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21 juillet 2014

La 55e des 101 Choses

Le WLF Think Tank est une bande de traducteurs + une illustratrice qui ont regroupé, dans un livre intitulé 101 Things a Translator Needs to Know, 101 conseils principalement destinés aux inconscients aventuriers novices qui voudraient se lancer dans la traduction.

Ce comité de réflexion est en cela plus ambitieux que ce modeste blog qui, de temps à autre, extirpe de sa torpeur un Jeune Traducteur Inexpérimenté pour lui jeter en pâture quelques bribes de sa vaste expérience, dans le but charitable de combler ses lacunes et d'en inciter de plus assis mais moins compétents à changer de boulot pour lui faire de la place.

La 55e des 101 Choses qu'un traducteur doit savoir s'intitule Mind the Gap, ledit gap étant celui qui sépare nos diverses cultures (pour les non-anglicistes : gap a souvent le sens d' « écart » ou de « fossé », au propre comme au figuré, et Mind the gap est l'équivalent de notre « Attention à la marche » dans le métro). Cet article du livre est consacré à la ponctuation, qui a effectivement ses règles propres d'une langue et d'un pays à l'autre, histoire de compliquer la vie du traducteur comme s'il n'en bavait pas assez comme ça.

En guise de substitut français à Mind the gap, je ne trouve pour le moment rien de mieux que :

– Le point d'horreur du traducteur

ou

– Traduire des points ?!...

ou

– Un point fait tout

J'avoue au passage que cet article de 101 Things m'a donné l'occasion d'apprendre que des signes comme les guillemets ou les parenthèses font partie de la ponctuation. Sur le moment, j'ai cru avoir découvert un gap, en pensant que punctuation recouvrait peut-être un sens plus large qu'en français ! (« Viens m'apprendre mon taf après ça », marmonne le Jeune Traducteur Inexpérimenté mais prompt au triomphe et fort de son bac +12 en sciences des langues.)

L'article 55 s'achève sur trois phrases qui ne pouvaient que me mettre en joie, pour mieux me plonger ensuite dans des cogitations que l'adjectif « laborieuses » exprime moins bien que l'expression imagée sur laquelle joue la première phrase :

« Punctuation can be a pain in the asterisk.
You can quote us on that.
Just make sure you use the right quotation marks. »

La bande d'auteurs du livre nous autorise à la citer, à condition d'employer les guillemets appropriés. « Citez-nous si vous voulez mais citez-nous à point nommé. », adapterais-je tant bien que mal, car nous avons affaire là à un deuxième jeu de mots. Ou bien, en m'éloignant du sujet pour rappeler notre cher droit d'auteur si souvent passé à la trappe : « Citez-nous si vous voulez mais n'oubliez pas de nous citer. »

Dont acte.

(« Don’t act », prétendrait un correcteur orthographique paramétré pour l’anglais et commettant par là un lourd contresens sur l’objet même de ce livre qui, à l'inverse, incite le lecteur à passer à l'acte traductif, mais en connaissance de cause.) 

Voici, après quelques remue-méninges – vive les trajets en train, propices à ce genre de divertissements ! –, quelques traductions pour la première phrase :

– Sans ponctuation, point de salut. Ni d’interrogation ? Ni d’exclamation ! Ni de suspension…

– La ponctuation est un point d’interrogations multiples.

– La ponctuation : points trop n’en faut.

– La ponctuation ? Allez trouver le point génial...

À vous de relever le défi des auteurs et de vous amuser à trouver d’autres idées de traduction ! Ce qui reviendra – paradoxe – à relever le niveau de mes suggestions tout en en abaissant le niveau de langue (vous me suivez ?) afin qu'il ne soit ni trop grossier, ni trop raffiné, ce à quoi je ne suis pas parvenue.

Bref, à vous d'en avoir bientôt plein l'ast... d'être bientôt tout endoloris de l'astérisque. 

Que le Lecteur qui repérerait dans ce billet une erreur de ponctuation ou autre n'hésite pas à me la signaler !

Sur un sujet proche, ce blog s'est déjà fendu d'un petit billet.

 

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© WLF 101 Publishing 2014


Auteurs : Paul Boothroyd, Carmelo Cancio,Chris Durban, Steve Dyson, Andy Evans, Janet Fraser, Catherine Anne Hiley (illustratrice), Ian Hinchliffe, Inga-Beth Hinchliffe, Hugh Keith, Terence Lewis, Bill Maslen, Terry Oliver, Nick Rosenthal, Ross Schwartz,
Rannheid Sharma, John Smellie, Lois Thomas

Compilé et révisé par Ian Hinchliffe, Terry Oliver, Ros Schwartz 

Marie, mon ciel (25) — Dans un ciel d'énigme

«... et dans un ciel d'énigme de petits nuages qui savent ce qu'ils veulent mais ne nous le diront jamais...»

