15 octobre 2012
« Ça n’est pas pour me vanter… »
... Enfin si, un peu, quand même, car votre servante a eu son quart de seconde de célébrité : on l'a citée à la TSF. Il n'est pas si fréquent qu'un traducteur – autre qu'un écrivain célèbre cumulant les deux casquettes – soit nommé sur les ondes. Pourtant, je n'ai signé la version française des oeuvres d'aucun lauréat du prix Nobel de littérature, et quand bien même... Non, j'ai juste pratiqué mon activité favorite joué.
Contexte :
- Scène I - Un présentateur télé pose une question d'une pertinence contestable à l'acteur américain Tommy Lee Jones. L'interviewé l'envoie proprement balader, en lui rétorquant : « I'm not gonna dignify this question by answering it. »
- Scène II - Dans sa chronique matutinale sur France Culture, Philippe Meyer lance un petit concours à l'intention des traducteurs : comment auraient-ils traduit la réponse de Tommy Lee Jones ? Auraient-ils trouvé aussi concis et cinglant en français ? Le verbe to dignify, en particulier, le titille.
- Scène III - Dans sa chronique toujours aussi matutinale du lendemain, Philippe Meyer cite quelques-unes des nombreuses propositions de traduction qu'il a reçues. Parmi les versions d'autres auditeurs figure mon humble suggestion : « Cette question mérite que l'on passe à la suivante. »
Le but du jeu était-il de rendre un mot à mot ? Non, évidemment. Philippe Meyer parle anglais et pouvait très bien vérifier dignify dans le dictionnaire, pour traduire de lui-même par ceci : « Répondre à cette question serait lui faire trop d'honneur. »
Par ailleurs, je suis infichue, moi, de traduire un mot – en l’occurrence dignify – par un autre. Sans quoi, il y a beau temps qu’on m'aurait remplacée par un logiciel de traduction automatique, beaucoup moins exigeant sur le plan alimentaire et beaucoup moins teigneux. Ce que je traduis, ce sont des idées, du sens et un ton, en fonction du locuteur et du public ciblé. Et en plus, là, il s'agissait de jouer ! Pour le divertissement des auditeurs ! Pas de leur livrer une trad aseptisée. Vous pensez bien que j'allais me lâcher.
Me lâcher... Pas tant que ça. J'ai l'impression d'avoir été fidèle à Tommy (Lee Jones) moi, malgré un apparent éloignement de la phrase d’origine. Je ne suis pas assez familière avec lui pour lui demander ce qu'il aurait dit s'il avait parlé français. Mais je peux supposer qu'il aurait peut-être dit quelque chose comme ça. Rien ne me le prouve, bien entendu.
On objectera que ma proposition est fidèle si on veut, car il n'y a pas eu de question suivante, Tommy Lee Jones, most dignified, ayant quitté le plateau.
Enfin, une précision qui me paraît importante. Là, on jouait au traducteur. On se vautrait dans le luxe, car on avait tout le temps de la réflexion et, en plus, le droit de se planter. On n'était pas dans la situation réelle de l'interprète. Lui, il a beau avoir préparé son intervention et être doté de nerfs d'acier, il ne peut envisager toutes les surprises et doit trouver sur-le-champ non pas quelque chose comme ça, mais quelque chose qui colle vraiment. Et que les auditeurs parlant vaguement l'anglais ne pourront qualifier de trahison par rapport à la version originale, qu'ils entendent. Ni, du moins, rater la suite du propos parce qu’ils auront réfléchi à l’adéquation de la traduction. (Le même genre de contraintes qu'en sous-titrage.)
Nos professions respectives se valent, elles ont chacune leurs difficultés et je ne mets pas l'une sur un piédestal par rapport à l'autre, contrairement à certains traducteurs atteints de complexe d’infériorité. Mais elles sont différentes et il convenait de rendre justice et hommage aux cousins.
Ça n'était donc pas seulement pour me vanter que j’ai publié cet article, mais aussi pour saisir une occasion de mieux faire connaître nos métiers aux auditeurs sachant auditer, et qui passeraient dans le coin.
