27 novembre 2012
Mots appris (20) - Dictionnairique
« Vérifions dans le dictionnaire. »
« Ce mot n'est pas français, il n'est pas dans le dictionnaire. »
Ces deux phrases trahissent une double méprise.
Ceux qui se repaissent de pages de dictionnaires voudront sans doute en apprendre plus car, même sans le savoir, ils s'intéressent probablement à la dictionnairique.
C'est le sujet du Musée virtuel des dictionnaires, un de ces sites sur lesquels il vaut mieux ne pas tomber si on ne dispose que de 24 heures par jour, dont une bonne partie consacrée à manger et à dormir.
En effet, ils vous happent dès que vous mettez le nez dedans ;( Celui-là est l'œuvre du Métadif, organisme affilié au CNRS et à l'Université de Cergy-Pontoise. On ne les remercie pas !
Comment ai-je malencontreusement mis le bout du museau dans cet engrenage ? En cherchant innocemment la réponse à la question posée par une consœur, Gisèle J., sur le forum de l'ATLF. Prise d'un doute, elle se demandait s'il convenait d'écrire en italiques le titre d'un dictionnaire, comme on le fait pour les autres livres. On ne la remercie pas non plus !
16:50 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris, Ronronnements de satisfaction | Commentaires (3) | Lien permanent
12 novembre 2012
Livres en boîte
Serait-ce cela, la « littérature de gare » ? En tout cas, c'est le Club des Cinq et Don Camillo qui vont être contents, en retrouvant peut-être une deuxième jeunesse, en même temps que de nouveaux lecteurs.
Une bien meilleure idée, à mon goût, que d'abandonner un malheureux livre n'importe où, exposé aux intempéries et au risque de se retrouver à la poubelle, selon le principe du « bookcrossing ». Rien que de lui donner ce nom, à celui-là, c'était en faire une mode, garantie sans charme. Le contraire de la poésie des bouteilles à la mer.
Bravo Méry-sur-Oise et la SNCF ! J'ai toujours un bouquin avec moi et heureusement, vu le nombre de fois où je suis en villégiature forcée sur votre quai de gare comme sur bien d'autres, pour cause de train de banlieue annulé au dernier moment. À cuire ou à me geler, car vos gares ferment le dimanche. Là, au moins, je sais que je pourrai finir mon livre et en commencer un autre, en attendant le prochain train. Faudrait pas que ça t'incite à en annuler encore plus souvent, ami Transilien...
15 octobre 2012
« Ça n’est pas pour me vanter… »
... Enfin si, un peu, quand même, car votre servante a eu son quart de seconde de célébrité : on l'a citée à la TSF. Il n'est pas si fréquent qu'un traducteur – autre qu'un écrivain célèbre cumulant les deux casquettes – soit nommé sur les ondes. Pourtant, je n'ai signé la version française des oeuvres d'aucun lauréat du prix Nobel de littérature, et quand bien même... Non, j'ai juste pratiqué mon activité favorite joué.
Contexte :
- Scène I - Un présentateur télé pose une question d'une pertinence contestable à l'acteur américain Tommy Lee Jones. L'interviewé l'envoie proprement balader, en lui rétorquant : « I'm not gonna dignify this question by answering it. »
- Scène II - Dans sa chronique matutinale sur France Culture, Philippe Meyer lance un petit concours à l'intention des traducteurs : comment auraient-ils traduit la réponse de Tommy Lee Jones ? Auraient-ils trouvé aussi concis et cinglant en français ? Le verbe to dignify, en particulier, le titille.
- Scène III - Dans sa chronique toujours aussi matutinale du lendemain, Philippe Meyer cite quelques-unes des nombreuses propositions de traduction qu'il a reçues. Parmi les versions d'autres auditeurs figure mon humble suggestion : « Cette question mérite que l'on passe à la suivante. »
Le but du jeu était-il de rendre un mot à mot ? Non, évidemment. Philippe Meyer parle anglais et pouvait très bien vérifier dignify dans le dictionnaire, pour traduire de lui-même par ceci : « Répondre à cette question serait lui faire trop d'honneur. »
Par ailleurs, je suis infichue, moi, de traduire un mot – en l’occurrence dignify – par un autre. Sans quoi, il y a beau temps qu’on m'aurait remplacée par un logiciel de traduction automatique, beaucoup moins exigeant sur le plan alimentaire et beaucoup moins teigneux. Ce que je traduis, ce sont des idées, du sens et un ton, en fonction du locuteur et du public ciblé. Et en plus, là, il s'agissait de jouer ! Pour le divertissement des auditeurs ! Pas de leur livrer une trad aseptisée. Vous pensez bien que j'allais me lâcher.
