23 mars 2012
Concise, la Mochlangue ?
Souvent, comme prétexte pour parler charabia, on nous avance que c'est plus court que le français. Sans aller chercher bien loin, on trouve des preuves du contraire. Que ce soit à l'oral ou à l'écrit, les substituts suivants ne sont pas plus concis que les termes corrects.
Substitut moche ? mode ? |
Mot/expression existant |
Mes commentaires |
Acronyme |
Sigle |
Un acronyme, en français, c’est un sigle qui se prononce comme un mot. Ex. de sigle : RATP. Ex. d'acronyme : Unesco. Pourquoi confondre les deux ? |
Black |
Noir |
Black c'est noir !! |
Buzz |
Bruit |
Ou pas mal d’autres possibilités, quoique moins concises. |
Définitivement |
Décidément |
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En charge de |
Chargé de |
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Évasion fiscale |
Fraude fiscale |
Ben oui, on peut truander sans faire changer son pognon de territoire. |
Fondamentaux (les) |
Bases, rudiments |
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Formaliser |
Donner forme à |
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Hot |
Chaud |
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Initier |
Lancer |
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Intervenir |
Survenir, avoir lieu |
Pourquoi utiliser « intervenir » dans le sens de « survenir » ? Entendu pas plus tôt qu’aujourd’hui : « La mort est intervenue… » On se croirait chez Pratchett. À force d’être moche, ça en devient surréaliste. |
Légende urbaine |
Légende (tout court), rumeur, faux bruit |
Quelqu’un pourrait-il m’expliquer ce qu’elle a encore d’urbain, à l'heure où Internet nous a transformés en village mondial ? |
Participer de |
Participer à |
Les deux ont un sens différent. Pourquoi employer l’un à la place de l’autre ? Ça participe peut-être d’un certain snobisme pseudo-intello. |
Sérieusement |
Gravement |
D’accord, c’est dans le dico. N’empêche. |
Solutionner |
Résoudre |
D’accord, c’est aussi dans le dico. N’empêche. Serait-ce parce que conjuguer un verbe du 3e groupe, c’est vraiment au-dessus des forces du locuteur de Mochlangue ? |
Sur |
À |
Je ne suis pas sur Paris, je suis à Paris. Je sais, j’ai de la surface, mais quand même. |
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My ass |
Zazie, sors de ce blog et retourne dans ton métro, s’il te plaît. On sait que tu as une solution tout aussi percutante à proposer. |
On observera que la plupart de ces mots ou expressions sont calqués ou directement copiés de l’anglais. Je les glane principalement à la radio ou à la télévision de service public. Ou, qui pis est, sous la plume de traducteurs. J’ajouterai sûrement d’autres exemples au fil du temps. Toi aussi, Lecteur, tu peux jouer à allonger la liste.
Je précise et j'avoue que je pratique la Mochlangue assez couramment !
22:45 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (8) | Lien permanent
Mot appris (7) - Amok
« Amok », on pourrait croire que ça sonne inuit, non ? Eh bien, non. J’ai croisé ce mot à plusieurs reprises dans Les Racines du ciel, de Romain Gary, dont je vous ai déjà parlé ici et ailleurs, au risque de vous lasser.
Page 75 : « …il s’agit d’une espèce de fou, de misanthrope, qui s’est mis en tête de défendre les éléphants contre les chasseurs, et qui a, en quelque sorte, décidé de changer d’espèce, par dégoût de l’humanité. Un blanc qui est devenu amok par misanthropie, et qui est passé du côté des éléphants… »
Page 87 : « …un illuminé qui agissait seul, un homme qui était devenu "amok", ou si l’on préférait "rogue", comme cet éléphant qui s’écarte du troupeau à la suite d’une blessure inguérissable et devient particulièrement agressif et hargneux. »
En fait, j’apprends dans le Robert que l’amok est une « forme de folie homicide observée chez les Malais » (Bizarre, non ? Pourquoi une forme particulière chez les Malais ?) et qu’on désigne aussi par ce mot celui qui en est atteint.
06:09 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (7) | Lien permanent
19 mars 2012
Mots appris (6) - Agelaste
« Agelaste », c’est un mot de Rabelais désignant quelqu’un qui ne sait pas rire.
De Rabelais, j’avais bien retenu « rataconniculer », mais pas « agelaste ». Est-ce « agelaste » ou « agélaste » ? Où se trouve-t-il dans l'œuvre ? Sais pas. Il faudrait que je farfouille. Si un Lecteur peut nous renseigner, merci à lui ! J'espère que ce n'est pas une fausseté de plus en circulation sur le Net, qui attribue tout et n'importe quoi aux grands auteurs, et notamment des citations apocryphes, sans indiquer la source exacte, bien entendu.*
Je viens d’apprendre « agelaste » grâce à de jeunes comédiens qui font des lectures au bistrot du coin. Cette fois, le sujet était casse-gueule : le rire. Il s’en sont très bien sortis, avec le soutien actif de Charlie Chaplin et de Boby Lapointe, entre autres comparses.
