20 juin 2012
Conseils à un jeune traducteur inexpérimenté (2) - Éviter les "lu, écrit, parlé" dans son CV
Jeune Papoose, Brave Padawan, Petit Scarabée,
Jeune Collègue inexpérimenté,
Dans ton CV, en face des langues que tu es censé traduire, n'écris pas
« Lu, écrit, parlé ».
Tu vois un mécano automobile, un toubib ou une avocate indiquer sur leur CV (si tant est qu'ils en aient un - et pas mal de traducteurs ou d'interprètes contestent la nécessité d'en produire un eux-mêmes)
« Fortiche en dépannage de bagnoles », « Excellent niveau en médecine » ou « Connais le droit sur le bout des doigts » ?
Ne mets pas les doigts dans la prise électrique, non plus.
20:54 Publié dans Conseils à un jeune traducteur inexpérimenté | Commentaires (0) | Lien permanent
09 juin 2012
Mots de travers (7) - Événement
Je m’apprête à rendre la traduction d’un livre. Comme souvent, un certain mot y apparaît à plusieurs reprises, car il est d'emploi très courant. Je sais que le correcteur va en rectifier l’orthographe. Je laisserai faire sans pinailler, car de deux choses l’une. Soit le correcteur fait partie de ceux qui m’apprennent beaucoup à chaque révision d’ouvrage, ce dont je lui suis infiniment reconnaissante, et je préfère discuter avec lui de points plus délicats. Soit il est de ces massacreurs-de-boulot-des-autres, comme il en sévit beaucoup trop parmi les professions qui interviennent après nous, les traducteurs, et j’aurai déjà fort à faire pour lui enseigner les rudiments de la langue française, si sa conception de son métier consiste à ajouter des fôtes là où il n’y en a pas. (Oui, Lecteur profane, certains correcteurs sont une des bêtes noires des traducteurs.)
Il n’empêche… Bien que sachant qu’un correcteur humain ou plus probablement automatique (mais pas pour autant au fait de l’orthographe telle qu’admise dans le dictionnaire) va passer derrière moi et modifier la situation, ou peut-être justement parce que je le sais, je persiste à écrire le mot en question tel qu’il se prononce et tel qu’il figure dans le dictionnaire.
Je sais bien que le français ne s'écrit pas forcément comme il se prononce, loin de là. Et que si on tentait de l'écrire comme il se prononce, on seré caréman ankikiné é dan de bô dra pour pa dir un tantiné dan le kk (ce qui n'a pas l'air de déranger les scripteurs de SMS, mais c'est une autre histoire).
Par ailleurs, loin de moi l’idée de râler parce que d’autres trouvent un charme, une poésie à écrire ce mot à l’autre manière admise par le dictionnaire. Ils en ont bien le droit. J’aimerais juste (parce que j’ai la flemme d’enquêter par moi-même) qu’ils me disent s’il y a une raison historique ou autre, justifiant cette orthographe qu’ils chérissent, à l’exclusion de celle qui a ma préférence. Je serais même ravie qu’ils éclairent ma lanterne, quitte à me faire changer d'avis s'ils ont des arguments assez séduisants à m'offrir. À moins qu’il n’y ait qu’un méchant élitisme* pour expliquer ce choix, cet élitisme qui vous convainc que vous êtes du bon bord, que vous faites partie de la coterie de ceux qui savent, par rapport à l'infâme plèbe inculte ? Et que vous ayez trop peur qu’à l’écrire tel qu’on l’entend, vous passiez vous-même pour un béotien aux yeux des pisse-froid qui n’ont que trois mots de vocabulaire et trois règles d’orthographe pour croire connaître (et aimer ?) le français, et qui trouvent leur valeur dans la supposée ignorance des autres ?
Je suis sûre que parmi les tenants de l'orthographe prisée de cette élite, beaucoup n'ont seulement jamais eu l'idée de regarder comment ce mot s'écrivait dans le dico. Ben oui, on (des profs ?) leur a dit que ça s'écrivait comme ça, alors forcément, ça s'écrit comme ça.
Quoiqu’il en soit, votre « événement », moi, je n’arrive pas à l’écrire et encore moins à le prononcer, pas plus que les « hormônes » des scientifiques.
Alors, puisque ici, je suis chez moi, dans MON blog, où aucun censeur ne viendra trafiquer mon choix – choix tout ce qui est de plus conforme au dictionnaire, rappelons-le –, eh bien, j’en profite et m'en donne à cœur joie :
évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement évènement
Nananéééééééééééreu. Euh... non, décidément imprononçable.
Nanèèèèèèèèèèèèèèèèreu !!
Ah, on se sent mieux, après ça.
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* Digression :
Vous avez remarqué que les tenants de l'élitisme se placent toujours, quoique de manière non avouée, parmi l'élite ? Pourtant, en cas d'avènement (mais non, je ne l'ai pas fait exprès) de leur idéal, qui dit qu'ils y seraient admis, parmi l'élite ?
22:49 Publié dans Coups de griffe, La chronique de Vocale Hubert, Mots de travers | Commentaires (3) | Lien permanent
07 juin 2012
Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (9) Pour une poignée de caouètes ?
Reçu à l'instant un gentil message d'une agence de traduction située dans l'Union européenne. Depuis des années, elle me relance, comme elle relance de nombreux autres traducteurs, je présume. Notamment pour m'inclure, comme eux, dans ses dossiers de candidature à appels d'offres. L'ennui est que, malgré mes demandes répétées, il n'y a jamais moyen de savoir pour quel tarif elle voudrait travailler avec moi.
Enfin, jusqu'à ce matin. Elle vient de m'écrire pour la nième fois, en me proposant un nième test. Et vlatipa que le test serait (grassement ?) rémunéré !
