28 octobre 2015
Mots de travers (14) - L'article de trop
La publication de la nouvelle version française d'un livre funeste agite la presse, ces temps-ci.
Plutôt que de se faire l'écho de cet évènement éditorial, ce blog étriqué, pinailleur et corporatiste s'attache comme d'habitude à un de ces détails que seule l'engeance traductrice relève. Encore un peu, celle-ci prétendrait qu'à leur manière, ces détails tuent.
Le détail figure dans l'un des nombreux articles suscités par la sortie de la nouvelle version française du texte en question. Cherchez l'erreur :
« "Aucune législation ne nous interdit de mettre en vente ce livre", précise l'éditeur, qui a demandé au traducteur, le journaliste et biographe Olivier Mannoni, d'établir l'édition française. On lui doit à ce jour plus de 170 traductions... »
Si l'erreur vous saute aux yeux, je parie que vous faites partie d'une bande mesquine d'amateurs corporatistes à tendance pinailleuse. Dans le cas contraire, je vous aide à la trouver en reproduisant un extrait de la page Wikipedia consacrée à Olivier Mannoni (non rédigée par celui-ci, précisons-le). On y remarquera des similitudes avec le premier extrait, au fameux détail près :
« Olivier Mannoni (...) est un traducteur, journaliste et biographe français. (...) Il a traduit à ce jour plus de 170 ouvrages. »
D'aucuns, comme Wikipedia, considèrent que traducteur, c'est un métier, éventuellement exercé à côté et à l'égal d'autres métiers. Pour d'autres, traducteur est une activité accessoire, réalisée en amateur par un membre d'une noble profession – journaliste, biographe, par exemple – qui, à temps perdu, traduit 170 ouvrages. Tout est dans l'article.
Bien entendu, une erreur est possible, dans la hâte du bouclage,
et pas forcément imputable au journaliste.
On signalera que parmi les 170 ouvrages accessoirement traduits par Olivier Mannoni figurent ceux d'auteurs tels que Freud, Sloterdijk et Suter. Ajoutons à ce palmarès des titres moins funestes que celui qui alimente actuellement la production d'articles.
Idem, dans le genre non funeste et propre à m'inspirer une verte jalousie, pour certains de ceux traduits par Valérie Le Plouhinec, première à avoir réagi à l'article de trop sur la liste de diffusion de l'ATLF, dans un style autrement plus élégant que celui de ce billet et dans un fil passionnant consacré à la sortie du livre évoqué plus haut. Cher Jeune Traducteur d'édition, si tu étais membre de l'association, tu profiterais sur sa fameuse liste des échanges enrichissants de ces éminents collègues, entre autres, et pourrais même y participer, au lieu de perdre ton temps à lire des blogs pinailleurs.
14 août 2015
Mots de travers (13 ter) - Migouël fait des tapasses et du ciné
Un fidèle Lecteur répondant au nom suspect d'Assedix me signale la réapparition d'un personnage aussi polymorphe que récurrent sur ce blog.
Je cite Assedix : « (J'ai) vu ressurgir à la télé une autre vieille connaissance, le fameux Migouël, ou plutôt le marché San Migouël, où les candidats d'un concours de cuisine devaient préparer "un tapas" (gourmand, ça va sans dire). »
Notre ami Migouël est décidément multicarte car pour ma part, je crois l'avoir entendu se faufiler dans un récent Masque et la Plume, déguisé cette fois en réalisateur portugais. Après le vélo, le flamenco, le resto, le vlà qui s'essaie au cinoche.
Sacré Migouël.
Les esprits outrageusement pointilleux qui se soucieraient de prononciation correcte des noms étrangers peuvent se référer à cet utile site et en diffuser le lien auprès des présentateurs télé ou radio de leur entourage :
Pour ce qui concerne le genre des tapas, on peut y goûter dans tout dictionnaire même franco-français ou, mieux, dans certains établissements de gastronomie espagnole dont je me garderai bien de divulguer l'adresse. Ce blog a une réputation égoïste anti-effet boule de neige à préserver !