Me lâcher... Pas tant que ça. J'ai l'impression d'avoir été fidèle à Tommy (Lee Jones) moi, malgré un apparent éloignement de la phrase d’origine. Je ne suis pas assez familière avec lui pour lui demander ce qu'il aurait dit s'il avait parlé français. Mais je peux supposer qu'il aurait peut-être dit quelque chose comme ça. Rien ne me le prouve, bien entendu.
On objectera que ma proposition est fidèle si on veut, car il n'y a pas eu de question suivante, Tommy Lee Jones, most dignified, ayant quitté le plateau.
Enfin, une précision qui me paraît importante. Là, on jouait au traducteur. On se vautrait dans le luxe, car on avait tout le temps de la réflexion et, en plus, le droit de se planter. On n'était pas dans la situation réelle de l'interprète. Lui, il a beau avoir préparé son intervention et être doté de nerfs d'acier, il ne peut envisager toutes les surprises et doit trouver sur-le-champ non pas quelque chose comme ça, mais quelque chose qui colle vraiment. Et que les auditeurs parlant vaguement l'anglais ne pourront qualifier de trahison par rapport à la version originale, qu'ils entendent. Ni, du moins, rater la suite du propos parce qu’ils auront réfléchi à l’adéquation de la traduction. (Le même genre de contraintes qu'en sous-titrage.)
Nos professions respectives se valent, elles ont chacune leurs difficultés et je ne mets pas l'une sur un piédestal par rapport à l'autre, contrairement à certains traducteurs atteints de complexe d’infériorité. Mais elles sont différentes et il convenait de rendre justice et hommage aux cousins.
Ça n'était donc pas seulement pour me vanter que j’ai publié cet article, mais aussi pour saisir une occasion de mieux faire connaître nos métiers aux auditeurs sachant auditer, et qui passeraient dans le coin.
L'occasion aussi de lancer un coup de griffe très indirect à un présentateur télé, qui eut naguère le mauvais goût de faire l'apologie des fansubbers. Je sais, c'est petitement revanchard de ma part.
Merci, Monsieur Meyer, d'avoir une fois de plus mis la traduction pas trop automatique en valeur dans l'une de vos chroniques.
Et merci aux collègues Nelly A.-D., Marie-Christine G.-C. et Jeremy O., car sans eux, je n'aurais peut-être pas eu connaissance de la première chronique, pas forcément trouvé l'extrait de l'émission télé et sûrement pas allumé le poste aux aurores pour guetter la seconde chronique et les soluces !
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Liens vers les sources citées :
Canal+, Grand Journal :
http://www.youtube.com/watch?v=0x5FE2pM8zw
France Culture, chroniques de Philippe Meyer, 10 et 11 octobre 2012 :
http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-10
http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-12
10 septembre 2012
Le Chat et la Chouette
Il y a quelques mois, une consœur, Valérie L. P., publiait sur le forum de l'Association des traducteurs de France (ATLF), cet adorable petit film, certaine qu'il ferait gagatter** d'attendrissement une bonne partie de ses lecteurs. Maintenant que je sais*** inclure une vidéo dans ce blog, la voici !
Ennemi des chats, des chouettes et des animaux en général, passe ton chemin.
Et voilà le texte publié sur YouTube par l'auteur, Jordi Amenós :
Another option for the people does'nt like this song, with love:
http://www.youtube.com/watch?v=WWadk4WoRx4
Fum & Gebra, two stars in the open country, an special couple. Fum is a lovely black cat and Gebra a kind barn owl. This bird of prey fly far away but lands everytime near Fum, its faithful friend. Fum and Gebra have one year of age and have known they had a month.
Song: "Deixa'm dir una cosa" by Sopa de Cabra.
Merci Valérie. Et merci aux auteurs de la vidéo et de la musique + aux héros du film, bien entendu.
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**On observera qu'en catalan (langue du clip), « chat » se dit gat.