L'occasion aussi de lancer un coup de griffe très indirect à un présentateur télé, qui eut naguère le mauvais goût de faire l'apologie des fansubbers. Je sais, c'est petitement revanchard de ma part.
Merci, Monsieur Meyer, d'avoir une fois de plus mis la traduction pas trop automatique en valeur dans l'une de vos chroniques.
Et merci aux collègues Nelly A.-D., Marie-Christine G.-C. et Jeremy O., car sans eux, je n'aurais peut-être pas eu connaissance de la première chronique, pas forcément trouvé l'extrait de l'émission télé et sûrement pas allumé le poste aux aurores pour guetter la seconde chronique et les soluces !
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Liens vers les sources citées :
Canal+, Grand Journal :
http://www.youtube.com/watch?v=0x5FE2pM8zw
France Culture, chroniques de Philippe Meyer, 10 et 11 octobre 2012 :
http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-10
http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2012-10-12
13 octobre 2012
Marie, mon ciel ! (16)
L'autre jour, j'ai publié sur L'Autre Jour cette photo, sans commentaire.
Depuis, par un genre de sérendipité – jolie importation nouvellement entrée dans le Robert, paraît-il - j'ai trouvé sans le chercher un texte pour l'illustrer. Car oui, dans ce blog, un texte peut illustrer une image, plutôt que l'inverse.
C'était dans une expo sur l'image d'August Strindberg, à l'Institut suédois de Paris. S'il y a des amateurs, dépêchez-vous, car elle se termine demain (je suis brave, pour une fois je vous en parle avant la fin).
Ce texte de Strindberg accompagnait une photo, également de lui, intitulée Étude de nuage :
« Hier soir le soleil s'est couché derrière les bancs de nuages,
mais sans en être caché, idem pour la nouvelle lune.
Peut-être les nuages ne se laisseront-ils pas photographier
comme des mirages ? Dans ce cas, ne seraient-ils plus des nuages,
mais des phénomènes [Erscheinungen], des réflexions dans l'éther ? »
Un panneau explicatif indiquait :
« Strindberg s'intéressa particulièrement à la photographie des nuages, dont il croyait reconnaître à Stockholm des formations qu'il avait observées en Suisse ou en Autriche. Peut-être était-ce des "mirages", des "phénomènes". »
Je n'ai pris ma photo ni en Suède, ni en Suisse, ni en Autriche. Mais c'était peut-être une formation observée par Strindberg ?...
21:45 Publié dans Expos, Marie, mon ciel ! | Commentaires (0) | Lien permanent
Journée-type
Client de passage en ces lieux – par accident, forcément –, ne lis pas
ce qui suit.
Ennemi des cucuteries animalières, éloigne-toi aussi.
Journée-type
8h45
Donner des croquettes à Poilu n° 1 au rez-de-chaussée.
8h45 et 15 secondes
Donner des croquettes à Poilu n° 1 (animal de l'espèce Felix velox catus) au rez-de-jardin.
9h00
Jouer avec Poilu n° 5
9h02
Allumer l’ordi
9h04
Jouer avec Poilu n° 5
9h06
Lire mes mails
9h08
Jouer avec Poilu n° 5
9h10
Répondre à mes mails
9h20
Jouer avec Poilu n° 5
9h30
Survoler les messages des collègues sur un certain nombre de forums de traducteurs.
9h40
Répondre aux messages des collègues sur un certain nombre de forums de traducteurs.
10h00
Guetter l’apparition dans ses arbres d’Écureuil de 10 heures.
10h15
Jouer avec Poilu n° 5
10h30-11h15
Après avoir lestement franchi Poilu n° 3 posté sur le paillasson, aller chercher le pain à quelques centaines de mètres. Saluer quelques humains au passage, bref, perdre un temps fou.
11h30
Entreprendre d’accomplir quelques tâches administratives. Y renoncer, ne disposant que des touches A, Q, W, £, % et §, car un des Poilus occupe le reste du clavier.
