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05 juillet 2013

Noms de lieux !

Cela fait longtemps que je n'ai pas secoué le héros récurrent de ce blog – alias un jeune blanc-bec qui a entrepris d'exercer la profession de traducteur –, dans le but généreux de faire entrer dans sa caboche les rudiments du métier.

Je le vois d'ici qui somnole, croyant sans doute que s'ouvrent devant lui les trois mois de vacances auxquels l'ont habitué des années d'université. Le bougre a le nez sur un genre de gadget plat qui lui tient dans la main et qu'il tripote de l'autre d'un geste glaireux. C'est signe qu'il n'est pas tout à fait assoupi. Tirons-le de sa torpeur pour le ramener dans le monde réel et lui rendre par là un insigne service.

— Holà, Jeune Bobo  Soho Worker** TIP*** Jeune Traducteur Inexpérimenté !

— Plaît-il ?

(L'animal m'énerve plus que jamais quand il feint de s'exprimer dans une langue châtiée plutôt que dans son sabir coutumier.)

— Dis voir... Quand tu rencontres un nom de lieu dans une de tes multiples langues sources (oui, c'est agaçant, le gamin est polyglotte), je te fiche mon billet que tu le laisses bêtement tel quel dans le texte cible ?

— Bah oui, si je tombe sur « Madrid » ou « Paris », je traduis par « Madrid » ou « Paris », profère l'insolent en se payant ouvertement ma tête, qui pis est avec un accent impeccable tant en espagnol qu'en anglais.

— Et « Mexico City » ?...

(Je me complais à lui tendre ce piège cruel, je l'avoue.)

— Je traduis par « Mexico », puisqu'en français, la confusion n'est pas possible entre le nom du pays et de sa capitale !! As-tu donc enfin terminé de comptabiliser tes points de retraite, ô noble Aînée pas loin de sucrer les fraises, pour qu'une oisiveté mère de tous les vices te pousse à me poser des questions aussi sournoises que débiles ?

Tu crois que j'ignore que quand un toponyme étranger a, pour des raisons historiques, son pendant en français, on s'abstient de le laisser sous sa forme d'origine ?! Comme Ratisbonne, par exemple.

— Diantre, tu connais non seulement Ratisbonne mais aussi le terme
« toponyme » ?...

(Parfois, il me surprend autrement que par son insondable ignorance. Sans doute Erasmus l'a-t-il amené à fricoter avec des étudiantes du pays bavarois – je ne vois pas d'autre explication à cette science inattendue de sa part.)

— Ouais, même que j'ai assisté au colloque sur la « Traduction des noms propres dans le contexte de la traduction des écrits de voyage », quand j'étais à l'ESIT. Bon, d'accord, c'est bien parce que je comptais pécho à la sortie la traductrice qui intervenait sur « Norme, pragmatisme et frustration : la traduction des noms propres dans le documentaire de voyage », histoire qu'elle reste pas frustrée sur toute la ligne, hin hin hin.(1)

— Ça m'étonnait, aussi. Et... si, par exemple, ton parcours traductif traversait les villes appelées en anglais comme en italien « Viterbo » et « Catania », que ferais-tu ?

— Je remplacerais par « Viterbe et « Catane ». Tu crois vraiment que ça existe, des traducteurs nazes au point de les laisser en langue source ? J'en connais pas, moi.

— C'est que tu n'as encore jamais eu à cotraduire, petit chanceux. L'expérience est parfois fructueuse et sympathique. Parfois aussi, tu tombes sur quelqu'un qui compte sur les autres pour corriger ses bourdes (toponymiques ou autres). Et qui, soit ne traduit pas ce qui devrait l'être, soit traduit de traviole. Quand l'éditeur a la bonne idée de te soumettre les épreuves, tu passes des journées à rectifier « la Reichstag », la « rue Gaisburgstrasse », le « Pont Rialto » ou les « États Arabes Unis ».

— Naaaan ?...

— Si, si, véridique.

(Gros soupir suivi d'un silence)

— C'est pourtant ce qu'on appelait la « culture générale », de ton temps, non ?

— Exact. Et quand on ne sait pas, on se renseigne.

Supposons maintenant qu'au ciné, dans une divertissante comédie anglosaxonne, tu entendes un personnage prononcer « Aachen » et que ce soit sous-titré tel quel. Et qu'à un autre moment, il dise « in Cornwall » et que ce soit sous-titré « à Cornwall » ?

