15 janvier 2013
Mots de travers (4) - La carte électorale
J'exhume ce billet, car depuis que je l'ai publié aux environs de Pâques, j'ai retrouvé un exemplaire de la vraie, de l'authentique carte d'électeur.
***
L'autre jour, j'ai reçu ma nouvelle carte électorale. En soi, j'en suis extrêmement satisfaite.
Mais chaque fois, je tique. Pour moi, la « carte électorale », c'est le découpage des circonscriptions.
Tandis que le bout de papier fort, c'est une « carte d'électeur ». Que je me trouve être électrice n'y devrait rien changer, selon moi.
Si on a opté pour cette dénomination, c'est sans doute par souci de neutralisation des genres, car autrefois, le document portait bien cette mention de « carte d'électeur » :
Contradiction que les Lecteurs m'aideront peut-être à dissiper : il me va tout à fait qu'aujourd'hui, on parle souvent de « droits humains » au lieu de « droits de l'homme » (comme dans la fameuse Déclaration, qui comporte celui de voter). Je n'y vois que justice et non le résultat d'une influence anglosaxonne, comme certains le pensent.
N'empêche, pour la carte électorale, je tique et retique. Je sais, il n'y a que des individus de mon espèce (profs, traducteurs et autres maniaques) pour s'exciter sur des trucs pareils. À l'heure où il conviendrait plutôt de planquer des œufs dans un jardin.
20:00 Publié dans La chronique de Vocale Hubert | Commentaires (6) | Lien permanent
11 janvier 2013
Mots appris (22) - Idiolecte
Depuis quelque temps, je vois des idiolectes partout.
Ça a commencé par quelques lignes, à propos des provincialismes et autres aspects originaux du langage de Shakespeare, comme par exemple son rare emploi du mot also :
« De telles particularités constituent ce qu’il est convenu d’appeler l’idiolecte de quelqu’un, et celui de Shakespeare ne ressemble évidemment à aucun autre. »
Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que le chapitre concernait ce « désir très ardent » qui existe chez beaucoup de gens « de croire que les pièces de William Shakespeare ont été écrites par quelqu’un d’autre que William Shakespeare ».
C’était dans ce livre qui, malgré ou à cause de son sous-titre, vous en apprendra beaucoup sur le Barde et sur son époque :
Shakespeare – Antibiographie
Bill Bryson
Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray
(Laquelle m’a confirmé que dans la version originale, l’auteur avait bien utilisé le mot idiolect. J’ai préféré poser la question. On ne sait jamais. Et une question idiote à propos d'un idiolecte – d'autant plus que ce mot vient de l'anglais, ce que j'allais apprendre plus tard – doit être relativement tolérable.)
Petite Bibliothèque Payot, 2012, p. 214
Puis, je suis tombée sur deux nouveaux idiolectes, là :
« Oui, mais encore ? Comment en est-il venu à créer une vraie langue ? Et s’il ne la parle avec personne, n’est-ce pas seulement un idiolecte ?
“Les idiolectes, je n’y crois pas. Chacun (…) parle un dialecte de sa propre langue. Dès que j’ai commencé à me servir du wardwesân, l’idiome s’est enrichi, modifié. Et l’enjeu est devenu le développement d’un véritable objet littéraire : impossible de créer une langue sans créer une littérature dans cette langue.” »
Cette fois, c’était dans :
Le wardwesân sans peine
Article d’Emmanuèle Sandron, dans lequel celle-ci s’entretient autour d'un sandwich arlésien avec Frédéric Werst, créateur de cette langue
Dans Translittérature, la revue de l’ATLF, n° 42, hiver 2012, p. 88
Enfin, je succombai sous une avalanche d’idiolectes, dont je ne vous livre que le début :
« Idiolecte : aphorisme et jeux de mots
Lors du transfert, s’attacher à garder la singularité du texte, c’est prendre en compte non seulement le sociolecte (porteur de valeurs socioculturelles) mais aussi l’idiolecte (en cas de présence, bien sûr). En principe, les linguistes, et tout particulièrement les sociolinguistes, affirment qu’il existe toujours des zones de contact entre dialecte, sociolecte et idiolecte. Si le sociolecte est porteur de valeur collectives, l’idiolecte – procédé de codification de premier ordre – est porteur d’une vision individuelle. Chaque idiolecte possède ses formes préférées, sa phraséologie spécifique et même ses propres mots. »
C’était dans :
Traduire la nouvelle génération d’écrivains égyptiens : réussir un puzzle minimaliste
Article de Sahar Samir Youssef
Dans Traduire, la revue de la SFT, n° 226 « Face au miroir », 1er semestre 2012, p. 120
Ils sont partout, je vous dis ! C'est à peine si j'ose encore ouvrir un bouquin, moi. Je me sens cernée...
