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28 décembre 2014

28 décembre, jour des Saints-Innocents

Imaginons que vous filiez le train à un faisan.

À travers ses marais de prédilection, cet oiseau rare vous conduit vers la poésie chinoise, vous aide à en aborder les berges, vous en fait picorer et apprécier quelques beaux morceaux. Pourtant, si vous êtes comme moi, vous ne parlez pas un mot de chinois et l'art poétique chinois vous est inconnu. Il n'empêche que dans le sillage de votre guide à plumes et grâce à ce joli livre qui se met volontiers à la portée des non-érudits, vous comprenez pourquoi il fallait traduire un poème de telle façon plutôt que de telle autre. Sans quoi le faisan n'aurait pu vous délivrer son message, et vous, vous n'auriez pu percevoir en lui un exemple, celui que l'homme « peut égaler s'il est prêt à perfectionner sa propre activité. »

Ce décryptage poétique, qui est aussi un décryptage de l'activité du traducteur, vous le découvrirez dans ce livre à l'élégante couverture (où le faisan s'est transformé en phénix ?) :

Trois essais sur la traduction


Jean-François Billeter

Trois essais sur la traduction
Édition Allia, 2014, Paris

 

Les deux premiers essais s'intitulent Poésie chinoise et réalité et Le Faisan de Zhuangzi. Dans le troisième, La Traduction vue de près, l'auteur analyse sa démarche de traducteur dans le but de faire comprendre, de façon pédagogique, ce que devrait être une bonne traduction. Tout traducteur, du plus blanc-bec au plus faisandé – et même si sa propre méthode diffère un peu de celle de Jean-François Billeter –, y trouvera matière à réflexion et du bon grain à la volée.

Par exemple, l'auteur rappelle l'intérêt de la relecture à haute voix. Et il énonce le « principe de difficulté »: « Mieux vaut être averti de la difficulté d'une tâche et la trouver facile que de la juger facile et d'échouer faute d'en avoir compris les difficultés. »

Il nous invite à ne pas comprendre trop vite, citation d'Henri Michaux à l'appui : « J'ai souvent remarqué, dans les études secondaires, que les élèves "imbéciles" butaient avec une grande sûreté sur le hasardeux, le spéculatif, et le nœud de la théorie proposée. Ils posaient des questions au professeur là-dessus, qui leur réexpliquait la chose. Eux cependant restaient songeurs, aux rires et ricanements de la populace des forts en thème. Dans la suite, j'ai remarqué que ces théories renversées par de successifs savants l'étaient justement par cet endroit où l'imbécile de 15 ans avait mis le doigt. » (Ecuador, Gallimard, 1929)

À méditer, non ?

Et à rapprocher de ce qu'Agnès Desarthe écrivait, quoique pour appuyer un propos différent, dans sa chronique Traduire, dit-elle (Le Monde des livres, 12 décembre) :

« En traduction comme en écriture, un certain degré d'imbécillité, proportionnel à la foi que l'on a dans l'un ou l'autre art, est nécessaire à la pratique. »

 

Puissent les innocents, en ce jour qui tombe sur leur fête, avoir les mains pleines de ce livre, malgré sa modeste taille. Il mérite de leur être offert en cadeau.

16 décembre 2014

Un beau blogzibao sur la traduction...

... cela se salue, surtout quand on est soi-même un humble blog et qu'on est tout honteux d'avoir ignoré ou oublié l'existence d'un grand frère. Lequel porte un titre joliment trouvé : Tradzibao.

Sous la plume de la journaliste Claire Darfeuille, qui consacre un article au même sujet dans ActuaLitté, Tradzibao commente la remise du prix Pierre-François Caillé. L'ESIT et la SFT ont décerné cette récompense ce samedi à un jeune traducteur : Jean-Christophe Salaün.

Celui-ci a traduit de l'islandais vers le français un roman alléchant, signé Hallgrimur Helgason et intitulé La Femme à 1000°, aux Presses de la Cité.

9782258100336.JPG

La remise du prix a été l'occasion de découvrir quelques-uns des jeux de mots inventés par le traducteur. Ses « anarchastes », entre autres, m'ont mise en joie. Le rappel d'ergotages sur le choix de « à 1000° » ou « aux 1000° », dans le titre, ne pouvait que ravir aussi des oreilles traductrices.

Inutile de me fatiguer à vous en dire davantage : quand tout ou presque a déjà été dit, en mieux, autant faire sobre ! La sphère franco-touito-islandaise s'agite déjà assez comme ça. Revue de presse sur la page d'Actus de la SFT.

 

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Levant le nez de l'un des rares Arnaldur qu'il n'avait pas encore dévorés (Arnaldur Indridason, La Rivière noire, traduit de l'islandais par Eric Boury, éditions Points), ce blog friand d'ambiances chaudes et festives de littérature islandaise ou en provenance d'autres pays scandinaves rappelle qu'il a publié quelques modestes billets évoquant certains auteurs, livres et autres produits des cultures nordiques :

- Le Vieux qui...
- Marcher – Partir ?
- Elle voit des traducteurs partout (6)
- Marie, mon ciel ! (16)
- Paroles d'hommes et de femmes du monde (1)
- Bortbyting
- Pétaflop et Pepparkaka.