— Je me dirais :

- que l'auteur des sous-titres aurait gagné trois signes en traduisant
« Aachen » par « Aix » ce qui, vu l'importance de l'encombrement en matière de traduction audiovisuelle, n'est pas négligeable
- que s'il croit que la Cornouailles est une ville du nom de Cornwall, il prend peut-être aussi Le Pirée pour un homme
- que pour sa défense, quelqu'un est peut-être passé derrière lui pour démolir son boulot
- mais que quoi qu'il en soit, il n'est pas près de remporter le
prix du Sous-titrage ou du Doublage
.

— Comme tu dis... Dommage, le reste du film était une suite assez acrobatico-cabriolesque de jeux de mots en rafale.

 

*******

 

**   Small Office - Home Office
*** Travailleur intellectuel précaire

 

(1) Pardon, A.-L., tu es la victime innocente de l'unique part de fiction contenue dans ce misérable billet – je ne maîtrise pas bien les écarts de conduite et de langage du héros récurrent.

Le choix du choix

Lu dans un programme télévisé en ligne :

 

« Voici une immersion dans l’intimité d’un clan de lionnes, pensionnaires de la réserve nationale du Masai Mara au Kenya. En choisissant de s'installer près d'une mare, elles n'ont pas choisi la tranquillité. Le réalisateur a choisi de mettre en avant les sons et plus particulièrement les cris des animaux qui peuplent la savane. »


J'ai choisi de pousser un soupir.

03 juin 2013

Amûr libre (suite)

Amis touristes et/ou amoureux mal inspirés, que vous encadenassiez nos ponts avec des succédanés de ceintures de chasteté, c'est déjà un peu contrariant. Tant que ça reste dans les quartiers d'où vous ne sortez guère, admettons (bien obligés).

Mais que vous grimpiez à l'assaut de nos collines populaires pour les truffer de votre ferraille, au point de nous bousiller la vue, là, non, ça ne va plus.

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En plus, depuis que j'ai pris les photos – c'était avant le Grand Déluge –, elle/il vous a probablement plaqué(e). Alors, c'était bien la peine de nous envahir avec vos symboles à trois balles...

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Libérons - le - Sacré-Cœur !

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15 février 2013

Bribes ouïes (7)

Lieu : le plus beau parc de Paris, pentu à souhait

Temps : neigeux


Bribe ouïe-c'est-affligeant :


« On aurait dû prendre la caisse des chats, ça aurait fait une belle luge. »

12 novembre 2012

Livres en boîte

Serait-ce cela, la « littérature de gare » ? En tout cas, c'est le Club des Cinq et Don Camillo qui vont être contents, en retrouvant peut-être une deuxième jeunesse, en même temps que de nouveaux lecteurs.

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Une bien meilleure idée, à mon goût, que d'abandonner un malheureux livre n'importe où, exposé aux intempéries et au risque de se retrouver à la poubelle, selon le principe du « bookcrossing ». Rien que de lui donner ce nom, à celui-là, c'était en faire une mode, garantie sans charme. Le contraire de la poésie des bouteilles à la mer.

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Bravo Méry-sur-Oise et la SNCF ! J'ai toujours un bouquin avec moi et heureusement, vu le nombre de fois où je suis en villégiature forcée sur votre quai de gare comme sur bien d'autres, pour cause de train de banlieue annulé au dernier moment. À cuire ou à me geler, car vos gares ferment le dimanche. Là, au moins, je sais que je pourrai finir mon livre et en commencer un autre, en attendant le prochain train. Faudrait pas que ça t'incite à en annuler encore plus souvent, ami Transilien...

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15 octobre 2012

« Ça n’est pas pour me vanter… »

... Enfin si, un peu, quand même, car votre servante a eu son quart de seconde de célébrité : on l'a citée à la TSF. Il n'est pas si fréquent qu'un traducteur – autre qu'un écrivain célèbre cumulant les deux casquettes – soit nommé sur les ondes. Pourtant, je n'ai signé la version française des oeuvres d'aucun lauréat du prix Nobel de littérature, et quand bien même... Non, j'ai juste pratiqué mon activité favorite joué.