12h00
Tenter de convaincre Poilu n° 2 de revenir à la maison, malgré les avanies de Poilus n° 1, 4 et 5.
13h30
Lire le journal autour d’un des Poilus, vautré dessus.
14h00
Constater que depuis plusieurs jours déjà, Chiroptère Seul et Unique n’est pas suspendu à son plafond de parpaings. Établir un lien logique entre son absence et l’avancée actuelle des travaux du pont, précédemment évoqués ici.
14h15
Jouer avec Poilu n° 5
14h30
Échouer une fois de plus à dénombrer Gueurnouilles indénombrables, la vase environnante prenant un malin plaisir à imiter la couleur de leur robe et Gueurnouilles elles-mêmes prenant un malin plaisir à bondir dans le Riou dès que j’arrive.
14h45-16h00
Traduire un nombre impressionnant de feuillets avec une efficacité et un talent remarquables.
16h30
Ne pas jouer avec Poilu n° 5 (il somnole)
17h00
Observer Serpent Non Identifié n° 1 essayant en vain de sauter sur le mur. Farfouiller dans les dictionnaires et sur Internet pour tenter d’identifier Serpent Non Identifié n° 1. En vain également.
17h30
Jouer avec Poilu n° 5
18h00
Intervenir dans une baston entre Poilu n° 4 et son petit (Poilu n° 5).
20h00
Maudire Écureuil de 10 heures, qui goûte chaque prune et chaque noisette, puis laisse le reste.
20h30
Maudire l’essuyage de vaisselle, occupation inutile et anti-productive. Envisager de le supprimer de la journée-type.
21h00
Parlementer avec Poilu n° 1, assis sur la ligne blanche, pour qu’il daigne rejoindre un des deux côtés de la route. Arguer que les automobilistes ne sont pas toujours aussi catophiles que ceux des quatre ou cinq bagnoles qui viennent de ralentir par crainte de l’écraser.
21h30
Explorer les amusantes possibilités les logiciels de retouche d'image.
22h00
Jouer avec Poilu n° 5
3h00
Jouer avec Poilu n° 5
5h00
Ouvrir la porte à Poilu n° 4
5H01
Intervenir dans une nouvelle baston entre Poilu n° 4 et son Petit (Poilu n° 5)
Client qui as lu ce qui précède malgré ma mise en garde, sache que cette journée-type est une journée-type de la catégorie « exceptionnelle », alias « semi-vacances », si tu préfères.
00:05 Publié dans Chats, Volem rien foutre al païs (c) | Commentaires (2) | Lien permanent
10 octobre 2012
Mots (ré)appris (17) - Neurone
Vous saviez, vous, qu'il existe des neurones digestifs ?
J'avoue que ne l'ai appris que récemment. Hem, tout s'explique...
Cf. par exemple cet article de Science et Avenir.
22:54 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (2) | Lien permanent
09 octobre 2012
Mots appris (16) - Putoiser
Celui-là, je viens de tomber dessus à l'instant. Je n'allais pas vous en priver plus longtemps !
Non, « putoiser » ne signifie pas « tapiner en regardant le client de bas en haut tout en répandant une odeur nauséabonde ». Qu'est-ce que vous allez chercher là ?
Ce verbe veut dire « étendre de la peinture de façon homogène sur de la porcelaine ». On parle de « putoisage », d'après ce que je viens de découvrir.
J'ai rencontré le « pinceau à putoiser » en cherchant le nom exact d'un autre type de pinceau***. Et selon le Robert, il s'appelle aussi « putois », car il est fait des poils de cet animal.
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Quelques jours plus tard :
En errant au rayon « Loisirs créatifs » d'un grand magasin, je suis tombée devant une « mousse à putoiser ».
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*** Brosse à pochoir, brosse pour pochoir... Il n'y a que des traducteurs pour s'exciter sur des trucs pareils.
18:46 Publié dans La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (0) | Lien permanent
On trouve n'importe quoi...
... dans les arbres ...
Suffit de lever le nez.
Comme pour traduire, quoi.
18:18 Publié dans Vadrouilles extra-Périf | Commentaires (0) | Lien permanent