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11 octobre 2013

Mots de travers (6) « Gajeure »

Je fais remonter ce billet publié l'an dernier, car il est toujours d'actualité : la radio de service public française persiste à m'infliger des aigreurs d'oreille, cette fois lors d'un direct diffusé ce matin de chez nos voisins belges.

À propos des mots repoussoirs (« Bruxelles » produirait cet effet sur certains esprits), le chroniqueur cite Brassens évoquant un autre mot – que je vous laisse deviner ou vous remémorer –, dans Le Blason :

Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure
Dota du même terme en son fiel venimeux,
Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure

Cet utile rappel de la chanson a le mérite supplémentaire de souligner la rime entre « gageure » et « injure ». L'ennui est que notre chroniqueur prononce « gageure » avec le son « eu » au lieu de « u », fichant la rime en l'air...

Ami belges, n'hésitez pas à nous apprendre le français, surtout quand nous allons l'écorcher chez vous.

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Revoici le billet du 3 juin 2012

Quand j'entends l'animatrice d'une de mes émissions de radio préférées prononcer trois fois de suite gajeure (donc pas d'erreur de distraction possible) le mot « gageure », alors qu'il se prononce gajure comme chacun pourrait le savoir, ça m'énerve. Idem quand c'est une traductrice qui en fait autant devant tout un parterre de collègues. Ça m'énerve et ça me chagrine, même si cette prononciation figure dans le dictionnaire, quoique avec la mention « critiqué ».

Sans doute parce que je me souviens d'avoir appris au CP que
« gageure » s'écrit
« gageure » et se prononce « gageure ».
Parce qu
'un g suivi d'un e, puis de a/o/u, se prononce j.
Les gens de mon entourage qui ont le certif, ou même pas, ne sont pas des professionnels de la langue écrite ou orale. Mais ils ne feraient pas cette erreur.

Comment ça, ça vous énerve qu'on s'énerve pour des trucs aussi insignifiants ?
Comment ça, « Et ta sure, elle bat l' burre ? » ?
Bande d'insolents.

08 octobre 2013

Elle voit des traducteurs partout (3) - Chez Fiodor D.

Détrompez-vous, malheureux Lecteurs qui n'auriez pas encore découvert cette rubrique, dont le titre aurait pu être aussi « J'en tiens un ! ». Elle n'apporte rien de nouveau. L'idée de publier des articles sur des œuvres où interviennent des traducteurs ou interprètes a déjà été mise à profit depuis longtemps en d'autres lieux.

Ainsi, sur leur terrain de chasse favori, l'audiovisuel, les Piles intermédiaires traquent les apparitions ou évocations de traducteurs au cinéma et en capturent les images – avec sous-titres souvent pas piqués des vers – dans leur rubrique ImpÉcr, quand elles ne consacrent pas leurs billets, entre autres multiples thèmes, aux passages de romans qui parlent du cinéma. 

Ailleurs, vous trouverez des livres à traducteurs, par exemple dans les sources suivantes :

- le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'ESIT, accessible en ligne pour ses adhérents (les autres peuvent le voler à leurs collègues à la faveur d'un des apéros de l'AAE, ouverts à tous). C'est en toute logique à la Rubrique littéraire, tenue par Sylvie Escat.

- la page Biblio du traducteur, sur le site de l'ATLF, qui indique des références de romans à héros (un grand mot, sauf exception) traducteurs, parmi d'autres ouvrages tels qu'essais ou guides d'aide à la traduction.

Nonobstant ces illustres précédents, ce blog a entrepris de repérer, au hasard de ses lectures ou traînailleries d'oreilles, de fugaces et pas toujours flatteuses apparitions de spécimens traducteurs ou improvisés tels, en général pour cause de tirage de diable par la queue.

Cette fois, vous aurez droit à deux extraits pour le prix d'un ! En fait, deux traductions d'un même passage des Frères Karamazov, de Fiodor Dostoïevski.

Ivan Fiodorovitch, étudiant à Moscou, vend des articles à des journaux.

« De la sorte, le jeune reporter montra sa supériorité pratique et intellectuelle sur les nombreux étudiants des deux sexes, toujours nécessiteux, qui, tant à Pétersbourg qu’à Moscou, assiègent du matin au soir les bureaux des journaux et des périodiques, n’imaginant rien de mieux que de réitérer leur éternelle demande de copie et de traduction du français. »

Traduction de Lucie Désormonts, Sylvie Luneau, Henri Mongault et Boris de Schlœzer
La Pléiade (Gallimard), 1952, p. 14

« Ces petits articles, à ce qu'on dit, avaient toujours un côté si curieux et piquant qu'ils eurent du succès et, déjà rien qu'en cela, le jeune homme avait montré sa supériorité pratique et intellectuelle sur cette masse immense, toujours miséreuse et malheureuse, de notre jeunesse étudiante des deux sexes qui, dans les capitales, généralement, fait le siège des rédactions du matin jusqu'au soir sans avoir rien de mieux à inventer que la répétition éternelle de la même demande de traduction du français ou de copie à faire. »

Traduction d'André Markowicz
Babel (Actes Sud), 2002, p. 34

Au fait, le même André Markowicz sera demain mercredi 9 octobre avec Françoise Morvan à la SGDL (Société des gens de lettres) pour une rencontre : Traduire à quatre mains.