*** À vrai dire, j'ai appris à inclure une vidéo dans un blog – c'est plutôt facile – il y a un bail déjà, mais n'étais pas encore passée à la pratique. Ça sert, hein,
les stages de formation des auteurs à l'Agecif ! Oui, bon, vous verrez, quand je saurai moi-même tenir une caméra... Ou que je filmerai 24 heures de la vie d'une traductrice à l'aide de ma webcam (pas demain la veille). Et puis, on apprend bien d'autres choses plus immédiatement utiles pour la promotion de son activité sur Internet, à l'Agecif.
15:26 Publié dans Chats, Ronronnements de satisfaction | Commentaires (2) | Lien permanent
30 juillet 2012
Mots de travers (10) - Épice au masculin
L’autre jour, j’ai encore vu le mot « épice » utilisé au masculin, sur la présentation d’un restaurant. Ce curieux glissement me paraît de plus en plus fréquent. Vous l’avez remarqué aussi ? Je me demande si c’est sous l’influence de certaines œuvres de science-fiction. Pourtant, il me semble que dans Dune, « épice » est bien au féminin ? Les spécialistes confirmeront, infirmeront ou nous donneront peut-être des explications !
Quelques autres jours après, j’entendais parler « épices », et cette fois, bien au féminin. En l'occurrence, par quelqu’un pour qui le genre de ce mot n'était sans doute pas ce qui comptait le plus, c’est pourquoi je ne lui ai pas posé la question. C’était pourtant en présence d’une assemblée de traducteurs – à grosse majorité de traductrices –, individus particulièrement sensibles à ces détails linguistiques que d'autres croient aussi infimes qu’un grain de poudre de safran.
C’était lors de la dernière Journée de printemps, organisée chaque printemps année à Paris par Atlas.
La Journée de printemps, c’est une suite d’animations autour d’un thème, cette année « Le traducteur à ses fourneaux ». La dame qui nous faisait saliver dès la conférence d’ouverture était une magicienne du nom de Fatema Hal, fondatrice du restaurant Le Mansouria et autrice de plusieurs livres sur la cuisine.
Je me suis tellement régalée à l’écouter que j’ai conservé quelques bribes de ses paroles. Ce joli grain de sel, par exemple, pour nous inciter à ne pas déverser tout le contenu du poivrier dans le tagine :
« Les épices doivent se comparer à une danse et non à une transe. »
Et un rapprochement frappant auquel je n’avais jamais songé : elle disait qu’aux émigrés, aux déracinés, il ne reste souvent que le langage – celui du parler, et celui du manger.
Ça vous donne des regrets d’avoir loupé la Journée, hein ?
Outre le buffet de midi et de belles lectures en fin d'après-midi (je passe sur les after), vous avez aussi raté de succulents ateliers de traduction. Mon acolyte Frédéric et moi nous sommes amusés comme marmitons en garde-manger à traduire des recettes du japonais. Cette langue nous est pourtant totalement inconnue, de même qu'à la plupart des participants de l’atelier. Les animateurs, Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré, nous ont aussi livré une subtile réflexion sur la notion d’astringence.
Vous vous demandez comment on peut bien « traduire » une langue à laquelle on ne comprend goutte ? Venez l’an prochain…
19:10 Publié dans À travers mots, La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers, Ronronnements de satisfaction | Commentaires (4) | Lien permanent
03 juin 2012
Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (8) Ou ils font autre chose...
C'est beau, le monde virtuel des forums, on s'y fait des amis (enfin pas forcément que des amis, mais bon). Qu'on ne rencontre parfois de visu qu'après des années de correspondance tout aussi virtuelle.
J'aime bien ces relations épistolaires modernes. On connaît ses collègues-amis bien mieux que si on était avec eux dans un bureau toute la journée et seulement sous leur meilleur jour (et – hem – vice versa, surtout). Car on ne se prend jamais de bec*** sous prétexte que l'un a piqué son agrafeuse à l'autre...
Quand ils ne traduisent pas, certains s'adonnent à de curieuses occupations. Écrire, par exemple. Et, par exemple encore, écrire de petits textes qui passent à la radio !
Alors, ça me fait plaisir de vous aiguiller vers ce poème-musique de Nathalie, diffusé sur France Musique dans l'émission de Véronique Sauger, Contes du jour et de la nuit.
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*** Digression :
Les dicos, contrariants et ligués contre la logique,
m'interdisent d'écrire « prise de becs » au pluriel.
Contrariants, je vous dis.