22 juin 2013
Elle voit des traducteurs partout (2) - Chez San-A
« Je faisais des traductions pour payer la location de notre résidence secondaire. »
Argh + soupir. Ça faisait longtemps que je n'avais pas croisé ce cher poncif qui associe le métier de traducteur à un boulot accessoire, tout juste bon à arrondir les fins de mois. J'en suis encore à m'demander ce qu'un traducteur peut bien trouver comme job d'appoint, lui, pour se payer son cabanon du week-end.
L'individu qui profère le cliché de service raconte sa vie d'avant le jour où il a plaqué Bobonne, sa vie bourgeoise de prof de philo et ses préoccupations bassement matérielles pour s'installer sous les ponts. Car il s'agit d'un clodo, de l'espèce authentique et à vocation. Il faut dire que ça se passe dans les années 1970.
Ça se passe dans les années 1970 et dans Les Con, de San-Antonio, que j'ai entrepris de re-relire, allez savoir pourquoi – le fameux et récurrent besoin d'identification, sans doute. Il a eu un coup de mou, le San-A, en bas de la page 172... Pourtant, le reste de l'envolée lyrique du sieur clodo vaut son pesant de cacahouètes. Il faut dire que le Boudu vient d'être sauvé des eaux par le Béru. L'un engueule copieusement l'autre pour l'avoir extrait de sa liberté pouilleuse des bords de Seine. Brèfle, si vous connaissez le Gravos, vous l'imaginez (la Seine).
La bande de Con est au singulier dans le titre du polar car il s'agit de gens affublés du même et difficile à porter patronyme. Un mystérieux conicide les dégomme les uns après les autres pour leur apprendre à hériter d'un célèbre et richissime Con mourant, qui a testé en leur faveur. Je vous replace en contexte la phrase qui tue :
« Des années à croire au Système, mes pleutres. A l'estimer irréversible. A gauchifier sur la pointe de l'urne, pour se donner l'impression qu'on va changer quelque chose sans toucher à rien. [...] Ils se déclarent libres, et ils ont des épouses et des monstres ! Ah, les carcans vivants ! Un jour, je leur ai tourné le dos pour toujours. J'étais professeur de philosophie, messieurs les inconsistants. [...] Je rêvais de la Légion d'Honneur. Je croyais qu'il avait existé de grands hommes et qu'il en existait encore. Je croyais que ma femme m'aimait autant que je l'aimais. [...] Je soignais mon foie. Je faisais des traductions pour payer la location de notre résidence secondaire. Je me torchais le cul avec du papier de première qualité, etc. »
On observera que notre phrase qui tue est bien entourée !
Les Con
San-Antonio
Fleuve noir
1973
Pour la route, la pensée du jour.
Elle est elle aussi extraite des Con, qui intercale un polar,
un essai intitulé Con Magazine et quelques encarts
bien sentis sur un sujet universel et inépuisable :
« Le pauvre con croit qu'inspirer la pitié est un privilège. »
21 juin 2013
Mon maçon...
Pourquoi blablater quand deux-trois traits de crayon – et quelques phylactères, tout de même – suffisent à tout dire ?
Mon maçon était illustrateur... Mais bien des auteurs parmi lesquels les traducteurs*** se reconnaîtront dans le bonhomme, qu'ils se soient reconvertis ou non dans la truelle !
Merci à Isabelle R. qui a diffusé ce lien auprès de ses collègues, après l'avoir trouvé dans ActuaLitté. Lequel, dans son article de présentation, rappelle ceci :
« Ce que notre bonhomme ne sait pas, c'est qu'une ordonnance sortira prochainement pour modifier le contrat d'auteur, en vertu de l'accord auteur-éditeur, signé par le SNE et le CPE. Et donc, toutes ses vilaines plaisanteries sur le contrat d'édition et l'exploitation de l'homme par l'homme, n'auront plus de sens. »
Bien entendu, on ne peut que se réjouir à cette perspective et adresser toute sa gratitude à ceux qui ont, au prix de longs efforts, abouti à ce résultat. Cependant, ordonnance ou pas, je connais des maîtres d'œuvre ou d'ouvrage que la plaisanterie fera ricaner encore un moment.
Tant mieux, d'un sens... Car m'est avis que cela nous vaudra encore quelques petits bonshommes-maçons – Merci à leur auteur ! Qu'il garde ses bonnes habitudes, sous forme de chouettes dessins qui éclaireront nos journées, comme ceux de Mox.
*** Oui, lecteur profane passant par là, un traducteur qui traduit une œuvre d'édition ou audiovisuelle est un auteur.
Bref glossaire de maçonnerie :
SNE : Syndicat national de l'édition
CPE : Conseil permanent des écrivains
(front commun des écrivains, auteurs et illustrateurs de l'écrit et du livre)
Cupidité : Manie de vouloir être payé pour son boulot.
