20 mars 2016
Mots appris (34) - Glottophobie
Ce blog s'est déjà insurgé à plusieurs reprises contre cette imbécilité discriminatoire qui consiste à sous-titrer les propos de francophones, qu'ils soient africains, antillais ou auvergnats. Discriminatoire vis-à-vis des locuteurs, les téléspectateurs étant, eux, considérés de manière collective et indistincte comme des abrutis.
La presse écrite et radiophonique m'apprend que le phénomène porte désormais un nom, la « glottophobie». Autre cas de glottophobie qui, à l'aube, m'a affligée: celui, cité sur France Inter, de ce petit garçon en pleurs parce que la maîtresse prétendait mieux savoir prononcer son prénom que lui-même. Idem pour tous ces gens dont l'accent a le tort de ne pas être assez pointu.
« Glottophobie», ou discrimination par le langage, est un terme créé par l'auteur d'un livre que j'ai fortement envie de me procurer :
Philippe Blanchet
Discriminations – Combattre la glottophobie
Éditions Textuel, 2016
On peut écouter Philippe Blanchet, interviewé ce matin 20 mars 2016 par Dorothée Barba dans une chronique intitulée La langue, outil de discrimination (émission Le 5/7 du week-end).
On observera qu'à la radio, les intervenants ne sont pas sous-titrés. Serions-nous moins bêtes selon que nous revêtons notre casquette de téléspectateur ou d'auditeur ?
28 octobre 2015
Mots de travers (14) - L'article de trop
La publication de la nouvelle version française d'un livre funeste agite la presse, ces temps-ci.
Plutôt que de se faire l'écho de cet évènement éditorial, ce blog étriqué, pinailleur et corporatiste s'attache comme d'habitude à un de ces détails que seule l'engeance traductrice relève. Encore un peu, celle-ci prétendrait qu'à leur manière, ces détails tuent.
Le détail figure dans l'un des nombreux articles suscités par la sortie de la nouvelle version française du texte en question. Cherchez l'erreur :
« "Aucune législation ne nous interdit de mettre en vente ce livre", précise l'éditeur, qui a demandé au traducteur, le journaliste et biographe Olivier Mannoni, d'établir l'édition française. On lui doit à ce jour plus de 170 traductions... »
Si l'erreur vous saute aux yeux, je parie que vous faites partie d'une bande mesquine d'amateurs corporatistes à tendance pinailleuse. Dans le cas contraire, je vous aide à la trouver en reproduisant un extrait de la page Wikipedia consacrée à Olivier Mannoni (non rédigée par celui-ci, précisons-le). On y remarquera des similitudes avec le premier extrait, au fameux détail près :
« Olivier Mannoni (...) est un traducteur, journaliste et biographe français. (...) Il a traduit à ce jour plus de 170 ouvrages. »
D'aucuns, comme Wikipedia, considèrent que traducteur, c'est un métier, éventuellement exercé à côté et à l'égal d'autres métiers. Pour d'autres, traducteur est une activité accessoire, réalisée en amateur par un membre d'une noble profession – journaliste, biographe, par exemple – qui, à temps perdu, traduit 170 ouvrages. Tout est dans l'article.
Bien entendu, une erreur est possible, dans la hâte du bouclage,
et pas forcément imputable au journaliste.
On signalera que parmi les 170 ouvrages accessoirement traduits par Olivier Mannoni figurent ceux d'auteurs tels que Freud, Sloterdijk et Suter. Ajoutons à ce palmarès des titres moins funestes que celui qui alimente actuellement la production d'articles.
Idem, dans le genre non funeste et propre à m'inspirer une verte jalousie, pour certains de ceux traduits par Valérie Le Plouhinec, première à avoir réagi à l'article de trop sur la liste de diffusion de l'ATLF, dans un style autrement plus élégant que celui de ce billet et dans un fil passionnant consacré à la sortie du livre évoqué plus haut. Cher Jeune Traducteur d'édition, si tu étais membre de l'association, tu profiterais sur sa fameuse liste des échanges enrichissants de ces éminents collègues, entre autres, et pourrais même y participer, au lieu de perdre ton temps à lire des blogs pinailleurs.
27 août 2015
Mots appris (33) — Mot à moche
Bien obligée de l'apprendre : il m'est venu tout seul, il s'est imposé à moi. Je le rencontre trop souvent pour mon goût. C'est le « mot à moche ».
L'aval d'un collègue et ami m'a encouragée à le partager avec vous. Faut-il lui souhaiter une belle carrière (au mot à moche, pas à JL, déjà pourvu) ?
Les distingués linguistes parmi nous établiront peut-être un rapport entre
le mot à moche et la Mochlangue.
20:10 Publié dans Coups de bec, Mots appris | Commentaires (0) | Lien permanent
14 août 2015
Mots de travers (13 ter) - Migouël fait des tapasses et du ciné
Un fidèle Lecteur répondant au nom suspect d'Assedix me signale la réapparition d'un personnage aussi polymorphe que récurrent sur ce blog.
Je cite Assedix : « (J'ai) vu ressurgir à la télé une autre vieille connaissance, le fameux Migouël, ou plutôt le marché San Migouël, où les candidats d'un concours de cuisine devaient préparer "un tapas" (gourmand, ça va sans dire). »
Notre ami Migouël est décidément multicarte car pour ma part, je crois l'avoir entendu se faufiler dans un récent Masque et la Plume, déguisé cette fois en réalisateur portugais. Après le vélo, le flamenco, le resto, le vlà qui s'essaie au cinoche.
Sacré Migouël.