Sont chouettes, ces soirées lectures, qui ne coûtent qu'une conso et quelques pièces (ou plus si grande affinité). J’y avais entendu des passages joliment interprétés du magnifique Soie, d’Alessandro Baricco (Gallimard, traduit de l'italien par Françoise Brun). La quatrième saison s'achève bientôt, mais je parie qu'il y en aura une cinquième (et plus si...).
Je sais, Multitudes de Lecteurs, vous êtes disséminés dans l’immensité intergalactique et la Pelouse, c’est pas la porte à côté. Pas d'excuse : un coup de téléportation devrait suffire à vous faire débarquer un lundi soir, là.
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* Digression
C'est ainsi qu'on trouve, dans les livres qu'on traduit, de profondes pensées attribuées à Bouddha, Montaigne ou Gandhi, par exemple. En cherchant, on s'aperçoit qu'elles ont été pondues par un obscur gourou (généralement états-unien et contemporain - dans les cas limite, l'auteur du livre en question lui-même). Mais en exergue, son nom ferait quand même moins chic que celui de Bouddha, Montaigne ou Gandhi.
Un peu plus tard...
Tiens, j'en ai encore croisé deux en moins de 10 minutes. Je sens que j'aurai bientôt une compilation suffisante pour consacrer un billet aux citations faussement attribuées.
28 janvier 2012
Mots de travers (3) Aloefalfaberries
Amis consommateurs qui, soucieux de votre santé et avides de naturel, écumez en pleine conscience les rayons « diététique » des magasins (ou les rayons des magasins diététiques, comme vous voudrez), quelle faille peut-on bien exploiter en vous pour vous vendre de la Pearl’n Pimping’s Powder ? Quel poil d’ignorance mêlée de snobisme titille-t-on chez vous, dans le but de vous exprimer le jus de porte-monnaie ?
Pour vous fourguer certains produits à haute valeur ajoutée gustative et nutritive, la ruse consiste simplement à oublier d’en traduire le nom en français. Car sinon, je parie une demi-canneberge que vous ne les achèteriez pas. Tandis qu'avec leurs appellations d’origine (anglo-saxonne), ils ont un pouvoir de conviction et un charme fous.
Exemples :
L’aloe vera, ça vous a des sonorités précieuses et paradisiaques. Avec un peu d'imagination synesthétique, ça vous dégagerait même des effluves de Polynésie… Or ce n’est jamais qu’un genre d’aloès. Vous savez, ces plantes grasses avec un piquant au bout des feuilles, qui résident sur les balcons, dans des pots de fleurs.
Et l’alfalfa ! L’alfalfa, ce n'est ni plus ni moins que de la luzeeeeeeeeeeerne, mes Happy Bunnies.
Enfin, les cranberries, ces baies hors de prix, pas plus goûteuses que des gratte-cul mais tout aussi bourrées de vitamines… Eh bien, c’est elles, les canneberges (ou grandes airelles rouges d’Amérique du Nord), tabernacle ! Il est vrai que certains sites distinguent cranberries et canneberges. S'il y a des spécialistes ès baies en tout genre dans la salle, ils peuvent ajouter ici leur grain de sel (mais uniquement de l'Himalaya à 26 euros le kilo, s'il vous plaît) !
Pardon, j'ai failli intituler ce billet « À manger du foin ».
Pardon derechef, je vous casse votre bio rêve.
Pharmacie de l'Hôtel-Dieu (les «Hospices ») de Beaune.
« Elixir de propriété (composé de teinture d'aloës, de myrrhe et de safran) contre les maladies pulmonaires, aux propriétés multiples avérées ou supposées. »
« Yeux d'écrevisses (concrétions de carbonate de calcaire se trouvant dans l'intérieur de l'écrevisse) anti-diarrhéique, anti-hémorragique. »
06:46 Publié dans Coups de griffe, Je traduis, tu traduis..., La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
27 décembre 2011
Mots appris (5) - Bonnacon et Méquelcon
Michel Pastoureau est un historien qui écrit des bouquins et articles passionnants sur la couleur, sujet multifacettique dont je me repais à la moindre occasion, comme lors de cette expo, par exemple**. Ou comme lors de la Journée de Printemps de l'association Atlas, dont l'édition 2009 s'intitulait Traduire la couleur.