« Idiolecte :
Utilisation personnelle d'une langue par un sujet parlant.
Tous les idiolectes sont différents. »
Petit Robert
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Si toi aussi, Lecteur, tu possèdes ton idiolecte,
vas-y, exprime ta singularité linguistique
dans les commentaires.
00:57 Publié dans À travers mots, La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (2) | Lien permanent
01 janvier 2013
Marie, mon ciel ! (19) Bonne année !
Inutile de me supplier. Vous n'aurez pas
la version « avec faune locale » de ma photo.
Ceci est un blog sérieux !
Bonne année !
00:00 Publié dans Marie, mon ciel ! | Commentaires (4) | Lien permanent
29 décembre 2012
Marcher - Partir ?
« Rien ne ressemble plus à un rêve
qu’un voyage en car de nuit dans un pays étranger. »
Terje Sinding m’a offert un livre de Tomas Espedal, qui s’intitule Marcher (ou l’art de mener une vie déréglée et poétique).
La sédentarité ne convient pas au narrateur. Sans doute être enfermé entre quatre murs empêche-t-il cet écrivain de penser comme il le voudrait, lui qui ne pense jamais mieux qu’en marchant, surtout en montagne, et pour qui « marcher, c’est le contraire d’habiter ». N’y tenant plus, il part pour des mois de semi-vagabondage, dans un premier temps à travers son pays, la Norvège. Au fil du livre, il racontera aussi d’autres de ses échappées, notamment en France, sur les traces de Rimbaud, de Satie, de Giacometti et de son Homme qui marche.
L'Homme qui marche et l'enfant
Sculpture d'Alberto Giacometti,
fondation Maeght
Photo © Louis-Paul Fallot
Convoquant Rousseau, Chatwin et bien d’autres, l’auteur définit un genre littéraire : le livre de marcheur. Mais ce roman marche aussi vers le cœur de l’écriture. Un paradoxe se dessine : si la marche favorise les pensées, écrire oblige à lutter contre elles. La lutte et la souffrance sont aussi celles du corps, à cause de la faim, du froid, des ampoules. Pourtant, marcher est également un moyen de se purifier. Et c’est le bonheur de la solitude, en une phrase du traducteur qu’on voudrait avoir formulée soi-même :
« Jamais je ne me sens moins esseulé qu’en étant seul. »
Le narrateur quitte son cher isolement (où il croise toutes sortes de personnages) pour rejoindre en Grèce son ami et habituel compagnon de marche, Narve. L’évocation d'un de leurs souvenirs communs, une représentation du Songe d’une nuit d’été, en plein air et justement lors du solstice d’été, à l’occasion d’une précédente randonnée en Norvège, vaut à elle seule de lire le roman.
Si Narve est équipé d’un seyant pantalon de rando couleur fluo, le narrateur, assez peu conforme à la dégaine du Vieux Campeur, se balade sur les chemins escarpés, d’un bout à l’autre de l’Europe, en costard à fines rayures et Doc Martens. Aux deux compères qui sont là pour des mois et ont quasiment tout quitté pour pénétrer des régions inconnues, il arrive de croiser leurs contraires, « ces types pourvus d’un sérieux mélange de témérité et de bêtise, les pires qualités pour entreprendre un voyage ». De ces « idiots itinérants », j’ai croisé avec perplexité un bon nombre de spécimens lors de mes propres vadrouilles, en me demandant pourquoi ils partaient pour de si longs périples, si c’était pour rester cloîtrés ou presque, en territoire bien rassurant et entourés de leurs clones, dans les auberges de jeunesse du continent écumé. De quoi rêvent-ils ? « Du plaisir de rentrer à Sydney, de reprendre des études et d’épouser la fille des voisins. » En Turquie, l’expédition de Narve et du narrateur prendra fin, vaincue par le mal du pays.
Ajoutons qu’en chemin, les deux zigs sifflent une impressionnante quantité de whisky, ouzo, raki et autres substances alcoolisées, souvent pour lutter contre le froid de la belle étoile. Le randonneur moyen ne vit pas que de dénivelées et d’eau fraîche, quoi qu’on pense, mais de là à trimbaler force litrons dans son sac à dos... Eux, qui voyagent pourtant très léger, se délestent rarement de leur carburant, ou bien seulement selon le principe des vases communicants.