Dans ces billets, le lecteur vraiment désœuvré et ne s'étant pas encore procuré
La Femme à 1000°  (re)trouvera, en vrac, Jonas Jonasson, Tomas Espedal, Terje Sinding, Henning Mankell, Kristina Ohlsson, August Strindberg, des bébés trolls et quelques douceurs de fin d'année.

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En citant des noms scandinaves, un blog non polyglotte, diklessixque et enrhumé prend des risques inconsidérés. Merci à ceux qui me signaleront de prévisibles coquilles et écorcheries ; toutes mes excuses anticipées pour celles qui échapperaient à leur œil de lynx serviable.

04 décembre 2014

La 81e des 101 Choses

L'été dernier, je m'aventurais à traduire ici une page du livre 101 Things a Translator Needs to Know.

J'en faisais la présentation suivante :

Le WLF Think Tank est une bande de traducteurs + une illustratrice qui ont regroupé, dans un livre intitulé 101 Things a Translator Needs to Know, 101 conseils principalement destinés aux inconscients aventuriers novices qui voudraient se lancer dans la traduction.

J'ai récidivé, toujours avec l'autorisation des auteurs et cette fois sur l'article 81, consacré au sous-titrage. Voici l'original, suivi de ma version. Puisque nous sommes entre nous, j'agrémente celle-ci de quelques NdT (que j'évite en situation réelle et que vous pouvez toujours essayer d'inclure dans un sous-titre...), pour vous expliquer mes partis pris. Car comme souvent et pas seulement dans l'audiovisuel, traduire a consisté à adapter.

 

Squeezing information
into so little space is a
big challenge for subtitl

Ever tried fitting a ten-letter answer into six squares in a crossword grid? Then you'll understand that subtitlers need to work magic. Every few seconds they turn dozens of words of dialogue into just a few characters in two succinct lines of text. It's hard work, of course, and far more time-consuming than standard translation: capturing the essence of what is said in all its idiomatic and cultural nuances in coherent, semantically self-contained texts that are left on screen for just the right length of time.

Subtitling is not for the faint-hearted — nor for fearless dilettantes. If you are interested in it, contact your professional association to ask for advice. Maybe you'll find a mentor willing to share the secrets of their wizardry.

Texte de l'illustration :

Enseigne :
UK SUBTITLING CO
Parties d'enseigne au sol :
NITED     INGDOM   MPANY

 

101things Subtitling.png

 

Caser un maximum d'infos en un rien
de place, c'est l'exploit du sous-tit
(1)

Vous avez déjà essayé de faire entrer un mot de dix lettres dans six cases de mots-croisés ? Si oui, vous comprendrez  que le sous-titrage, c’est de l’exploit. Plan par plan, il faut transformer comme par magie des répliques entières en quelques caractères(2), sur deux lignes. Cette adaptation prend bien plus de temps qu’une traduction courante car après avoir saisi toutes les nuances idiomatiques et culturelles du dialogue, on doit en restituer l’essence. Et ce, en une unité de sens complète et sur une durée limitée à la fraction de seconde près.

Des vocations dans la salle ? Poules mouillées et têtes brûlées s’abstenir. Les candidats au sacerdoce(3) se renseigneront auprès d’associations professionnelles telles que l'ATAA(4). Et(5)  peut-être trouveront-ils un sorcier disposé à leur transmettre ses secrets.

Texte de l'illustration : 

Enseigne :
ST FEBREF CO
Parties d'enseigne au sol :
OUS-     ITRAGE     RP.


(1) J'ai disposé le titre sur deux lignes comme dans un sous-titre, plutôt que sur trois lignes comme dans le livre.
 
(2) « Signes » serait plus correct et plus précis. J'ai opté pour « caractères » parce que ce terme est plus parlant pour le lecteur non-spécialiste.

(3) Je supprimerais volontiers « au sacerdoce », pour éviter l'empilement d'images hétéroclite avec les poules mouillées et les têtes brûlées, pas forcément apprécié d'un lectorat francophone.

(4) Hem. Moi aussi, j'adapte...

(5) Re-hem. J'ajoute le "Et" en début de phrase pour qu'on ne croie pas qu'il suffit de sonner à la porte de l'ATAA pour trouver un mentor. Ah si ? Mais on peut peut-être le trouver ailleurs, aussi.

(6) Les piles intermédiaires, que je remercie de leur avis toujours précieux, trouvent qu'on aurait pu ne pas traduire l'enseigne. À vous de voir ! J'ai fait comme si un illustrateur avait dû incorporer les textes dans l'image telle quelle, c'est pourquoi j'ai conservé l'enseigne en trois parties.

