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03 juillet 2012

Sauvons les dragons (1)

Certes, le dragon, comme animal de compagnie, n’a pas que des qualités. (La seule identifiée à ce jour, à vrai dire, est qu’il n’est pas nécessaire de le sortir, vu que dans cette partie du monde, il a des ailes et peut donc passer tout seul par la fenêtre. Pour le reste, on a fait mieux, dans le genre affectueux.)

Ce n’est pas une raison pour le persécuter. 

Je m’élève ici contre les sales types – courageux mais généralement en armure, donc pas téméraires – qui n’ont d’autre occupation que de le terrasser (selon l'argument avancé par Rose-Marie Vassallo, éminente spécialiste en la matière et que le contexte m'empêche de qualifier d'avocate du diable : « Oui, un dragon, ça se terrasse, que veux-tu en faire d'autre ? »).

Dives saint Georges2 (Small).JPG
Dives-sur-Mer                                                    

Le bestiau ne se laisse généralement pas occire sans panache ni résistance. La preuve : il tire la langue à l’ennemi (oui, on a les panaches qu'on peut).

Dives saint Georges1 (Small).JPG
                        Dives-sur-Mer aussi mais vu de plus près

Et, quoi qu’essaie de nous en faire accroire le service de com’ des types en armures, rien ne prouve que le gars armé d’un genre de brochette finisse réellement par avoir le dessus et par empaler le dragon, car on ne nous fournit que des images du combat, et non de son issue (méthode de désinformation assez banale, au demeurant). 

L’animal, bien que parfois contrariant quand on l’utilise à des fins
non prévues par son programme génétique
, est pourtant pacifique, voire bienfaisant. Dans certaines civilisations éclairées, on va jusqu’à le balader autour du pâté de maisons lors du Nouvel An, à grands renforts de pétards (oui, tous des drogués), en assouvissant son féroce appétit par…non, pas par une douzaine de vierges sous garantie, mais par de simples laitues. C’est vous dire si le monstre est méchant.

2010-02-14 Nouvel An chinois dragon DSCN2376 (Small).JPG

Bref, je lance ici une croisade pour qu’on cesse d’infliger aux dragons un sort injustement cruel. Surtout à la veille des vacances, où je parie que nombre d’entre vous vont, une fois de plus et sous prétexte de passage à la v. 12.0, abandonner leur fidèle compagnon au bord de l’autoroute, sans la moindre laitue à l’horizon (ou bien à 16 euros à la cafèt).

Je vous engage donc, chers amis dragonophiles, à emboîter le pas à Rose-Marie, qui m’a gentiment envoyé la photo de ce charmant spécimen, repéré dans la cathédrale (enfin ex-cathédrale, devenue basilique, nous explique-t-elle) de Saint-Pol-de-Léon. Celle-ci, ajoute Rose-Marie, en abrite « toute une petite armée, occupés notamment à jouer les chaufferettes pour les grands pieds glacés de gisants ».

dragon2 Rose-Marie.jpg
Saint-Pol-de-Léon, ex-cathédrale © Charles Vassallo.
(En fait, je crois que s'il tire la langue, c'est surtout parce qu'il a soif.)

Adressez-moi SVP vos photos de dragons, persécutés ou non, afin de réhabiliter cette noble espèce. Il en va de sa survie sous nos longitudes. Merci !

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En su escudo no campa un aguerrido matador de dragones
(« Sur son blason ne parade aucun tueur de dragons aguerri
», selon ma traduction pas très sûre d'elle, et « Sur ses armoiries, pas de belliqueux tueur de dragons », selon celle de François Maspero, devant qui je m'incline bien humblement). C'est ce qu'écrit Eduardo Mendoza fort à propos et au sujet de la ville de Madrid, dans son dernier livre, Riña de gatos Madrid 1936, éditions Planeta 2010 (Bataille de chats Madrid 1936, éditions du Seuil, 2012), à la page que je viens justement de lire après avoir rédigé le premier jet de ce billet. 

