14 février 2012
Ceci n’en est pas une
Les traducteurs de chair et d’os adoooorent les traducteurs automatiques. Vous savez, ces programmes qui, sur Internet, vous transforment en un clic d’œil un texte en langue étrangère en texte en… en quoi, au juste ?
Si, si, je vous assure, ils les adorent car ils leur fournissent des occasions en or de se gausser à bon compte. Et de rappeler à qui veut les entendre que rien ne vaut un bon cerveau humain pour une tâche exigeant compétence, goût du fignolage et même un minimum d’empathie avec le lecteur.
N’échappons pas à la règle et partageons avec vous un exemple vécu.
Je profite de l’occasion pour faire un brin de pédagogie à propos de ma belle profession. Vous l’ignorez peut-être, mais celle-ci consiste, pour une grande partie du temps de travail (je dirais un tiers, dans mon cas), à faire des recherches. Non, « faire des recherches » ne signifie pas « trouver bêtement un mot pour un autre dans un lexique ». Ça, c'est à la portée du traducteur automatique. C’est même son boulot. Faire des recherches, cela veut dire se documenter sur le sujet traité, histoire de comprendre de quoi il retourne (y compris en traduction littéraire, les oeuvres de fiction étant parsemées de détails techniques, historiques, etc.). Sinon, on est un clown et on relève d'un autre code NAF.
En l’occurrence, j’avais à traduire un documentaire sur le programme Apollo. Pointu, hein ? D’où farfouille en ligne (avant de sortir la grosse batterie : descente en bibli technique, si nécessaire) pour en apprendre un minimum sur la construction des fusées.
C’est ainsi (et pas autrement, je vous assure) que je tombai sur… ça. Tout ce qu’il y a de plus sic, de même que la mention qui accompagnait le texte : « Traduit par ordinateur dans le Français. »
« Que la longueur de pipe est quelque chose comme une pipe
ainsi elle d'organe a une certaine fréquence de résonance
de ses propres et il s'avère vraiment qu'il oscillera
juste comme une pipe d'organe fait. »
La livraison de ce bout de tuyauterie morceau d’anthologie le jour de la Saint-Valentin est tout à fait fortuite. J'aurais d'ailleurs pu attendre le lendemain, qui tombe sur la Saint-Claude. Hem.
00:05 Publié dans Je traduis, tu traduis... | Commentaires (0) | Lien permanent
28 janvier 2012
Mots de travers (3) Aloefalfaberries
Amis consommateurs qui, soucieux de votre santé et avides de naturel, écumez en pleine conscience les rayons « diététique » des magasins (ou les rayons des magasins diététiques, comme vous voudrez), quelle faille peut-on bien exploiter en vous pour vous vendre de la Pearl’n Pimping’s Powder ? Quel poil d’ignorance mêlée de snobisme titille-t-on chez vous, dans le but de vous exprimer le jus de porte-monnaie ?
Pour vous fourguer certains produits à haute valeur ajoutée gustative et nutritive, la ruse consiste simplement à oublier d’en traduire le nom en français. Car sinon, je parie une demi-canneberge que vous ne les achèteriez pas. Tandis qu'avec leurs appellations d’origine (anglo-saxonne), ils ont un pouvoir de conviction et un charme fous.
Exemples :
L’aloe vera, ça vous a des sonorités précieuses et paradisiaques. Avec un peu d'imagination synesthétique, ça vous dégagerait même des effluves de Polynésie… Or ce n’est jamais qu’un genre d’aloès. Vous savez, ces plantes grasses avec un piquant au bout des feuilles, qui résident sur les balcons, dans des pots de fleurs.
Et l’alfalfa ! L’alfalfa, ce n'est ni plus ni moins que de la luzeeeeeeeeeeerne, mes Happy Bunnies.
Enfin, les cranberries, ces baies hors de prix, pas plus goûteuses que des gratte-cul mais tout aussi bourrées de vitamines… Eh bien, c’est elles, les canneberges (ou grandes airelles rouges d’Amérique du Nord), tabernacle ! Il est vrai que certains sites distinguent cranberries et canneberges. S'il y a des spécialistes ès baies en tout genre dans la salle, ils peuvent ajouter ici leur grain de sel (mais uniquement de l'Himalaya à 26 euros le kilo, s'il vous plaît) !
Pardon, j'ai failli intituler ce billet « À manger du foin ».
Pardon derechef, je vous casse votre bio rêve.
Pharmacie de l'Hôtel-Dieu (les «Hospices ») de Beaune.
« Elixir de propriété (composé de teinture d'aloës, de myrrhe et de safran) contre les maladies pulmonaires, aux propriétés multiples avérées ou supposées. »
« Yeux d'écrevisses (concrétions de carbonate de calcaire se trouvant dans l'intérieur de l'écrevisse) anti-diarrhéique, anti-hémorragique. »
06:46 Publié dans Coups de griffe, Je traduis, tu traduis..., La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
09 janvier 2012
Boris Vian traducteur (?)
Entendu avec un amusement charmé, à l’exposition de la Bibliothèque nationale (non, je ne préciserai pas « de France ») sur Boris Vian, celui-ci répondre à une interview de France Roche, qui l’interroge sur les livres qu’il traduit :
« Je traduis de telle manière qu’ils doivent les retraduire. »
À ce propos, j’aimerais bien comparer ses traductions et les traductions ultérieures des livres en question. Et aussi des pièces de théâtre. Si vous avez une idée sur la question, n’hésitez pas, donnez-nous votre avis !