Terje Sinding ne pouvait guère savoir que la déambulation était l’une de mes occupations les plus nécessaires (oui, c’est gênant quand on est censé tapoter d’arrache-mains sur un clavier toute la journée). Il ne pouvait savoir non plus que j’en ai aussi traduit un, de « livre de marcheur ». L’auteur de celui-là se balade de l’Angleterre à l’Australie. Sa recherche est différente. Mais les marcheurs-penseurs qu’ils citent sont souvent les mêmes. En lisant Marcher, je me suis aperçue que son traducteur et moi avions farfouillé dans les mêmes poèmes de Whitman, épluché – en suant à grosses gouttes, en ce qui me concerne – les mêmes pages du journal de Kierkegaard... Mais seul Terje pouvait donner (page 67) cette belle traduction d’un poème en norvégien d’Olav Nygard, Dikt i samling, dont voici un passage :
[…] Pourquoi se hâter
Quand l’éternité chante sa berceuse
Dans le parler des elfes, quand le temps
Du joug si lourd libère les épaules,
Quand tout se meut au rythme de la danse
Sous le feuillage saupoudré d’argent.
Bientôt sortira un nouveau livre d’Espedal : Contre l’art. Connaissant maintenant un peu le bonhomme à travers les pérégrinations de son personnage dans Marcher, ça n’étonne pas vraiment de lui. En attendant, si vous avez autour de vous des déambuleurs, pérégrineurs, vadrouilleurs, randonneurs, marcheurs, ou même des bernacles irréductiblement accrochées à leur rocher, ça leur ferait un joli cadeau, hein ?
Tomas Espedal
Marcher
(ou l’art de mener une vie déréglée et poétique)
Traduit du norvégien par Terje Sinding
Actes Sud, 2012
Photo de couverture
© Dariusz Klimczak
Tiens, la sédentarité des bernacles qui, après tout, même collées à leur rocher ou dans leur baignoire, peuvent contempler le monde elles aussi, me fait penser à cet autre poème, de Blaise Cendrars celui-là. Un autre ami et collègue, Graham Maclachlan y voit plein « de promesses, d’espoirs, d’ivresse de la vie » :
Tu es plus belle que le ciel et la mer (extrait)
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes…
Feuilles de route, 1924.
Gallimard 1993
Merci à Terje, à Louis-Paul et à Graham.
Au fond, bloguer, c’est marcher un peu, puisque ça permet aussi de faire des rencontres ou de mieux connaître ceux qu'on a déjà rencontrés.
***
La sculpture L'Homme qui marche, d'Alberto Giacometti, est celle de la fondation Maeght. La photo est l'œuvre de Louis-Paul Fallot. Je l'ai trouvée en farfouillant pour illustrer mon billet et il m'a gentiment autorisée à la publier. Elle s'intitule L'Homme qui marche et l'enfant. Vous la verrez sur cette page du Blog de Louis-Paul.
Elle est chouette, hein ?
Visitez ce blog, les autres photos sont magnifiques aussi.
Des photos comme on aimerait en faire :(
00:06 Publié dans Ceci n'est (vraiment) pas d'la critique littéraire | Commentaires (2) | Lien permanent
25 décembre 2012
L'urgence de lire
Vous savez comme moi que lire, c'est un besoin vital.
Tout est là, sur le site de L'Urgence de lire.
Et pour donner des livres à Bibliothèques sans frontières, c'est sur cette page de ce même site, avec notamment une liste des points de collecte.
08:11 | Commentaires (0) | Lien permanent
24 décembre 2012
Les auteurs à la maison
Toute de rouge vêtue, la mère Noël SCAM a inauguré jeudi dernier
sa Maison des auteurs.
Ses invités s'étaient mis au diapason (si je puis dire ?), y compris les Schtroumpfs traducteurs ignorant jusqu’à l’existence d’une autre couleur que le bleu, mais qui avaient fait un effort pour l’occasion, d’autant plus volontiers qu’elle leur a offert une jolie écharpe – rouge.
La Maison des auteurs, ce sont des locaux spécialement destinés à ses membres, réalisateurs de documentaires, journalistes, photographes – et aussi traducteurs-adaptateurs de documentaires. Ils pourront y boire un coup consulter la presse spécialisée, explorer la base professionnelle de l'INA, s’y retrouver avec leurs collègues ou organiser leurs rendez-vous professionnels. Des débats et ateliers seront également organisés dans ce nouvel espace.
La SCAM mettait déjà à la disposition de ses membres ses salles de projection et de réception pour des évènements tels que les soirées annuelles d’information de l’ATAA. Mais désormais, son bel hôtel particulier sera un véritable lieu de villégiature…
Merci, la SCAM ! Joyeux Noël à toi
et aux Schtroumpfs peints en rouge, pour l'occasion.
12:48 Publié dans À travers mots | Commentaires (0) | Lien permanent