Voilà le genre de petite coïncidence qui survient sans cesse dans ma vie de traductrice et qui fera un jour l’objet d’un billet.

01 juillet 2012

Mots appris (13) - Weltanschauung

L’autre jour, j’écoutais un ancien numéro d’une de mes émissions-chouchous, Tire ta langue, présentée sur France Culture par Antoine Perraud. Pas récent, le numéro, car il datait du 23 novembre 2004. Ce jour-là, l’émission était intitulée Comment sous-titrer les films ?.

Vers la 37e minute, on entend quelques bribes de dialogue des Ailes du désir. Une vraie musique, et pas seulement à cause de l'accompagnement instrumental. Du miel pour les oreilles, même non germanistes. L’animateur interroge alors Estelle Renard, qui fait partie de ses invités, tous traducteurs audiovisuels : 

– Les Ailes du désir nous mènent à cette espèce de langue comme conception du monde… Je crois me souvenir de mes années de lycée qu’il y a un mot allemand pour définir cela, comment dit-on ?…

Estelle répond sans hésiter : « [un truc qui, pour mes oreilles encore emmiellées mais toujours pas germanistes, ressemble vaguement à "Atchoum", mais en plus long.] »

Estelle n’est pour rien au fait que je n’aie pas compris ce mot. Elle l’a fort bien prononcé. Je dois toutefois enquêter auprès de ma Décrasseuse attitrée pour savoir de quoi il s’agit. 

Réponse de ma Décrasseuse attitrée : « C'est la Weltanschauung, un concept effectivement bien connu des germanistes et des freudo-jung-iens, entre autres. :-) » 

Moi : « … » ←Silence éloquent, vous en conviendrez, indépendamment du fait que notre échange se déroule par mél.

Une brève enquête sur Wiki me permet de combler un peu plus une lacune qui a cependant encore de beaux jours devant elle :

« Weltanschauung est un terme allemand désignant la conception du monde de chacun selon sa sensibilité particulière. Il associe "Welt" (monde) et "Anschauung" (vision, opinion, représentation). La Weltanschauung est au départ une vision du monde d'un point de vue métaphysique, notamment dans l'Allemagne romantique ou moderne. » 

Bref, si je replace ma nouvelle acquisition de vocabulaire dans le contexte du sous-titrage, j’en comprends que ça veut dire, dans mon langage à moi : « Sous-titrer, c’est pas fastoche, ça demande un gros boulot d’adaptation culturelle. » Or, souvent, comme l'indique Sylvain Gourgeon, autre participant à l'entretien, on est obligé de rester dans un entre-deux.

Quelqu’un veut-il se dévouer pour broder sur le sujet ce cette vision du monde et de ce qu'elle implique en matière de traduction ? Ici, sous forme d'article que je me ferai un plaisir de publier, ou sur un autre blog, qu’il soit personnel ou associatif ? Ce serait dommage de ne pas approfondir, non ?… La Weltanschauung est dans votre camp ! Danke Schön !

 

Les producteurs de Tire ta langue ont bien voulu exhumer cet ancien numéro pour l’ATAA (Association des traducteurs-adaptateurs audiovisuels), à l’occasion de l'enregistrement d’une nouvelle émission, diffusée, celle-ci, le 17 juin 2012. Cette fois, plusieurs traductrices membres de l'ATAA étaient invitées à s'exprimer sur L’art du sous-titrage et du doublage. Je ne peux vous donner de lien vers celle de 2004***, mais celle de 2012 est .

 

*** Quelques heures plus tard :

Si, en fait, je peux vous le donner, le lien vers l'émission de 2004, comme me le rappellent pertinemment Les Piles dans leur commentaire.

 

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Digression :

Au cours de l'émission de 2004, j'entends avec satisfaction le chroniqueur Philippe Barthelet prononcer correctement (mais après tout, ça devrait aller de soi), le mot « gageure », si souvent écorché par ailleurs à la radio, ce qui m'a récemment inspiré un coup de griffe dans un autre article publié sur ce blog.