09 juillet 2014
Mots de travers (13 bis) - Migouël chante le flamenco
L'an dernier, Migouël et son acolyte Yorgué faisaient du vélo.
Bientôt, car le Tour de France 2014 vient de débuter, nos amis commentateurs sportifs nous tiendront en haleine avec leurs nouvelles tribulations par vaux et surtout par monts pentus et épingle-à-chevelus.
Mais ces jours-ci, avant d'enfourcher son fougueux destrier métallique(*), Migouël chantait le flamenco. Nous l'avons appris grâce à notre radio nationale, qui nous annonçait un festival renommé dont elle est partenaire. Ni le directeur artistique, ni le comédien, ni l'équipe qui les entourait pour enregistrer ce communiqué de 30 secondes n'avaient eu l'idée – alors que c'est un peu leur boulot, de même qu'à leur donneur d'ouvrage, la station de radio, et qu'une partie d'entre eux a dû faire espagnol deuxième langue au lycée –, de vérifier que « Miguel » se prononce « Miguel ». Tout comme « bande de guignols » se prononce « bande de guignols » ou que « gueulante » se prononce « gueulante ». Y punto.
Le communiqué annonçait le plus grand festival de flamenco en France, auquel participait l'un des plus célèbres cantaores actuels, Miguel Poveda. Il est vrai que des décennies durant et avec leur plus bel accent italien, nos ondes nationales ont vibré au talent de Paco de Loutchilla. Bravo, le service public. Y olé.
L'autrice de ce blog avoue avoir les oreilles
d'autant plus chatouilleuses qu'elle est aficionada.
Cependant, répétons-le, elle n'attend pas des médias audiovisuels
qu'ils dominent toutes les langues de la planète
(c'est parfois beaucoup leur demander
que de commencer par maîtriser la nôtre).
Elle préférerait juste que dans le doute,
ils prononcent les noms étrangers à la française.
En particulier quand cela coïncide peu ou prou
avec la prononciation correcte.
(*) Ce misérable blog se complaît aux clichés les plus éculés
au lieu d'appliquer les conseils, pourtant précieux,
dispensés par M. Hédi Kaddour lors des délectables
Après-midi stylistiques de la SFT.
Mais c'est juste dans le vain espoir
de supplanter d'égaler d'imiter les éditoriaux brillamment
affligeants qui lui servent d'anti-cas d'école.
Le lecteur naïf et bon public l'admettra volontiers
(ennemi de la mauvaise foi, passe ton chemin) :
les expressions toutes faites qui émaillent (forcément)
ces pages sont bien sûr voulues et mériteraient
d'être classées « espèce protégée »
(cf. François Cavanna, Mignonne, allons voir si la rose, Belfond, 1989).
08:28 Publié dans Ceci n'est (vraiment) pas d'la critique radiophoni, Coups de bec, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
11 octobre 2013
Mots de travers (6) « Gajeure »
Je fais remonter ce billet publié l'an dernier, car il est toujours d'actualité : la radio de service public française persiste à m'infliger des aigreurs d'oreille, cette fois lors d'un direct diffusé ce matin de chez nos voisins belges.
À propos des mots repoussoirs (« Bruxelles » produirait cet effet sur certains esprits), le chroniqueur cite Brassens évoquant un autre mot – que je vous laisse deviner ou vous remémorer –, dans Le Blason :
Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure
Dota du même terme en son fiel venimeux,
Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure
Cet utile rappel de la chanson a le mérite supplémentaire de souligner la rime entre « gageure » et « injure ». L'ennui est que notre chroniqueur prononce « gageure » avec le son « eu » au lieu de « u », fichant la rime en l'air...
Ami belges, n'hésitez pas à nous apprendre le français, surtout quand nous allons l'écorcher chez vous.