Un extrait de son message (en noir) et ma réponse immédiate (en bleu, ça va de soi), imbriqués l'un dans l'autre selon mon habitude :
Dear XXX,
adapting your rate to 0.075 Euro/word?
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Pour les non-anglophones ou non-anglicistes :
la dame me propose d'« adapter » mon tarif car selon ses termes,
il est « légèrement » au-dessus de leur prix habituel – tu m'étonnes.
Je refuse en l'aiguillant vers No Peanuts For Translators.
Voili-voilà.
1. J'aime pas les demi-centimes, c'est vulgaire.
2. En fait, j'adore les caouètes. Mais à tel point que ma conso exige une rémunération correcte.
11:17 Publié dans À travers mots, Coups de griffe, Je traduis, tu traduis... | Commentaires (2) | Lien permanent
03 juin 2012
Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (8) Ou ils font autre chose...
C'est beau, le monde virtuel des forums, on s'y fait des amis (enfin pas forcément que des amis, mais bon). Qu'on ne rencontre parfois de visu qu'après des années de correspondance tout aussi virtuelle.
J'aime bien ces relations épistolaires modernes. On connaît ses collègues-amis bien mieux que si on était avec eux dans un bureau toute la journée et seulement sous leur meilleur jour (et – hem – vice versa, surtout). Car on ne se prend jamais de bec*** sous prétexte que l'un a piqué son agrafeuse à l'autre...
Quand ils ne traduisent pas, certains s'adonnent à de curieuses occupations. Écrire, par exemple. Et, par exemple encore, écrire de petits textes qui passent à la radio !
Alors, ça me fait plaisir de vous aiguiller vers ce poème-musique de Nathalie, diffusé sur France Musique dans l'émission de Véronique Sauger, Contes du jour et de la nuit.
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*** Digression :
Les dicos, contrariants et ligués contre la logique,
m'interdisent d'écrire « prise de becs » au pluriel.
Contrariants, je vous dis.
28 mai 2012
Mots (dés)appris (10) - Pied
Longtemps, j'ai cru qu'un vers se composait de pieds.
Or L'Autre Jour, à moins que ce fût l'an dernier,
Entre mille autres choses, les ondes m'apprenaient
Qu'on ne trouve point de pieds dans un vers français,
Mais des syllabes, ce qui me laissa oreilles bées.
« C'est un truc de vieux prof », en substance, qu'elle disait
La radio, à propos de ce qu'on m'inculquait
Si je me souviens bien, à l'école, en effet.
Chez les Grecs, les Latins, le pied, volontiers
Allait se faire voir et même versifier
Mais dans l'alexandrin, faudrait pas y compter.
Sur le pied, la syllabe prend le pas − prend son pied ?
L'Autre Jour décline toute responsabilité quant aux vers de mirliton pondus ci-dessus. C'était le quart d'heure du Poète-Poète, qui ferait bien d'aller versifier ailleurs, maintenant qu'on lui a laissé sa fenêtre d'expression.
Cela dit, toute information complémentaire à son verbiage à propos des pieds et des syllabes piqués aux vers sera la bienvenue, y compris sous forme de rimailleries.
18:46 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris, Mots de travers | Commentaires (0) | Lien permanent
27 mai 2012
Le traducteur traduit (5) - « Commanditaire »
Une frange de la profession emploie le mot « commanditaire » pour désigner la personne que les autres traducteurs appellent « donneur d’ordre » ou – mieux, à mon goût ! – « donneur d’ouvrage » (ou encore « client », surtout chez ceux qui exercent en libéral plutôt que sous le statut d’auteur).
Intrigant, non ? Je parie que ce commanditaire vous rend aussi perplexes que moi, sauf si vous faites partie de la frange en question.
Consultons le dictionnaire (j’ajouterai l'ami Robert quand je l’aurai de nouveau sous la main – pour le moment, il est en villégiature). Le Littré dit : « Bailleur de fonds dans une société en commandite. » Rien à voir avec notre homme/notre femme, donc. Le Larousse donne une définition semblable, en précisant qu’il s’agit de vocabulaire juridique : « Associé d’une société en commandite qui apporte des fonds ». Il indique aussi cet autre sens : « Personne qui commandite. » Hop, direction l’entrée « Commanditer » : « Organiser, financer un crime, un délit. »
Aaaaaaah ! Je savais bien que ça vous ferait tiquer et que le mot « commanditaire » vous évoquerait d’emblée, à vous aussi, la rubrique « Faits divers » des journaux ou certains films noirs, pourtant rarement consacrés à cette activité mafieuse aussi souterraine que nuisible qu’est la traduction.
Un troisième et intéressant sens de « commanditaire » figure dans le dico : « Recommandation officielle pour “sponsor”. » Et, à l'entrée « commanditer » : « Recommandation officielle pour “sponsoriser”. » Dans ce cas, mais seulement dans celui-là, je veux bien me faire commanditer, moi. Parce que, c’est bien connu, le crime la traduction ne paie pas.
Les collègues ou autres connaisseurs de passage ici voudront peut-être nous expliquer comment « commanditaire » a pu prendre le sens de « généreuse entreprise donnant gentiment du boulot aux travailleurs indépendants ». Je n’ai moi-même pas trouvé cette acception dans les dictionnaires juridiques que j'ai consultés, ni dans la base terminologique IATE de l'Union européenne, ni dans mes contrats avec mes... euh... copains qui me font vivre. Juste ceci, dans une ébauche d'article de Wiki, faisant un peu l'amalgame entre les trois sens indiqués ci-dessus : « Entité demandant une prestation à une autre entité, moyennant rémunération. »
19:01 Publié dans Le traducteur traduit, Mots de travers | Commentaires (2) | Lien permanent