Contexte :

- Scène I - Un présentateur télé pose une question d'une pertinence contestable à l'acteur américain Tommy Lee Jones. L'interviewé l'envoie proprement balader, en lui rétorquant : « I'm not gonna dignify this question by answering it. »

- Scène II - Dans sa chronique matutinale sur France Culture, Philippe Meyer lance un petit concours à l'intention des traducteurs : comment auraient-ils traduit la réponse de Tommy Lee Jones ? Auraient-ils trouvé aussi concis et cinglant en français ? Le verbe to dignify, en particulier, le titille.

- Scène III - Dans sa chronique toujours aussi matutinale du lendemain, Philippe Meyer cite quelques-unes des nombreuses propositions de traduction qu'il a reçues. Parmi les versions d'autres auditeurs figure mon humble suggestion  : « Cette question mérite que l'on passe à la suivante. »

Le but du jeu était-il de rendre un mot à mot ? Non, évidemment. Philippe Meyer parle anglais et pouvait très bien vérifier dignify dans le dictionnaire, pour traduire de lui-même par ceci : « Répondre à cette question serait lui faire trop d'honneur. »

Par ailleurs, je suis infichue, moi, de traduire un mot – en l’occurrence dignify – par un autre. Sans quoi, il y a beau temps qu’on m'aurait remplacée par un logiciel de traduction automatique, beaucoup moins exigeant sur le plan alimentaire et beaucoup moins teigneux. Ce que je traduis, ce sont des idées, du sens et un ton, en fonction du locuteur et du public ciblé. Et en plus, là, il s'agissait de jouer ! Pour le divertissement des auditeurs ! Pas de leur livrer une trad aseptisée. Vous pensez bien que j'allais me lâcher.

Me lâcher... Pas tant que ça. J'ai l'impression d'avoir été fidèle à Tommy (Lee Jones) moi, malgré un apparent éloignement de la phrase d’origine. Je ne suis pas assez familière avec lui pour lui demander ce qu'il aurait dit s'il avait parlé français. Mais je peux supposer qu'il aurait peut-être dit quelque chose comme ça. Rien ne me le prouve, bien entendu.

On objectera que ma proposition est fidèle si on veut, car il n'y a pas eu de question suivante, Tommy Lee Jones, most dignified, ayant quitté le plateau.

Enfin, une précision qui me paraît importante. Là, on jouait au traducteur. On se vautrait dans le luxe, car on avait tout le temps de la réflexion et, en plus, le droit de se planter. On n'était pas dans la situation réelle de l'interprète. Lui, il a beau avoir préparé son intervention et être doté de nerfs d'acier, il ne peut envisager toutes les surprises et doit trouver sur-le-champ non pas quelque chose comme ça, mais quelque chose qui colle vraiment. Et que les auditeurs parlant vaguement l'anglais ne pourront qualifier de trahison par rapport à la version originale, qu'ils entendent. Ni, du moins, rater la suite du propos parce qu’ils auront réfléchi à l’adéquation de la traduction. (Le même genre de contraintes qu'en sous-titrage.)

Nos professions respectives se valent, elles ont chacune leurs difficultés et je ne mets pas l'une sur un piédestal par rapport à l'autre, contrairement à certains traducteurs atteints de complexe d’infériorité. Mais elles sont différentes et il convenait de rendre justice et hommage aux cousins.

Ça n'était donc pas seulement pour me vanter que j’ai publié cet article, mais aussi pour saisir une occasion de mieux faire connaître nos métiers aux auditeurs sachant auditer, et qui passeraient dans le coin.

L'occasion aussi de lancer un coup de griffe très indirect à un présentateur télé, qui eut naguère le mauvais goût de faire l'apologie des fansubbers. Je sais, c'est petitement revanchard de ma part.

Merci, Monsieur Meyer, d'avoir une fois de plus mis la traduction pas trop automatique en valeur dans l'une de vos chroniques.

Et merci aux collègues Nelly A.-D.,  Marie-Christine G.-C. et Jeremy O., car sans eux, je n'aurais peut-être pas eu connaissance de la première chronique, pas forcément trouvé l'extrait de l'émission télé et sûrement pas allumé le poste aux aurores pour guetter la seconde chronique et les soluces !


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Liens vers les sources citées :

Canal+, Grand Journal :

http://www.youtube.com/watch?v=0x5FE2pM8zw

France Culture, chroniques de Philippe Meyer, 10 et 11 octobre 2012 :

http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-10

http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-12