15 juillet 2014
Bribes ouïes (16) - Dans le train
Dans le train, pas envie de me plonger dans un livre, pas question de plonger dans un écran d'ordi. Ce côté du miroir me suffit. Mes yeux absorbent tout ce qu'ils peuvent d'un paysage banal seulement si on le veut : blés en partie couchés (par la pluie ?), clocher d'ardoise à la forme curieuse (tiens, il n'y en a pas deux de même style en chemin), bananiers dans des jardins familiaux-ouvriers, noyers, noisetiers, ronces à repérer pour de futures maraudes, drapeaux, dont certains aux couleurs des vainqueurs (de la coupe du monde), nuages plomb dans l'aile qui cherchent un point de chute, torchères de raffinerie illuminant le jour gris, interminable suite de camions-citernes, pas de chevreuil cette fois mais trois petits lapins...
Mes oreilles ne sont pas en reste.
Deux gars discutent, l'un caché à ma vue, l'autre avec tatouage sur le bras et petite chienne. Elle seule aura peut-être senti que la cocker-traductrice assise derrière eux, toujours à l'affût de surprises ou perles langagières, saisit au vol des bribes de la conversation.
Je dresse l'oreille quand j'ai entendu un de mes deux copassagers dire, à propos d'une proche qui avait passé un IRM : « Dès que c'est du langage scientifique, même si elle n'a rien, elle se croit morte ou amputée. » Matière à réflexion pour des kilomètres.
Puis les voilà qui rouspètent parce qu'il faut plus de temps pour rallier notre destination francilienne que pour foncer à Bruxelles d'un trait de Thalys :
— Si on avait eu la voiture...
— C'est pareil.
— C'est pareil mais c'est pas pareil !
Comme moi, ils admirent au passage de fascinants monuments de l'industrie agricole :
— Un silola !!
Plus loin :
— Un bossilo !
Sans doute alerté par quelque discrète trémulation, l'un des deux répond au téléphone. (Dommage, une coupure l'empêche de poursuivre. Rien à glaner pour ma rubrique Mobiles dires.) Synesthétique en diable, il observe :
— T'as vu, on l'entend pas quand il sonne...
Le train, c'est décidément pas pareil.
09:07 Publié dans Bribes ouïes, La téléportation, c'est bien aussi, Vadrouilles extra-Périf | Commentaires (1) | Lien permanent
Commentaires
J'adore ce récit !
Moi aussi dans le train j'adore regarder dehors... Surtout les collines toutes douces et les villages/maisons où on entre voit la petite vie des gens.
Écrit par : Lor | 23 septembre 2014
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