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Et maintenant, à vos plumes électroniques,
si vous voulez commenter ou améliorer la proposition de traduction ci-dessus !

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Cher grand Cousin Blog de l'ATAA,

Voilà des mois, je t'ai proposé cette traduction en vue de billet. Tu en as bien voulu et tu t'es même dit prêt à rédiger une intro. Je t'ai remis la traduction au tout début septembre. Trois mois plus tard, toujours rien, alors qu'il est arrivé que tu restes muet et ne publies rien pendant six semaines dans l'intervalle. Tu m'as pourtant bien confirmé, à plusieurs reprises, que la parution ne saurait tarder...

Bref, si tu veux maintenant reproduire cet article pour en faire profiter ton audience, autrement plus vaste que la mienne, n'hésite pas.

Mais pour moi, la moindre correction vis-à-vis des auteurs du livre était de ne pas laisser traîner cette parution au point qu'un nouvel opus vienne remplacer 101 Things au box-office ! Je n'allais donc pas laisser mon travail aux oubliettes indéfiniment.

 

20 octobre 2014

Silenzi fratelli


Dans Sentir le grisou, Georges Didi-Huberman évoque le rôle de l'artiste, sa capacité à anticiper l'histoire et à nous avertir. L'artiste est ici Pier Paolo Pasolini, dont il cite et traduit ce poème, sur les femmes de mineurs victimes d'un coup de grisou (p. 69)  :


« E la classe degli scialli neri di lana,
dei grembiuli neri da poche lire,
dei fazzoletti che avvolgono
le facce bianche delle sorelle,
la classe degli urli antichi,
delle attese cristiane,
dei silenzi fratelli del fango
e del grigiore dei giorni di pianto,
la classe che dà supremo valore
alle sue povere mille lire,
e, su questo, fonda una vita
appena capace di illuminare
la fatalità del morire. »

« Et la classe des châles noirs de laine,
des tabliers noirs à peu de lires,
des fichus qui enveloppent
les visages blancs des sœurs,
la classe des hurlements antiques,
des attentes chrétiennes,
des silences fraternels dans la boue
et de la grisaille des jours de pleur,
la classe qui donne valeur suprême
à ses pauvres mille lires,
et qui, là-dessus, fonde une vie
à peine capable d'illuminer
la fatalité du mourir. »

 

Les Éditions de Minuit, 2014
Merci à AL qui me l'a offert.

16 octobre 2014

Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (20) - L'importan, s'est d'essayé

« Parce que l’orthographe est le 1er critère de jugement [...]
S’attacher les services d’un spécialiste s’avère indispensable. »

On ne peut qu'approuver, voire être séduit par la présentation en ligne de cette agence de traduction !

L'ennui est qu'elle fait débuter une autre page de son site par ceci :

« Il existe un grand nombre de logiciels de [...],
nous avons essayer réunir les principaux dans cette liste. »

C'est d'autant plus ennuyeux que l'agence propose aussi des services de correction, en rappelant à juste titre que :

« Une seule erreur suffit à décrédibiliser un travail de longue haleine. »

 

Ce blog abonné aux coquilles et autres fautes d'étourderie ferait bien de ne pas trop se gausser.  Et de publier quelques billets de fond au lieu de céder à cette périlleuse facilité qui consiste, comme sur le site de cette agence, à reproduire les bourdes des autres sans voir les siennes. :)

 

 

 

06 octobre 2014

(Beaucoup) mieux que le beaujolais nouveau...

... et encore plus primeur, il est là, le nouveau site de l'ATLF (Associations des traducteurs littéraires de France) ! Quelques détails restent à fignoler mais il sera bientôt tout à fait au point.

À consommer sans modération.

Cher alien ignorant jusqu'au sens du mot « littéraire »    extraterrestre pas plus implanté que ça sur le marché de l'édition française    frais débarqué n'ayant jamais ouvert un bouquin    outsider traduisant des livres sans se savoir auteur jeune Traducteur inexpérimenté,

Prends-en de la graine. Même si tu n'as pas encore travaillé pour l'édition ou pour d'autres domaines qui, comme l'audiovisuel, relèvent du droit d'auteur, ce site te procurera une foule d'informations, utiles à savoir avant de mettre un orteil en ces forêts touffues.

Et toi, cher Lecteur passant dans le coin par le plus grand des hasards, tu peux aussi te promener sur le site pour découvrir ce qu'est la traduction d'édition, prestigieuses citations à l'appui. Tu en repartiras sans doute convaincu que sans traducteurs, tes librairies favorites seraient fort dépeuplées.

Quant à toi, vénéré donneur d'ouvrage, tu éplucheras l'annuaire avec délectation. N'écoutant que mon côté serviable et prompte à t'éviter des pertes de ton précieux temps, je te mâche le travail. Il ne me reste plus qu'à refondre ma fiche...