Comment ça, « Tu nous en informes trop tard ! » ?
À
l'heure où je mets ce billet en ligne, l'évènement n'est même pas passé !
Vous avez tout le temps de vous retourner et même de lire dans l'intervalle le nouveau numéro de L'Écran traduit.

05 octobre 2013

Jouons z'un peu à déplorer

« La Scam déplore qu’aucune proposition concrète ne soit formulée concernant le droit d’auteur dans le secteur du jeux vidéo. »

Ah oui, il serait temps qu'elle déplore. Perso, ça doit faire une petite dizaine d'années que j'ai tenté de le déplorer auprès de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) et que je me suis fait proprement rembarrer, me sentant sur le moment une incarnation du hors-sujet, voire l'allégorie de la question incongrue. Je constate avec plaisir que depuis lors, la Scam a revu sa position :

« Le monde du jeu vidéo est un imaginaire,
sa valeur ajoutée est bien le fruit de la création
d’une conjonction de talents. »

La suite dans le communiqué de la Scam concernant le rapport des sénateurs Gattolin et Retailleau sur le jeu vidéo et le droit d'auteur. À lire aussi, le rapport des deux sénateurs. Tenez, un petit extrait :

Le positionnement délicat du jeu vidéo à la frontière entre industrie et culture s’explique par la nature intrinsèquement duale du produit. D’ailleurs, pour les instituts de recherche, les jeux vidéo sont des « logiciels de loisirs » ou « loisirs interactifs », tandis que le grand public parle de « jeux vidéo ».
Pour Erwan Cario, auditionné par le groupe de travail, si le jeu vidéo est issu de l’imagination et du travail de ses auteurs, il est aussi le résultat d’une conception très encadrée. Le jeu vidéo serait donc un secteur créatif sous contraintes : contrainte technologique bien-sûr (puissance de calcul, possibilités graphiques du support choisi), mais également contrainte d’interface (moyens pour interagir avec l’univers créé) et contrainte économique et commerciale (nécessité d’être édité et distribué pour être
vendu).
Cette analyse est partagée par Philippe Chantepie, dans son étude précitée, qui estime que « dans sa conception même, le jeu vidéo entretient un rapport originel aux technologies et à l’interactivité ». La particularité de la création vidéo-ludique dans son lien entre le jeu et son interactivité a pour conséquence de rendre le jeu vidéo intrinsèquement différent des formes d’art connues jusqu’alors.
Cette originalité du jeu vidéo a été reconnue par la jurisprudence après plusieurs décisions contradictoires quant à la définition à donner à ce produit (logiciel, œuvre audiovisuelle, base de données, etc.). Dans son arrêt Cryo du 25 juin 2009, la Cour de cassation a considéré que le jeu vidéo « est une oeuvre complexe, qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci » et a reconnu, à cette occasion, la dimension graphique, narrative et musicale – c’est-à-dire artistique – du produit.

On observera que, quand bien même un jeu vidéo ne consisterait qu'en une suite de 0 et de 1 (pas remarqué, pour ma part, quand je traduisais les dialogues d'Indiana Jones ou autres) et ne contiendrait pas la moindre trace d'imaginaire et de fiction, il relèverait du droit d'auteur, comme l'indique cette notice de l'Agessa relative aux auteurs d'œuvres multimédia.

Citons l'Agessa :

Se retrouvent sous cette qualification : les jeux vidéo en ligne, les pages de présentation et d’accueil de sites internet, les CD-Rom (ludo-éducatifs, jeux vidéo), les blogs (journal ou bloc-note personnel communiqué au public par le biais de l’internet) réalisés dans le cadre d’un contrat d’édition.

et

L’œuvre multimédia ne figure pas au nombre des catégories des œuvres énumérées à l’article L 112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle mais a été reconnue par les tribunaux comme œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur.

Alors, qu'est-ce qu'on attend pour placer les éditeurs de jeux à même enseigne que les éditeurs de livres et les sociétés audiovisuelles ? Remarquez, je m'en fiche, car ça fait plusieurs années que je ne travaille plus pour eux pour cause de dégringolade des rémunérations. N'empêche, vu les chiffres d'affaires du secteur, j'aurais bien aimé palper quelques droits sur les ventes passées, moi, puisqu'il est un peu tard pour bénéficier aussi de futilités telles qu'un contrat en bonne et due forme et la mention du nom de l'auteur.

Comment ça : « Allons bon, faut-il comprendre de tout cela qu'on peut être payé pour jouer ? » Bah voui, pardi, et pour traduire des jeux, aussi.

 

La Scam n'en reste pas moins mon amie :)

01 octobre 2013

Bribes ouïes (11)

Je déambule tranquillement dans le quartier, mains dans les poches. Les matins sont frisquets, ces temps-ci.

C'est alors que j'entends un type dire :

 

« Les mains dans les poches, c'est moche. »

 

...

 

Il s'adresse non pas à moi mais à quelqu'un du même genre (féminin, avec pantalon à poches déformées), en beaucoup plus petit.

La loupiote n'en a cure.

Y va pas nous empêcher de siffloter dans la rue, tant qu'il y est ?