Également spécialiste de l’histoire des animaux, Michel Pastoureau vient de sortir un livre dans ce second domaine, que je parie aussi bigarré que l’autre :
Bestiaires du Moyen Âge
Ed. Seuil
Dans le Monde du 16 décembre dernier, un article de Harry Bellet présentait le livre et en citait un extrait. C’est ainsi que j’ai appris l’existence du bonnacon, qui… Nan nan nan, je ne vous en dirai pas plus. Sachez juste que son système de défense met en joie mes 3 ans et demi d’âge mental.
Ce mot récemment appris m’offre un prétexte en or pour en introduire un autre, de ma propre invention et que je n’osais vous présenter, m’étant gardée jusqu’ici des billets de trop mauvaise humeur. N’empêche, il m’arrive trop souvent de le prononcer mentalement pour que je continue à le passer sous silence. Oui, je l’avoue, quand je me promène dans la virtuellosphère et que j'y lis certains propos, je profère de manière assez récurrente (mais très étroitement ciblée sur quelques individus, rassurez-vous) le mot « méquelcon », en étouffant un point d’exclamation. Ça doit vouloir dire que, quoique rare, il existe, le méquelcon. Tout comme le bonnacon. Avec un mode d’expression assez proche, à la réflexion.
Tu as raison, Lecteur sans qui ce billet resterait incomplet. En pleine trêve des pâtissiers, l'acidité, c'est décalé. Et tu fais bien d'observer aussi qu'on est forcément, à un moment ou à un autre, l'animal mythique de quelqu'un.
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**Je m'en serais bien gavée il y a une dizaine d'années, quand un éditeur me proposa la traduction d'un passionnant livre sur la couleur, dans toutes ses dimensions : scientifique, philosophique, artistique, historique... Pour 2 000 francs (environ 300 euros). « Offre » (pour qui ?) que je déclinai, la mort dans l'âme. Il y en avait au minimum pour 3 mois de travail à plein temps. Mon interlocuteur me confia qu'habituellement, la maison qu'il représentait passait plutôt ce genre de commandes auprès d'universitaires.
11 décembre 2011
Mots appris (4) - hiérosolymitain
Lorsque j’ai lu l’adjectif « hiérosolymitain » sous la plume de Pierre Assouline, dans son livre Vies de Job (Gallimard), un carambolage neurono-dyslexico-étymologesque m’a fait sur-le-champ visualiser un tournesol portant des gants sans doigts.
Si tu farfouilles un peu, Lecteur curieux - ou sinon on se demande vraiment ce que tu fais ici -, tu admettras que l’idée de soleil (couchant, en l’occurrence, et non affublé de mitaines) était bel et bien contenue dans l’origine de ce mot.
[Ici, je laisse exprès un paragraphe manquant, que tu complèteras de toi-même pour rendre un semblant de logique à mon discours, Lecteur, quand tu auras trouvé le sens de « hiérosolymitain ». Mais je parie que tu le connaissais déjà ou que tu l’as deviné.]
Car on voyage, dans ce roman (il y a marqué « roman » sur la couverture), à la suite de son auteur. Du Levant au couchant, du nord au sud, en toutes époques et surtout en son histoire et en sa personnalité, du moins pour ce qu’il nous en livre à travers sa quête de Job, qu’il voit partout. Plus jamais je ne considérerai du même oeil ou de la même oreille Bartleby, Joni Mitchell ou les papiers à cigarette, entre autres.
Je vous citerais bien le bouquin en entier. Mais ça ne se fait pas et ce serait d’autant plus malhonnête que je n’ai pas les références pour l’avoir compris en totalité. Sachez que les traducteurs y sont à plusieurs reprises évoqués, et en bien, comme souvent dans les écrits de Pierre Assouline. Mais même ces passages, je vous les laisse découvrir.
Je reprendrai juste un extrait, où l’auteur cite lui-même une autre œuvre. Et où on en revient au soleil, malgré tout :
« Yossel Rakover s'adresse à Dieu est une énigme. Imaginez un texte d’une quinzaine de pages à peine, venu d’on ne sait où, signé d’un certain Zvi Kolitz, publié pour la première fois le 25 septembre 1946 dans le Yiddishe Zeitung de Buenos Aires à l’occasion du jour du Grand Pardon, qui s’avance précédé d’une épigraphe trouvée sur le mur d’une cave de Cologne où des juifs avaient passé toute la guerre : "Je crois au soleil, même s’il ne brille pas. Je crois à l’amour, même si je ne le connais pas. Je crois en Dieu, même s’il se tait." » (Le texte français est la traduction de Léa Marcou, éditions Calmann-Lévy.)