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René Crevel, Écrits sur l’art (Eugene Mac Cown, peintre ingénu)
Éditions Ombres, 2011, p. 24

15 juillet 2014

Bribes ouïes (16) - Dans le train

Dans le train, pas envie de me plonger dans un livre, pas question de plonger dans un écran d'ordi. Ce côté du miroir me suffit. Mes yeux absorbent tout ce qu'ils peuvent d'un paysage banal seulement si on le veut : blés en partie couchés (par la pluie ?), clocher d'ardoise à la forme curieuse (tiens, il n'y en a pas deux de même style en chemin), bananiers dans des jardins familiaux-ouvriers, noyers, noisetiers, ronces à repérer pour de futures maraudes, drapeaux, dont certains aux couleurs des vainqueurs (de la coupe du monde), nuages plomb dans l'aile qui cherchent un point de chute, torchères de raffinerie illuminant le jour gris, interminable suite de camions-citernes, pas de chevreuil cette fois mais trois petits lapins...

Mes oreilles ne sont pas en reste.

Deux gars discutent, l'un caché à ma vue, l'autre avec tatouage sur le bras et petite chienne. Elle seule aura peut-être senti que la cocker-traductrice assise derrière eux, toujours à l'affût de surprises ou perles langagières, saisit au vol des bribes de la conversation.

Je dresse l'oreille quand j'ai entendu un de mes deux copassagers dire, à propos d'une proche qui avait passé un IRM : « Dès que c'est du langage scientifique, même si elle n'a rien, elle se croit morte ou amputée. » Matière à réflexion pour des kilomètres.

Puis les voilà qui rouspètent parce qu'il faut plus de temps pour rallier notre destination francilienne que pour foncer à Bruxelles d'un trait de Thalys :

— Si on avait eu la voiture...

— C'est pareil.

— C'est pareil mais c'est pas pareil !

 

Comme moi, ils admirent au passage de fascinants monuments de l'industrie agricole :

— Un silola !!

Plus loin :

— Un bossilo !

 

Sans doute alerté par quelque discrète trémulation, l'un des deux répond au téléphone. (Dommage, une coupure l'empêche de poursuivre. Rien à glaner pour ma rubrique Mobiles dires.) Synesthétique en diable, il observe :

— T'as vu, on l'entend pas quand il sonne...

 

Le train, c'est décidément pas pareil.

 

14 juillet 2014

Bribes ouïes (15) - Bribes-enfants

Dans le contexte très particulier de ce blog, « bribe » pourrait souvent être synonyme d'« enfant ».

Triple récolte aujourd'hui :

Une petite fille montre du doigt un vitrail composée de cases en camaïeu de brun clair :

— Des caramels !

 

Un petit garçon peu embarrassé de verbes irréguliers, devant un escalier qui s'enfonce vers de mystérieux sous-sols voûtés :

— C'est interdit de descender !

 

Dans le train, deux loupiots.

Le grand frère :

— À la gare de Lyon, y a des lions.

La petite sœur :

— À la gare de Chien, y a des chiens.

 

10 juillet 2014

Elle voit des traducteurs partout (7) - Sigmund s'y met aussi...

« On oublie souvent que Freud lui-même a été traducteur, il a traduit Charcot. Jamais il ne traduit un mot systématiquement de la même manière. »

« Et Freud traducteur ? Michèle Cornillot en a donné un aperçu très éclairant. Freud a essentiellement traduit un volume des œuvres de Stuart Mill, deux de Charcot et deux de Bernheim. Pour lui, traduire, c'était d'abord interpréter. [...] Freud, par sa traduction extrêmement dynamique et contextuelle, cherche à reproduire sur le lecteur de la langue d'arrivée un effet qui soit le même que celui qui a été obtenu sur le lecteur de la langue de départ. »

C'est dans le n° 45 (été 2013) de TransLittérature, la revue coéditée par l'ATLF et ATLAS, qui consacrait un dossier à Traduire Freud.

 

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Première citation (p. 63) :

Freud, les mots pour le dire
Entretien avec Jean-Pierre Lefebvre
Propos recueillis par Emmanuèle Sandron

Deuxième citation (p. 88)

Petite bibliothèque subjective du traducteur freudologue
Emmanuèle Sandron
(qui est ici aussi et aime à rappeler que Freude, c'est la joie :)

 

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Le principe de cette rubrique est rappelé ici.
Si vous aussi, vous vous complaisez à voir des traducteurs partout,
vous en rencontrerez encore une bande, au cinéma, cette fois.
C'est dans l'article Les Traducteurs au cinéma, signé Graham macLachlan, paru dans le dernier Traduire (p. 63), revue de la SFT récemment évoquée dans cet autre billet.

