13 juillet 2012
Toujours pas concise, la Mochlangue
En ce jour de Fête nationale, je pétarde de nouveau la Mochlangue, enfin, je déterre un vieux billet qui lui était consacré. Depuis la première publication de cet article, intitulé Concise, la Mochlangue ?, le 23 mars dernier, la liste s’est étoffée ! Ce sera mon cocorico de sous les lampions.
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Souvent, comme prétexte pour parler charabia, d'aucuns avancent que c'est plus court que le français. Sans aller chercher bien loin, on trouve des preuves du contraire. Que ce soit à l'oral ou à l'écrit, les substituts suivants ne sont pas plus concis que les termes corrects.
Substitut |
Mot/ |
Mes commentaires |
Absolument. |
Oui. |
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Acronyme |
Sigle |
Un acronyme, en français, c’est un sigle qui se prononce comme un mot. Ex. de sigle : RATP. Ex. d'acronyme : Unesco. Pourquoi confondre les deux ? |
Black |
Noir |
Black c'est noir !! |
Buzz |
Bruit |
Ou pas mal d’autres possibilités, quoique moins concises. |
Définitivement |
Décidément |
|
En charge de |
Chargé de |
|
Évasion fiscale |
Fraude fiscale |
Ben oui, on peut truander sans faire changer son pognon de territoire. |
Fondamentaux (les) |
Bases, rudiments |
|
Formaliser |
Donner forme à |
|
Hot |
Chaud |
|
Initier |
Lancer |
|
Intervenir |
Survenir, |
Pourquoi utiliser « intervenir » dans le sens de « survenir » ? Entendu pas plus tôt qu’aujourd’hui : « La mort est intervenue… » On se croirait chez Pratchett. À force d’être moche, ça en devient surréaliste. |
Légende urbaine |
Légende (tout court), rumeur, |
Quelqu’un pourrait-il m’expliquer ce qu’elle a d’urbain, surtout à l'heure où Internet nous a transformés en village mondial ? |
Participer de |
Participer à |
Les deux ont un sens différent. Pourquoi employer l’un à la place de l’autre ? Ça participe peut-être d’un certain snobisme pseudo-intello. |
Psychorigidité |
Cohérence |
Je reconnais que cette case ne relève pas exactement du combat anti-Mochlangue… |
Sérieusement |
Gravement |
D’accord, c’est dans le dico. N’empêche. |
Solutionner |
Résoudre |
D’accord, c’est aussi dans le dico. N’empêche. |
Sur |
À |
Je ne suis pas sur Paris, je suis à Paris. Je sais, j’ai de la surface, mais quand même. |
Switcher |
Changer |
|
Technologie |
Technique |
La plupart du temps, les 3 syllabes de « technique » suffiraient amplement. |
My ass |
Zazie, sors de ce blog et retourne dans ton métro, s’il te plaît. On sait que tu as une solution percutante à proposer. |
On observera que la plupart de ces mots ou expressions sont calqués ou directement copiés de l’anglais. Je les glane principalement à la radio ou à la télévision de service public. Ou, qui pis est, sous la plume de traducteurs. J’ajouterai sûrement d’autres exemples au fil du temps. Toi aussi, Lecteur, tu peux jouer à allonger la liste.
Je précise et j'avoue que je pratique la Mochlangue assez couramment !
23:45 Publié dans Coups de griffe, La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
24 juin 2012
Mots de travers (9) - Tri sélectif
Après le bip sonore, encore plus fort : le tri sélectif.
Du temps où on triait les lentilles, on mettait d’un côté les lentilles, de l’autre les petits cailloux. Ce n’était pas un tri moderne. Depuis, nous avons heureusement réalisé d’énormes progrès.
À moins que ce ne soit encore un coup du besoin de redondance ? Et que « tri » tout court désigne exactement la même chose que « tri sélectif », mais qu’on précise afin que ce soit clair pour tout le monde ? Quand on voit ce que certains de mes voisins balancent dans le bac des recyclables (emballages de polystyrène maculés de sauce tomate, papiers gras avec miettes incorporées, plantes mortes de désespoir d’habiter chez des pignoufs pareils, etc.), il est vrai qu’on ressent soudain un fort besoin de redondance encore plus redondante, voire même un brin pléonastique (je veux bien reconnaître que j’exagère, là)***.
Amis traducteurs vers l’étranger ou vers l’extraterrestre, rendez-vous « tri » tout court et « tri sélectif » par des termes différents, dans votre belle langue qui, je parie, enfonce elle aussi parfois les clous déjà enfoncés ? Si vous avez des exemples, on est preneuse.
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*** Digression osant carrément frôler la lapalissade :
N'empêche... « Quand on voit c’qu’on voit et qu’on sait c’qu’on sait, on a raison d’penser c’qu’on pense... Et pis, de n'rien dire. ». À prononcer avec un fort accent du Haut-Doubs.