Rappelons par ailleurs que Vian, ne rencontrant guère de succès avec ses propres oeuvres, ne se contentait pas de traductions « alimentaires ». Il entreprit aussi de faire paraître des textes écrits de sa main mais qu’il faisait passer pour des traductions, signées sous pseudonyme. Au point de publier par la suite une pseudo-version américaine de J’irai cracher sur vos tombes, de Vernon Sullivan, pour rendre la supercherie plus convaincante.
Merci à V., grâce à qui je me suis bougée pour aller voir l’expo ! Et pour constater que les arbres de la pseudo-forêt au milieu de la BN sont toujours debout, contre absence de vents et marées, alors que je n’aurais pas parié une pomme de pin sur leur survie lors de leur plantation.
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Digression (oui, les digressions sont officiellement intronisées dans ce blog à partir d’aujourd’hui) et buvage de petit-lait doublé d'un ronronnement de satisfaction, n’en déplaise à la triste réalité d’aujourd’hui :
Boris Vian est aussi l'auteur d'un Traité de civisme, ce que j’ignorais jusqu’à ma visite de l’expo. Extrait cité sur un panneau :
« Le monde est aux mains d’une théorie de crapules
qui veulent faire de nous des travailleurs,
et des travailleurs spécialisés, encore.
Refusons… Sachons tout…
Soyez un spécialiste de tout.
L’avenir est à Pic de la Mirandole. »
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Digression dans la digression : oui, je revendique le droit et l’intérêt de faire suivre deux fois deux points ou, en général, plusieurs fois des signes de ponctuation éventuellement différents, comme en BD.
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Digression autre : qu’on puisse « faire de la traduction »* à titre « alimentaire » me laisse toujours perplexe, vu la modestie de nos rémunérations.
(* clin d’œil aux ceusses qui ignorent que traducteur, c’est un métier, et que les traducteurs font de la traduction de même que les médecins font de la médecine et les plombiers de la plomberie)
00:00 Publié dans Expos, Je traduis, tu traduis..., Ronronnements de satisfaction | Commentaires (3) | Lien permanent
26 décembre 2011
Portraits au travail
J’ai au moins deux Mères Noël. Car en vrai, comme les Pères Noël, elles sont plusieurs. J’espère ne rien vous apprendre ou que, du moins, cette révélation ne fera pas s’écrouler votre univers innocent.
L’une de mes Mères Noël vient de m’offrir – pour Noël – un curieux objet. L’expérience aidant, je l’ai sur-le-champ identifié comme « livre ». En l’occurrence, édité par un Tigre, ce qui me fournissait un indice supplémentaire. Mais je ne fréquentais pas ledit Tigre d'assez près pour en subodorer davantage. Voici la chose :
Hélène Briscoe
Les directeurs
Les ouvriers
Et les belles sténographes
Portraits au travail (1)
Ed. Le Tigre, donc
2010
Il s’agit de retranscriptions en langage parlé d'entretiens avec des professionnels qui racontent leur métier. Par pur hasard, un traducteur chinois fait partie de cette bande hétéroclite. Extrait, livré à peu près tel que dans le livre :
« On peut pas […] avoir du plaisir
en regardant les autres être ignorants. »
…
Tiens, c’est peut-être pour ça que je fais ce boulot.
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Avec le livre, Mère Noël a glissé une carte, qui dit : « Les choses vraiment intéressantes sont celles qui n’ont pas d’intérêt. » Un résumé de ce blog qui, après ça, n’a plus qu’à fermer boutique !
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Merci, Mère Noël !
08:25 Publié dans Je traduis, tu traduis... | Commentaires (0) | Lien permanent
18 décembre 2011
Vous traduisez en musique ?
Personnellement, je n'y arrive pas car pour moi, traduire revient à composer une sorte de musique et je ne pourrais pas faire les deux à la fois. Mais peut-être certains musiciens composent-ils en musique (s'il en passe dans le coin, je serais curieuse qu'ils témoignent) ! Je connais une consoeur qui travaille avec la télé allumée en permanence. Elle n'est sûrement pas la seule.
Accro à la radio, je l'écoute à peu près tout le temps où je ne traduis pas, comme je le disais dans un autre billet de ce jour. Car de même que ma consoeur téléphage, le silence m'est pénible et j'ai besoin de parole plus que de musique.
Et vous ? Vous traduisez / dirigez des projets informatiques / établissez des payes / sillonnez Paris et sa banlieue pour aller voir vos clients en musique ? En radio ? En gazouillis ? En perceuse du voisin et bulldozer du chantier d'en face ? En rien du tout ?
J'ai déjà une réponse (aussi prestigieuse qu'involontaire), celle de Pierre Assouline, dans Vies de Job (Gallimard, p. 469-470) :
« Impensable d'écrire en écoutant de la musique. Celle du texte en serait aussitôt offusquée, elle manifesterait en force ; s'ensuivrait une cacophonie qui rendrait l'écriture inaudible. »
En revanche, la musique l'« accompagne dans les pauses et respirations » de son ouvrage, écrit-il un peu plus loin.
23:20 Publié dans Je traduis, tu traduis... | Commentaires (0) | Lien permanent
18 octobre 2011
Je traduis, tu traduis... Ils traduisent ? (1) Le langage du corps
Amalfi - Duomo
Intéressant, non, pour le fond et pour la reformulation, notamment en anglais, très elliptique ?
10:40 Publié dans Je traduis, tu traduis... | Commentaires (0) | Lien permanent