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06 juin 2014

Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (19) On le leur a dit, pourtant.

On le leur a dit, pourtant. On, c'est notamment la SFT. On, enfin, la SFT, le leur a même dit en plusieurs langues, dans les différentes versions de sa brochure Traduction, faire les bons choix.

On leur a dit que, pour une entreprise, faire traduire n'importe comment sa communication ou d'autres documents dont dépendent son image et sa réputation, cela peut coûter très cher.

Eh bien, non, certains persistent, alors même qu'ils ont d'amples moyens à leur disposition. Une traduction qui ne reflétait pas la réalité et risquait donc d'induire la clientèle en erreur vient d'entraîner une amende de plusieurs centaines de milliers de dollars pour une marque que je ne citerai pas. C'est dans le magazine 60 Millions de consommateurs du mois de juin 2014 (page 21).

Attention, nuance et pas de haro sur les traducteurs. Si traduction pécheresse il y a (allez savoir si elle n'a bon dos, la traduction), ce peut être effectivement parce qu'on a fait appel à la mauvaise personne, et qu'on n'a pas mobilisé les compétences ad hoc pour s'en apercevoir. Mais ce peut être aussi parce qu'on a confié le travail à des personnes non qualifiées, ou bien que celles-ci sont passées derrière le travail d'un professionnel pour le saboter joyeusement. Une virgule suffit, parfois... La multiplication d'intermédiaires qui privent le traducteur de contact avec le donneur d'ouvrage est peut-être en cause aussi. Dans tous les cas, l'entreprise ou sa boîte de com n'ont sans doute pas accordé à la traduction l'importance qu'elle méritait, elles ne l'ont sans doute pas reconnue à sa juste valeur. Elles n'ont n'a pas lu les brochures de la SFT.

On le leur avait dit, pourtant.

Remarquez, une bonne suite de bourdes peut vous détruire une image de marque, mais pourquoi s'en priver si elle vous procure une réputation de grands comiques ? Comme avec ce classique, extrait de la brochure Faire les bons choix (sans rapport avec l'affaire signalée par 60 Millions) :

Un fabricant allemand de pipes a voulu adapter son message en français : « En 1848 dans le première manufacture des pipes allemand on produit des pipes de tabac par des bois choisies pour les jouisseurs dans tout le monde... » Son slogan : « 5 générations de faiseurs de pipes par passion ».

23 mai 2014

Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (18) Le Monde du foutage de gueule

Une fois de plus, un quotidien visant un public censé être éclairé mais pas spécialement révolutionnaire fait l'apologie d'un délit. Paradoxe : ce journal pourrait lui-même en être victime. Il est probable que dans ce cas, sa direction et ses journalistes adopteraient un point de vue, disons, plus conservateur.

Le délit en question consiste à intervenir sur une œuvre de l'esprit, protégée à ce titre par le droit de la propriété intellectuelle, et ce, sans autorisation de ses auteurs et autres détenteurs de droits.

Par « intervenir sur », j'entends se l'approprier, la manipuler, la modifier et la diffuser sous une forme piratée et, souvent, abîmée (sans qu'on puisse lui appliquer de taxe sur la valeur retirée, qui reste à inventer). Les personnes qui se livrent à cette activité ne sont pas payées. Elles s'en font une gloire. Je m'étonne que, si elles sont aussi compétentes qu'elles l'affirment, elles ne tentent pas d'en faire leur métier, au lieu de le faire sur leurs heures de sommeil, ce qui doit les transformer en zombies pendant leurs heures de travail rémunéré de prof, informaticien, journaliste... Je suggère à ceux qui, dans la presse, transforment ces personnes en Robins des Bois, ne soient pas payés non plus et renoncent aux autres avantages de leur profession.

Ce délit s'appelle « contrefaçon » (eh oui, comme pour les polos, sacs et lunettes de soleil qu'on essaie de vous fourguer de-ci de-là, quoique pas gratuitement). Outre qu'elle est passible d'amendes et de peines d'emprisonnement, cette contrefaçon peut entraîner, si les parties civiles s'en mêlent, des dommages-intérêts s'élevant à des centaines de milliers d'euros. Même si on n'est pas solvable, ça fiche mal.

Pour ma part, je respecte le droit d'auteur et m'abstiendrai donc de reproduire ici le dernier article consacré par ce journal à ce délit, qu'il semble avoir pris goût à encourager. Alors que le droit de citation m'y autorise, je m'abstiendrai même d'en reproduire le moindre paragraphe.

Vous avez sûrement mieux à faire que de lire cette apologie. Par exemple, télécharger illégalement le dernier épisode de votre série télé favor... euh, non, je m'égare.

 

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Quelque temps plus tard : ah ben voilà, l'Ataa réagit.