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Revoici le billet du 3 juin 2012
Quand j'entends l'animatrice d'une de mes émissions de radio préférées prononcer trois fois de suite gajeure (donc pas d'erreur de distraction possible) le mot « gageure », alors qu'il se prononce gajure comme chacun pourrait le savoir, ça m'énerve. Idem quand c'est une traductrice qui en fait autant devant tout un parterre de collègues. Ça m'énerve et ça me chagrine, même si cette prononciation figure dans le dictionnaire, quoique avec la mention « critiqué ».
Sans doute parce que je me souviens d'avoir appris au CP que
« gageure » s'écrit « gageure » et se prononce « gageure ».
Parce qu'un g suivi d'un e, puis de a/o/u, se prononce j.
Les gens de mon entourage qui ont le certif, ou même pas, ne sont pas des professionnels de la langue écrite ou orale. Mais ils ne feraient pas cette erreur.
Comment ça, ça vous énerve qu'on s'énerve pour des trucs aussi insignifiants ?
Comment ça, « Et ta sure, elle bat l' burre ? » ?
Bande d'insolents.
09:25 Publié dans Coups de griffe, Mots de travers | Commentaires (6) | Lien permanent
12 avril 2013
Mots de travers (15) - Poulet
Cher Jeune traducteur inexpérimenté,
Si dans un texte (au hasard, supposons-le rédigé en anglais), tu rencontres des animaux à plumes, pondant des œufs et (tu vas voir combien je t'aide) logés dans un poulailler, ou vaquant alentour... Tu les traduis comment, ces animaux à plumes, etc. ??
« Je t'ai déjà supplié de ne pas me prendre pour plus sot que je ne suis », me susurres-tu avec le sens de la concision et de la diplomatie qui te caractérisent (car en fait, tu viens de me rétorquer : « Tu m'prends décidément pour un con ? », tout en pensant, tellement fort que ça en a transpiré : « Ça f'sait longtemps qu'elle avait pas confondu "jeune" et "décérébré". »).
Pardon, cher Jeune traducteur inexpérimenté mais pas au point de n'avoir jamais entendu parler de poules, ni des moyens de te documenter à leur sujet. Je l'avoue, ce n'est pas forcément dans tes œuvres que les bestioles ci-dessus décrites avec brio sont traduites par « poulet » mais, parfois, dans celles de piliers de la profession.
Sache que la génération qui te précède a ânonné des choses telles que :
Number one is a duck
Number two is a goose
Number three is a bee
Number four is a stork
Number five is a knife
Number six is (holy shit... chais plus.. ah oui, a pig !)
Number seven is a... HEN !!!
(and so on pour cette première leçon d'anglais de 6e dans les années 1970)
Depuis, elle n'en démord pas. Pour elle, tout ce qui n'est pas « hen » n'est pas « poule ». Et comme, un peu plus tard au cours de sa scolarité, on lui a appris que « chicken », c'était du « poulet », eh bien, à cinquante piges, elle persiste dans cette confusion gallinacéenne devenue réflexe automatique, en dépit d'années d'études supérieures, suivies de décennies de pratique au plus haut niveau. Contre toute évidence et quand, au paragraphe ou au plan précédent, elle a elle-même traduit un panier d'œufs, elle te sert des « poulets ».
Voilà un curieux phénomène qui devrait te donner à méditer, non, en ce week-end qui pourrait être de Pâques, sur ce blog négligemment décalé ? Voire te plonger dans le doute et la perplexité, tout autant que ceux qui, depuis des siècles, cherchent la réponse à la question :
« Which came first, the chicken or the egg? »
© Bonareva/Ard'time
18:21 Publié dans Coups de bec, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
27 mars 2013
Mots de travers (14) - Jeunes
Entendu à la radio :
« des jeunes de 10 à 12 ans »
De mon temps, les gens de 10 à 12 ans, on les appelait « enfants » ou
« pré-ados ».
Amis fœtus, à ce train-là, vous serez bientôt de petits vieux.
11:25 Publié dans Mots de travers | Commentaires (2) | Lien permanent