Les esprits outrageusement pointilleux qui se soucieraient de prononciation correcte des noms étrangers peuvent se référer à cet utile site et en diffuser le lien auprès des présentateurs télé ou radio de leur entourage :
Pour ce qui concerne le genre des tapas, on peut y goûter dans tout dictionnaire même franco-français ou, mieux, dans certains établissements de gastronomie espagnole dont je me garderai bien de divulguer l'adresse. Ce blog a une réputation égoïste anti-effet boule de neige à préserver !
09 février 2015
Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (21) - Grosse fatigue
Cher Jeune Traducteur Inexpérimenté et ignorant l'existence de tout un monde entre le Périf et les frontières de l'Hexagone que je néglige de secouer de ta torpeur ces derniers temps, sache que la presse quotidienne régionale est une mine d'informations. Je te recommande de la lire à l'occasion. Grâce à elle, tu découvriras notamment des initiatives innovantes, des entreprises créatrices d'idées et d'emploi, brefs d'intéressants prospects ou contacts, surtout si tu es installé dans la région concernée ou si tu as des affinités particulières avec elle.
Le business plan de l'entreprise évoquée dans l'article que j'ai sous le nez vise un objectif ambitieux : la « perfection des langues ». Oh oh, dressage d'oreille et remuage de truffe de la part de la traductrice-cocker-éponge. Credo annoncé dans le chapeau de l'article : la fiabilité. Chouette ! « Dans toutes les langues, assurée par des "traducteurs natifs" [ici : deux mots, dont un que je laisse dans un premier temps de côté en vue de recherches terminologiques], partout dans le monde ».
Article lu, site de l'entreprise visité et recherches terminologiques faites, je complète le blanc pour ne pas te soumettre à un suspens trop insoutenable, Jeune Traducteur Inexpérimenté réjoui à l'avance d'en savoir plus sur cette success story (oui, ce billet a entrepris lui aussi d'atteindre à la perfection des langues, en commençant par les mélanger). Les deux mots manquants sont : « et bénévoles ».
Car l'initiative mise en exergue dans cet article que nous livre une PQR aussi républicaine qu'orientale consiste à mettre en relation, gratuitement, lesdits traducteurs natifs et toute personne cherchant à rendre un texte dans une langue étrangère sans rencontrer les écueils de la traduction automatique. Youpie.
Vite, testons. Je consulte les demandes et réponses déposées en ligne et tombe sur celles-ci, entre autres du même style :
Q. : When are you tired.
R. : Quand vous êtes fatigué.
Je vais me recoucher, moi.
Cher Traducteur Inexpérimenté mais désireux de bien faire, sache que des forums d'entraide gratuite entre traducteurs, mettant en relation des professionnels de langues maternelles diverses pour éclaircir leurs doutes sur des termes, des expressions, des notions, etc., cela existe. Idem pour les questions administratives, fiscales, juridiques, etc. qui tracassent tout travailleur indépendant. Pour accéder à ces forums, il suffit d'avoir cette attitude professionnelle qui consiste à adhérer à une association ou à un syndicat de traducteurs et/ou d'interprètes (ou à plusieurs d'entre eux), selon son domaine d'activité :
- Association des traducteurs-adaptateurs de l'audiovisuel (ATAA)
- Association des traducteurs littéraires de France (ATLF)
- Société française des traducteurs (SFT)
N'oublie pas non plus ton association d'anciens élèves d'école de traduction, si tes fonds de baggy sont passés par là !
Sur ces forums, des dizaines de collègues t'apporteront leur appui bénévole. Et fiable.
08:42 Publié dans Coups de bec, Je traduis, tu traduis... | Commentaires (0) | Lien permanent
26 novembre 2014
Gageure, le retour (tant attendu)
Cela faisait longtemps que ce blog acariâtre ne s'était pas excité sur la prononciation du mot « gageure ».
L'autre jour, un jeune paysan évoquait à la radio ses difficultés pour monter son AMAP. Comme il avait sans doute eu la chance d'entendre, dans son entourage et à l'école, « gageure » prononcé « gageure », il le prononçait naturellement « gageure ». Normal, quoi. (Si ce paragraphe vous laisse perplexe, voyez le commentaire de Marie-Céline et ma réponse, en fin de billet.)
Plus ou moins à la même période, de petits films étaient en lice (et non en « lisse » – heureusement que Marie-Céline a l'œil !) dans le cadre d'un concours visant à promouvoir la traduction. L'auteur de l'un d'eux, qui se trouvait être lui-même traducteur, utilisait le mot « gageure », prononcé « gajeure ». Plus habitué à la langue écrite que parlée, laissait-il contaminer celle-ci par celle-là ? Trouvait-il qu'après tout, puisque cette prononciation figurait dans le dictionnaire – quoique avec la mention « critiqué » ou « à éviter » –, il était en droit de l'employer ? Sais pas.
Une chose est sûre, c'est que réaliser un film (de même que faire un dessin ou un logo) sur un sujet aussi abstrait que la traduction, c'en est une, de gageure. Une autre chose de sûre : mon chouchou dans la sélection a gagné le concours, comme je l'ai appris par le blog de l'ATLF.
Words Travel Worlds
Cristina Savelli et Alessandra Maldina
Concours de vidéos du CEATL,
Conseil européen des associations de traducteurs littéraires
Septembre 2014
Bravo, mesdames !
Il est chouette, hein ?
Ces sourires pourraient tout aussi bien naître de la lecture d'un rapport d'activité, d'un brevet ou d'un manuel de bricolage bien traduits. Si, si, je vous assure. :)
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À la suite du pertinent commentaire de Marie-Céline, je résume :
« Gageure » se prononce « gajure » et non « gajeure ».
00:05 Publié dans Coups de bec, La chronique de Vocale Hubert, Ronronnements de satisfaction | Commentaires (6) | Lien permanent