J'aurais bien voulu remercier l'auteur du Maçon et lui signaler la publication du billet ci-dessus via son blog, mais ne sais comment faire car ne je n'utilise pas Tumblr. Si quelqu'un sait comment m'extirper de ma crasse (vaste programme) procéder, ça m'intéresse, merci !
09:17 Publié dans À travers mots | Commentaires (4) | Lien permanent
14 juin 2013
Et vous, votre première fois ?
Ce billet inaugure une nouvelle rubrique : « Et vous, votre première fois ? » Il était évident qu'elle devait figurer sur ce blog, mais j'avoue que je n'y avais pas pensé. C'est Dreaming Emma (oui, c'est un pseudo – vous êtes décidément malins) qui m'en a proposé l'idée. Il est vrai que je la tannais depuis un moment pour qu'elle me fasse la grâce d'un de ses écrits, par exemple pour Hommes et femmes du monde, autre rubrique de ce blog.
L'idée d'Emma est de raconter ici sa première traduction. Je suggère qu'on élargisse le champ aux premières interprétations ! En attendant vos histoires à vous, voici celle qu'Emma m'a confiée :
Merci mille fois à Emma, dont l'histoire des lettres d'amour restera ici en villégiature en attendant qu'elle crée son propre blog. Bien entendu, elle n'est pour rien dans le titre racoleur de cette rubrique.
Difficile de passer derrière ce joli texte, n'est-ce pas ? Ne vous laissez pas intimider ! À vos souris et à vos souvenirs !
22:12 Publié dans À travers mots, Je traduis, tu traduis... | Commentaires (2) | Lien permanent
07 juin 2013
Mots appris (28) - Échine et Cristobalita
Ces jours-ci, j'ai appris plusieurs mots, dont deux que j'ai gardés au frais pour vous.
L'un d'eux, c'est « échine ». Pas dans le sens de « haricot sur lequel d'aucuns me courent, à l'occasion ». Celui-là, je connaissais déjà et tous ceux qui parmi vous ont des voisins, des collègues ou des clients, bref, des congénères, le connaissaient sans doute aussi. Non, l'échine que j'ai rencontrée, c'est une « moulure saillante placée sous l'abaque du chapiteau dorique », selon le Robert, l'abaque étant « la partie supérieure du chapiteau, en forme de tablette ». L'échine, c'est aussi « l'ove du chapiteau ionique ». Ça vous en bouche un temple grec, hein ? Eh oui, rien que dans un chapiteau, qui n'est jamais qu'un bout de colonne, il y a un tas incroyable de terminologie : corbeille, couronnement, tailloir, etc.
Quant à « cristobalita », je suis tombée dessus en ouvrant le María Moliner (dictionnaire unilingue espagnol). Je vous traduis la définition : « quartz présent dans la montagne de San Cristóbal de Pachuca, Mexique. » C'est mignon comme nom, n'est-ce pas ? En français, c'est de la cristobalite. Ce mot ne pouvait qu'éclater une groupie de l'inénarrable tonton Cristobal, qui n'avait pas, il faut croire, que des pesosss et des lingosss placés à l'ombre (« placés à l'ombre », parce que sur ce blog décent, je ne peux guère écrire qu'il en avait l'cul cousu, comme dans la chanson, d'où cette astucieuse métaphore, dont on observera qu'elle revient au même).
Et puis, ces jours-ci encore, je me suis aperçue que le verbe « clore » n'avait pas de passé simple ! Ni d'imparfait ! Et comment je fais, moi ?! Il me les faut ! Merci à ceux qui me les fabriqueront.
00:45 Publié dans À travers mots, La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (0) | Lien permanent
03 juin 2013
Amûr libre (suite)
Amis touristes et/ou amoureux mal inspirés, que vous encadenassiez nos ponts avec des succédanés de ceintures de chasteté, c'est déjà un peu contrariant. Tant que ça reste dans les quartiers d'où vous ne sortez guère, admettons (bien obligés).
Mais que vous grimpiez à l'assaut de nos collines populaires pour les truffer de votre ferraille, au point de nous bousiller la vue, là, non, ça ne va plus.
En plus, depuis que j'ai pris les photos – c'était avant le Grand Déluge –, elle/il vous a probablement plaqué(e). Alors, c'était bien la peine de nous envahir avec vos symboles à trois balles...
Libérons - le - Sacré-Cœur !
22:45 Publié dans Coups de griffe, Marie, mon ciel !, Vadrouilles intra-Périf | Commentaires (0) | Lien permanent