17 mai 2014

Conseils à un jeune traducteur inexpérimenté ( 12 ) - Hi we're here to help you

Cher Jeune Traducteur Inexpérimenté,

Si des gens t'appellent en anglais de l'autre bout de la planète (0016306941357) en te disant qu'ils s'appellent Microsoft (prononcé de travers, mais bon), qu'ils te préviennent gentiment que ton ordinateur est bourré de logiciels malveillants, essaient pour y remédier de te faire saisir des adresses .com suspectes sur ta ligne de commande et, finissant par piger que tu les balades depuis un quart d'heure pour leur apprendre à te faire perdre ton temps constatant ton manque de bonne volonté, raccrochent en te donnant le conseil suivant : « Fuck you », oui, il s'agit bien d'une tentative d'arnaque, puisque pour cela, tu sais déjà que ton ordinateur n'est pas absolument indispensable.

Bravo, tu progresses.

 

01 mai 2014

Coulis d'humeur

Chaque fois que j'ai goûté des tomates bio, elles étaient imbouffables, voire dégueulasses. Aujourd'hui encore ;(

Ce n'est pas parce qu'on est biotraductrice qu'on doit aveuglément consommer des biocochonneries.

Les tomates non bio se contentent d'être insipides, y compris les variétés à la con « spéciales bobos », c'est-à-dire hors de prix, avec seulement des différences de forme et de couleur mais tout aussi farineuses que les autres.

Qu'elles aient poussé dans votre jardin et qu'en me les faisant goûter, vous me jetiez un regard persuadé d'avance de mon approbation n'y change rien, mes chers amis. Si je prends des airs délectés, c'est juste pour vous faire plaisir et ne pas m'attaquer à vos illusions à coups de tomates pourries.

 

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Tout désaccord avec ce qui précède sera volontiers accepté, contre livraison de cagette mangeable. Je sais, c'est encore un peu tôt dans la saison et j'ai pris des risques inconsidérés en tentant d'ores et déjà l'aventure tomatesque, mais j'anticipe un nouvel été privé de ces solanacées qui, avant, avaient du goût.

16 avril 2014

Conseil à un jeune traducteur inexpérimenté (11) - Rellis-toi !! Euh... Relis-toi !

Le thème central de ce billet aurait cadré avec ma rubrique « Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? ». Cependant, cela fait un bout de temps que je n'ai pas secoué le Jeune Traducteur Inexpérimenté de sa torpeur de zombie habituelle. D'où l'intitulé de cet article.

— Ohé, du Jeune ! Es-tu là ou parti pour une de tes innombrables escapades, au point que je me demande comment tu paies tes cotisations sociales ?

— Zzzzz. Ça m'aurait étonné qu'elle ne me tombe pas dessus à la veille du week-end de Pâques. Ben oui, le mercredi avant Pâques, c'est veille de week-end, on est d'accord ?

— Ça trime dur ?

— Bah ouais, je rentre d'un stage de danses bretonnes en Thaïlande. Après, j'enchaîne les ponts du mois de mai pour une formation en immersion totale en langue des signes en mer Rouge, pour la plongée sous-marine. Ensuite, je suis là mais je repars bientôt pour une petite rave de trad à Berlin, histoire de revoir quelques potos d'Erasmus. Alors là, entre les deux et pour me payer mes vac... pour pouvoir avancer mes frais de déplacements professionnels, je bosse en bâclant à mort.

(Il m'énerve, à passer 6 mois sur 12 en villégiature tandis que d'autres travaillent d'arrache-pied quasiment toute l'année.) Puisque pour une fois je te saisis en plein labeur, j'ai un conseil à te donner, dans mon immense générosité à ton égard, sans la moindre contrepartie mais que pourrais-je bien tirer de ce gamin dépenaillé et presque encore boutonneux ? Ce conseil, c'est : relis-toi !

— Hun ? Mais c'est toi qui m'écris, là, ô vieillarde sucrant les fraises. Déjà pas mal que je te lise tout court.

— Relis ton travail avant de le rendre au donneur d'ouvrage, bougre d'âne, là est mon propos. Relis-le plusieurs fois à l'écran puis encore une fois sur papier. Cela fait partie intégrante de ton travail. Sans quoi, d'autres s'en chargeront à ta place et ajouteront des erreurs même là où, étonnamment, tu n'en avais point commis toi-même. (Cachons au blanc-bec qui, après tout, a encore droit à sa part d'innocence que souvent, les sagouins en question souilleront son œuvre de leurs sales pattes en la truffant d'erreurs éhontées, quand bien même il l'aurait relue cinq fois.)

— Ah bon, c'est pas l'agence qui relit ? (Je me relis quatre fois systématiquement mais je joue auc' juste pour la vénère, ma reum d'adoption.)