 

09 juillet 2014

Mots appris (33) - Plein

Ces temps-ci, entre explorations et lectures, j'ai fait le plein de mots nouveaux :

- Salicaire (n. f.)
Jolie plante sauvage à fleurs rose-mauve, un brin envahissante.

- Adventice (adj.)
Adjectif poli servant à traiter la salicaire et autres jolies plantes de mauvaises herbes (notion pas encore bien acquise chez la malherbophile de service).

- Lampas (n. m.)
Belle étoffe de soie caractérisée par un fil de chaîne supplémentaire (je simplifie pour ne pas vous embrouiller).

- Lat (n. m.)
Inconnu au bataillon des dictionnaires, sauf dans le vieux Larousse maternel, mais avec une définition trop sibylline pour moi. J'ai fini par le repérer aussi dans ce lexique : « Une des trames composant la passée. Un tissu est dit à deux lats lorsque deux trames, de fonction différente, participent alternativement à son exécution. »

- Burgau (n. m.)
Nacre issue d'une catégorie de coquillages du même nom.

Amis conservateurs de musées ou commissaires d'expositions, pourquoi, malgré tout le plaisir et l'intérêt qu'on trouve par ailleurs à vous rendre visite, se sent-on si souvent plus ignare en sortant de chez vous qu'en y entrant ?
Un simple panneau dans un coin de salle, avec dix lignes de glossaire définissant les termes les plus techniques employés sur vos cartels, serait-ce trop demander ? Ou faut-il parcourir vos expos le nez collé-dégooglelisant sur un smartphone ?

- Scutigère (n. f.)
La voici ! (Merci, R.-M., pour avoir mis un nom sur la bestiole dont j'implore la grâce à chaque coup de balai.)

2014-06-08 scutigère DSCN7203_2186 (Small) (2).JPG

- Cacosmie (n. f.)
« Propension à halluciner des odeurs ignobles. » C'est dans Oliver Sacks, L'Odeur du si bémol – L'univers des hallucinations, traduit de l'anglais (États-Unis) par Christian Cler, Seuil, 2012 (p. 67).

- Chaussons de lisière
Depuis le temps que je croisais leur chemin aux pieds d'humbles gens dans les romans du XIXe siècle et ne comprenais pas en quoi ils consistaient... Je l'ai enfin appris grâce à l'excellent animateur qui mène la visite de la maison natale de Louis Braille. Avec découverte du braille et d'autres écritures tactiles, assortie d'exercices à la tablette et au poinçon. Passionnant. Merci à lui.

Explication en contexte : en plus des maths et autres disciplines scolaires, les élèves de l'Institut des jeunes aveugles, à l'époque où Louis Braille perdit lui-même la vue, apprenaient un métier : sparterie, vannerie ou imprimerie de livres en relief pour les enfants qui leur succéderaient dans l'établissement. Et aussi, la confection de ces fameux chaussons en bandes de tissu entrecroisées (ces mêmes lisières qui bordent les draps).

- Marmenteaux (adj. et n. m.)
Mon préféré, car il s'agit de beaux et grands arbres qu'on n'a pas le droit de couper. Et ce n'est pas Idéfix qui japerait le contraire.

Alors, le selfie, tu te distords de jalousie (tu en deviendrais presque moins moche) parce que tu es exclu de ce palmarès ? Mais même si j'étais extraterrestre fraîchement débarquée, je n'aurais besoin ni de dico, ni de word of the year, ni de mot de l'année pour savoir qui tu es !

Coïncidence : même genre de petite ruade dans les brancards de la mode terminologique, L'Émeute des mots, billet d'humeur signé Nicole Mordelet. À lire dans le tout nouveau numéro de Traduire, la revue de la SFT, qui a pour thème À la croisée du texte et de l'image.

Mots de travers (13 bis) - Migouël chante le flamenco

L'an dernier, Migouël et son acolyte Yorgué faisaient du vélo.
Bientôt, car le Tour de France 2014 vient de débuter, nos amis commentateurs sportifs nous tiendront en haleine avec leurs nouvelles tribulations par vaux et surtout par monts pentus et épingle-à-chevelus.

Mais ces jours-ci, avant d'enfourcher son fougueux destrier métallique(*), Migouël chantait le flamenco. Nous l'avons appris grâce à notre radio nationale, qui nous annonçait un festival renommé dont elle est partenaire. Ni le directeur artistique, ni le comédien, ni l'équipe qui les entourait pour enregistrer ce communiqué de 30 secondes n'avaient eu l'idée – alors que c'est un peu leur boulot, de même qu'à leur donneur d'ouvrage, la station de radio, et qu'une partie d'entre eux a dû faire espagnol deuxième langue au lycée –, de vérifier que « Miguel » se prononce « Miguel ». Tout comme « bande de guignols » se prononce « bande de guignols » ou que « gueulante » se prononce « gueulante ». Y punto.

