans un livre, pas question de plonger dans un écran d'ordi. Ce côté du miroir me suffit. Mes yeux absorbent tout ce qu'ils peuvent d'un paysage banal seulement si on le veut : blés en partie couchés (par la pluie ?), clocher d'ardoise à la forme curieuse (tiens, il n'y en a pas deux de même style en chemin), bananiers dans des jardins familiaux-ouvriers, noyers, noisetiers, ronces à repérer pour de futures maraudes, drapeaux, dont certains aux couleurs des vainqueurs (de la coupe du monde), nuages plomb dans l'aile qui cherchent un point de chute, torchères de raffinerie illuminant le jour gris, interminable suite de camions-citernes, pas de chevreuil cette fois mais trois petits lapins...
Mes oreilles ne sont pas en reste.
Deux gars discutent, l'un caché à ma vue, l'autre avec tatouage sur le bras et petite chienne. Elle seule aura peut-être senti que la cocker-traductrice assise derrière eux, toujours à l'affût de surprises ou perles langagières, saisit au vol des bribes de la conversation.
Je dresse l'oreille quand j'ai entendu un de mes deux copassagers dire, à propos d'une proche qui avait passé un IRM : « Dès que c'est du langage scientifique, même si elle n'a rien, elle se croit morte ou amputée. » Matière à réflexion pour des kilomètres.
Puis les voilà qui rouspètent parce qu'il faut plus de temps pour rallier notre destination francilienne que pour foncer à Bruxelles d'un trait de Thalys :
— Si on avait eu la voiture...
— C'est pareil.
— C'est pareil mais c'est pas pareil !
Comme moi, ils admirent au passage de fascinants monuments de l'industrie agricole :
— Un silola !!
Plus loin :
— Un bossilo !
Sans doute alerté par quelque discrète trémulation, l'un des deux répond au téléphone. (Dommage, une coupure l'empêche de poursuivre. Rien à glaner pour ma rubrique Mobiles dires.) Synesthétique en diable, il observe :
— T'as vu, on l'entend pas quand il sonne...
Le train, c'est décidément pas pareil.
09:07 Publié dans Bribes ouïes, La téléportation, c'est bien aussi, Vadrouilles extra-Périf | Commentaires (1) | Lien permanent
14 juillet 2014
Bribes ouïes (15) - Bribes-enfants
Dans le contexte très particulier de ce blog, « bribe » pourrait souvent être synonyme d'« enfant ».
Triple récolte aujourd'hui :
Une petite fille montre du doigt un vitrail composée de cases en camaïeu de brun clair :
— Des caramels !
Un petit garçon peu embarrassé de verbes irréguliers, devant un escalier qui s'enfonce vers de mystérieux sous-sols voûtés :
— C'est interdit de descender !
Dans le train, deux loupiots.
Le grand frère :
— À la gare de Lyon, y a des lions.
La petite sœur :
— À la gare de Chien, y a des chiens.
23:44 Publié dans Bribes ouïes, La téléportation, c'est bien aussi, Vadrouilles extra-Périf | Commentaires (4) | Lien permanent