Oui, la Madeleine Proust est de retour à Paris. Y a du boulot. (<< À prononcer aussi avec l'accent du Haut-Doubs.)
16:12 Publié dans Coups de griffe, La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (2) | Lien permanent
22 juin 2012
Mots de travers (8) - Bip sonore
Un bip, oui, mais un bip... sonore !
Ça ne vous a jamais paru bizarre, à vous, qu'on vous demande de laisser un message « après le bip sonore » ? Ah bon, c'est ce que vous dites vous-mêmes sur votre boîte vocale ? [regard affligé en direction des Lecteurs, assorti d'un soupir]
Faut-il en déduire qu'il y a des bips pas sonores ? Étouffés, dans certains contextes, assurément. Mais des bips pas sonores...
Et que font du bip sonore nos amis traducteurs étrangers, quand ils doivent transférer la chose dans leur propre langue ?
Sans parler des extraterrestres qui, en vacances chez nous, doivent quand même être épatés par notre technologie à hertz (ou à décibels ?) portés au carré. De quoi s'en prendre plein les antennes.
J'ai encore vu l'expression l'autre jour, dans un film sous-titré pour les sourds et malentendants. (Non, chers amis sourds ou malentendants, malgré cet enchaînement, je ne vous assimile pas à des Martiens. Et, oui, ça m'intéresse de regarder les sous-titres qui vous sont destinés, même sans en avoir encore tout à fait besoin.) Cette redondance vous est-elle indispensable ou vous laisse-t-elle perplexe, comme moi ?
Par ailleurs, s'il y a des bips sonores, il y a forcément des drelin-drelin, des ouiiiiiin, des bling cling sonores ? Je me disais bien qu'ils faisaient du bruit.
Lecteur qui n'a vraiment rien de mieux à faire que de me lire et de m'éclairer, ton avis sur ce curieux phénomène acoustico-linguistique m'intéresse. Laisse un message après le... euh, non, je n'ai rien dit. Mais au bout du blog silencieux, tu peux !
18:20 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (2) | Lien permanent
09 juin 2012
Mots de travers (7) - Événement
Je m’apprête à rendre la traduction d’un livre. Comme souvent, un certain mot y apparaît à plusieurs reprises, car il est d'emploi très courant. Je sais que le correcteur va en rectifier l’orthographe. Je laisserai faire sans pinailler, car de deux choses l’une. Soit le correcteur fait partie de ceux qui m’apprennent beaucoup à chaque révision d’ouvrage, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante, et je préfère discuter avec lui de points plus délicats. Soit il est de ces massacreurs-de-boulot-des-autres, comme il en sévit beaucoup trop parmi les professions qui interviennent après nous, les traducteurs, et j’aurai déjà fort à faire pour lui enseigner les rudiments de la langue française, si sa conception de son métier consiste à ajouter des fôtes là où il n’y en a pas. (Oui, Lecteur profane, certains correcteurs sont une des bêtes noires des traducteurs.)
Il n’empêche… Bien que sachant qu’un correcteur humain ou plus probablement automatique (mais pas pour autant au fait de l’orthographe telle qu’admise dans le dictionnaire) va passer derrière moi et modifier la situation, ou peut-être justement parce que je le sais, je persiste à écrire le mot en question tel qu’il se prononce et tel qu’il figure dans le dictionnaire.
Je sais bien que le français ne s'écrit pas forcément comme il se prononce, loin de là. Et que si on tentait de l'écrire comme il se prononce, on seré caréman ankikiné é dan de bô dra pour pa dir un tantiné dan le kk (ce qui n'a pas l'air de déranger les scripteurs de SMS, mais c'est une autre histoire).
Par ailleurs, loin de moi l’idée de râler parce que d’autres trouvent un charme, une poésie à écrire ce mot à l’autre manière admise par le dictionnaire. Ils en ont bien le droit. J’aimerais juste (parce que j’ai la flemme d’enquêter par moi-même) qu’ils me disent s’il y a une raison historique ou autre, justifiant cette orthographe qu’ils chérissent, à l’exclusion de celle qui a ma préférence. Je serais même ravie qu’ils éclairent ma lanterne, quitte à me faire changer d'avis s'ils ont des arguments assez séduisants à m'offrir. À moins qu’il n’y ait qu’un méchant élitisme* pour expliquer ce choix, cet élitisme qui vous convainc que vous êtes du bon bord, que vous faites partie de la coterie de ceux qui savent, par rapport à l'infâme plèbe inculte ? Et que vous ayez trop peur qu’à l’écrire tel qu’on l’entend, vous passiez vous-même pour un béotien aux yeux des pisse-froid qui n’ont que trois mots de vocabulaire et trois règles d’orthographe pour croire connaître (et aimer ?) le français, et qui trouvent leur valeur dans la supposée ignorance des autres ?