 

Le communiqué annonçait le plus grand festival de flamenco en France, auquel participait l'un des plus célèbres cantaores actuels, Miguel Poveda. Il est vrai que des décennies durant et avec leur plus bel accent italien, nos ondes nationales ont vibré au talent de Paco de Loutchilla. Bravo, le service public. Y olé.

 

2014-07-09 Flamenco affiche2014 (Small).jpg

 

L'autrice de ce blog avoue avoir les oreilles
d'autant plus chatouilleuses qu'elle est aficionada.
Cependant, répétons-le, elle n'attend pas des médias audiovisuels
qu'ils dominent toutes les langues de la planète
(c'est parfois beaucoup leur demander
que de commencer par maîtriser la nôtre).
Elle préférerait juste que dans le doute,
ils prononcent les noms étrangers à la française.
En particulier quand cela coïncide peu ou prou
avec la prononciation correcte.

 

(*) Ce misérable blog se complaît aux clichés les plus éculés
au lieu d'appliquer les conseils, pourtant précieux,
dispensés par M. Hédi Kaddour lors des délectables
Après-midi stylistiques de la SFT.
Mais c'est juste dans le vain espoir
de supplanter d'égaler d'imiter les éditoriaux brillamment
affligeants qui lui servent d'anti-cas d'école. 
Le lecteur naïf et bon public l'admettra volontiers
(ennemi de la mauvaise foi, passe ton chemin) :
les expressions toutes faites qui émaillent (forcément)
ces pages sont bien sûr voulues et mériteraient
d'être classées « espèce protégée »
(cf. François Cavanna, Mignonne, allons voir si la rose, Belfond, 1989).

05 juillet 2014

Elle voit des traducteurs partout (6) - Et susceptibles, avec ça.

Une enquêtrice, tentant d'éclaircir les circonstances d'un homicide, demande à un traducteur ce que signifient quelques mots inscrits sur des bouts de papier retrouvés dans la poche de la victime. Entre crochets : analyse de l'implicite par votre servante mais c'est juste pour le plaisir du mauvais esprit.

     Elle repensa aux petits bouts de papier froissés en boule, avec des mots en arabe dont elle aurait bientôt la traduction. Cela ne devait avoir aucune importance, mais elle devait quand même s'en assurer.

     Le traducteur répondit à la troisième sonnerie.
[Occupé à trier ses cocottes en papier, le gratte-papier feint d'être débordé et absorbé par sa tâche d'une extrême importance, d'où son retard à la détente, calculé à la sonnerie près.]

     — Ah ! ça n'a pas été facile à déchiffrer..., prévint-il.
[Il en remet une couche, au cas où on douterait de sa qualification et des textes pointus sur lesquels il travaille. D'une sensibilité exacerbée, il perçoit que son interlocutrice n'est pas convaincue de l'intérêt de la mission qu'elle lui a confiée.]

     — Mais vous avez quand même réussi à comprendre ce qui était écrit ? demanda Frederika, curieuse.

     — Oui, bien sûr, répondit le traducteur, qui sembla presque vexé par la question.
[Et bouffi d'amour-propre, avec ça.]

     Frederika se mordit la lèvre. Zut ! Que de susceptibilités à éviter de froisser...

Suit le décryptage des mentions sur bouts de papier.

Ce collègue qui gagnerait de voir ses mérites plus justement reconnus fait une apparition dans :

La Fille au tatouage
Kristina Ohlsson
Traduit du suédois par Hélène Hervieu
J'ai Lu, 2012 (page 113)

 

01 juillet 2014

Marie, mon ciel ! (24) Ça vaut bien un Magritte

 

2014-06-20 Nuages (Small).JPG    

Il est un pays où les nuages ont la tête en bas et se surmontent volontiers de quelques immeubles pour se donner du relief (ou, comme ils s'amusent d'un rien, pour recueillir les jouets qui tombent des cheminées).

Il faut dire que dans une certaine famille, quand on ne communique pas par nuages de fumée ou par télépathie, on s'envoie des photos en faisant le poirier.

Si l'autrice de la photo écrit sans se douter que les blogorazzi reproduiront ses propos  immodestes : « Ça vaut bien un Magritte », la destinataire, après s'être demandé dans quelle nappe d'huile les nuages pouvaient bien se refléter, abonde forcément dans son sens. Enfin, dans l'autre sens.

     Photo © Nicolle Guyon