Malheureux, surtout pas ! Ta réputation est en jeu et avec elle, celle de toute une profession. Comment peux-tu rendre un travail non relu ?!! D'autant plus que, crois-je savoir, tu as recours à de modernes artifices. J'ai ouï dire d'un logiciel de reconnaissance vocale avec lequel tu dictes au lieu de taper, au risque que ce gadget ne tombe dans chaque piège homophone que lui tend notre belle langue française ? (Cela dit, vu l'orthographe des morveux nés à l'ère heureusement déjà dépassée du SMS, l'écriture d'un monstre cracheur de feu ne saurait guère être pire.)

Pour peu que tu utilises ces outils de bas étage non seulement pour traduire mais aussi pour assurer ta communication en ligne via ton site Web et ce, sans te relire avec un œil de lynx, cela pourrait donner ceci :

2014-04-16 Azerty.png

— Dis donc, noble ancêtre dont l'absence de cheveux blancs n'est due qu'à l"infecte collaboration d'une industrie cosmétochimique ultrapolluante (tiens, prends ça dans ta tronche, ça t'apprendra à me réveiller à 11 heures du mat' pour m'apprendre mon taf), je te signale que :

1. Moi, je tape en bépo et pas avec des systèmes de clavier mis au point à l'âge de pierre.

2. Ouais, je l'ai déjà vu, ton gag, il a fait marrer une partie de la profession. Mais c'est le site d'une agence ou prétendue telle, pas d'un traducteur censé être indépendant. Sinon, on se demande comment il pourrait aligner une quarantaine de « langues parlées » (en plus de l'azerty :).

3. D'accord, mon logiciel de reconnaissance a des progrès à faire. Mais je n'ai pas la bouche pâteuse au point qu'il confonde « azerty » et « azéri ».

4. La dame qui cause azerty dans le texte et même qui le traduit, elle affiche 30 ans d'expérience au compteur ! Toi, à côté, tu as l'air d'une débutante. Alors si tu as des conseils à donner sur l'autorelecture, faut changer de cible au lieu de t'en prendre aux djeunz. D'ailleurs, à ce propos, j'en trouve souvent, des fôtes d'étourderie, sur ton blog...

— Oui, j'avoue que je ne relis pas mes billets sur papier. Et je reconnais que je te prends souvent comme bouc émissaire et comme prétexte, toi, pauvre Jeune Traducteur Inexpérimenté, pour souligner ici des travers largement partagés par de vieux jetons de la profession, qui n'ont même pas l'excuse de sortir à peine de l'école.

Je te laisse carburer pour mettre trois sous de côté et repartir pour deux semaines à l'autre bout de la planète, avec un bilan carbone déplorable (tiens, prends ça, p'tit con, dont j'anticipe la calvitie d'ici cinq ans, tiens, reprends ça au passage, pour t'apprendre le respect).

Pendant ce temps, moi, je voyage par traductions interposées, même si elles ne m'ont encore jamais emmenée en Azertyaïdjan...

 

11 octobre 2013

Mots de travers (6) « Gajeure »

Je fais remonter ce billet publié l'an dernier, car il est toujours d'actualité : la radio de service public française persiste à m'infliger des aigreurs d'oreille, cette fois lors d'un direct diffusé ce matin de chez nos voisins belges.

À propos des mots repoussoirs (« Bruxelles » produirait cet effet sur certains esprits), le chroniqueur cite Brassens évoquant un autre mot – que je vous laisse deviner ou vous remémorer –, dans Le Blason :

Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure
Dota du même terme en son fiel venimeux,
Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure

Cet utile rappel de la chanson a le mérite supplémentaire de souligner la rime entre « gageure » et « injure ». L'ennui est que notre chroniqueur prononce « gageure » avec le son « eu » au lieu de « u », fichant la rime en l'air...

Ami belges, n'hésitez pas à nous apprendre le français, surtout quand nous allons l'écorcher chez vous.

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Revoici le billet du 3 juin 2012

Quand j'entends l'animatrice d'une de mes émissions de radio préférées prononcer trois fois de suite gajeure (donc pas d'erreur de distraction possible) le mot « gageure », alors qu'il se prononce gajure comme chacun pourrait le savoir, ça m'énerve. Idem quand c'est une traductrice qui en fait autant devant tout un parterre de collègues. Ça m'énerve et ça me chagrine, même si cette prononciation figure dans le dictionnaire, quoique avec la mention « critiqué ».

Sans doute parce que je me souviens d'avoir appris au CP que
« gageure » s'écrit
« gageure » et se prononce « gageure ».
Parce qu
'un g suivi d'un e, puis de a/o/u, se prononce j.
Les gens de mon entourage qui ont le certif, ou même pas, ne sont pas des professionnels de la langue écrite ou orale. Mais ils ne feraient pas cette erreur.

Comment ça, ça vous énerve qu'on s'énerve pour des trucs aussi insignifiants ?
Comment ça, « Et ta sure, elle bat l' burre ? » ?
Bande d'insolents.