Je suis sûre que parmi les tenants de l'orthographe prisée de cette élite, beaucoup n'ont seulement jamais eu l'idée de regarder comment ce mot s'écrivait dans le dico. Ben oui, on (des profs ?) leur a dit que ça s'écrivait comme ça, alors forcément, ça s'écrit comme ça.
Quoiqu’il en soit, votre « événement », moi, je n’arrive pas à l’écrire et encore moins à le prononcer, pas plus que les « hormônes » des scientifiques.
Alors, puisque ici, je suis chez moi, dans MON blog, où aucun censeur ne viendra trafiquer mon choix – choix tout ce qui est de plus conforme au dictionnaire, rappelons-le –, eh bien, j’en profite et m'en donne à cœur joie :
évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement
Nananéééééééééééreu. Euh... non, décidément imprononçable.
Nanèèèèèèèèèèèèèèèèreu !!
Ah, on se sent mieux, après ça.
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* Digression :
Vous avez remarqué que les tenants de l'élitisme se placent toujours, quoique de manière non avouée, parmi l'élite ? Pourtant, en cas d'avènement (mais non, je ne l'ai pas fait exprès) de leur idéal, qui dit qu'ils y seraient admis, parmi l'élite ?
22:49 Publié dans Coups de griffe, La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (3) | Lien permanent
28 mai 2012
Mots (dés)appris (10) - Pied
Longtemps, j'ai cru qu'un vers se composait de pieds.
Or L'Autre Jour, à moins que ce fût l'an dernier,
Entre mille autres choses, les ondes m'apprenaient
Qu'on ne trouve point de pieds dans un vers français,
Mais des syllabes, ce qui me laissa oreilles bées.
« C'est un truc de vieux prof », en substance, qu'elle disait
La radio, à propos de ce qu'on m'inculquait
Si je me souviens bien, à l'école, en effet.
Chez les Grecs, les Latins, le pied, volontiers
Allait se faire voir et même versifier
Mais dans l'alexandrin, faudrait pas y compter.
Sur le pied, la syllabe prend le pas − prend son pied ?
L'Autre Jour décline toute responsabilité quant aux vers de mirliton pondus ci-dessus. C'était le quart d'heure du Poète-Poète, qui ferait bien d'aller versifier ailleurs, maintenant qu'on lui a laissé sa fenêtre d'expression.
Cela dit, toute information complémentaire à son verbiage à propos des pieds et des syllabes piqués aux vers sera la bienvenue, y compris sous forme de rimailleries.
18:46 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
27 mai 2012
Le traducteur traduit (5) - « Commanditaire »
Une frange de la profession emploie le mot « commanditaire » pour désigner la personne que les autres traducteurs appellent « donneur d’ordre » ou – mieux, à mon goût ! – « donneur d’ouvrage » (ou encore « client », surtout chez ceux qui exercent en libéral plutôt que sous le statut d’auteur).
Intrigant, non ? Je parie que ce commanditaire vous rend aussi perplexes que moi, sauf si vous faites partie de la frange en question.
Consultons le dictionnaire (j’ajouterai l'ami Robert quand je l’aurai de nouveau sous la main – pour le moment, il est en villégiature). Le Littré dit : « Bailleur de fonds dans une société en commandite. » Rien à voir avec notre homme/notre femme, donc. Le Larousse donne une définition semblable, en précisant qu’il s’agit de vocabulaire juridique : « Associé d’une société en commandite qui apporte des fonds ». Il indique aussi cet autre sens : « Personne qui commandite. » Hop, direction l’entrée « Commanditer » : « Organiser, financer un crime, un délit. »
Aaaaaaah ! Je savais bien que ça vous ferait tiquer et que le mot « commanditaire » vous évoquerait d’emblée, à vous aussi, la rubrique « Faits divers » des journaux ou certains films noirs, pourtant rarement consacrés à cette activité mafieuse aussi souterraine que nuisible qu’est la traduction.
Un troisième et intéressant sens de « commanditaire » figure dans le dico : « Recommandation officielle pour “sponsor”. » Et, à l'entrée « commanditer » : « Recommandation officielle pour “sponsoriser”. » Dans ce cas, mais seulement dans celui-là, je veux bien me faire commanditer, moi. Parce que, c’est bien connu, le crime la traduction ne paie pas.
Les collègues ou autres connaisseurs de passage ici voudront peut-être nous expliquer comment « commanditaire » a pu prendre le sens de « généreuse entreprise donnant gentiment du boulot aux travailleurs indépendants ». Je n’ai moi-même pas trouvé cette acception dans les dictionnaires juridiques que j'ai consultés, ni dans la base terminologique IATE de l'Union européenne, ni dans mes contrats avec mes... euh... copains qui me font vivre. Juste ceci, dans une ébauche d'article de Wiki, faisant un peu l'amalgame entre les trois sens indiqués ci-dessus : « Entité demandant une prestation à une autre entité, moyennant rémunération. »
19:01 Publié dans Le traducteur traduit, Mots de travers | Commentaires (2) | Lien permanent