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12 avril 2013

Mots de travers (15) - Poulet

Cher Jeune traducteur inexpérimenté,

Si dans un texte (au hasard, supposons-le rédigé en anglais), tu rencontres des animaux à plumes, pondant des œufs et (tu vas voir combien je t'aide) logés dans un poulailler, ou vaquant alentour... Tu les traduis comment, ces animaux à plumes, etc. ??

« Je t'ai déjà supplié de ne pas me prendre pour plus sot que je ne suis », me susurres-tu avec le sens de la concision et de la diplomatie qui te caractérisent (car en fait, tu viens de me rétorquer : « Tu m'prends décidément pour un con ? », tout en pensant, tellement fort que ça en a transpiré : « Ça f'sait longtemps qu'elle avait pas confondu "jeune" et "décérébré". »).

Pardon, cher Jeune traducteur inexpérimenté mais pas au point de n'avoir jamais entendu parler de poules, ni des moyens de te documenter à leur sujet. Je l'avoue, ce n'est pas forcément dans tes œuvres que les bestioles ci-dessus décrites avec brio sont traduites par « poulet » mais, parfois, dans celles de piliers de la profession.

Sache que la génération qui te précède a ânonné des choses telles que :

Number one is a duck
Number two is a goose
Number three is a bee
Number four is a stork
Number five is a knife
Number six is (holy shit... chais plus.. ah oui, a pig !)
Number seven is a... HEN !!!

(and so on pour cette première leçon d'anglais de 6e dans les années 1970)

Depuis, elle n'en démord pas. Pour elle, tout ce qui n'est pas « hen » n'est pas « poule ». Et comme, un peu plus tard au cours de sa scolarité, on lui a appris que « chicken », c'était du « poulet », eh bien, à cinquante piges, elle persiste dans cette confusion gallinacéenne devenue réflexe automatique, en dépit d'années d'études supérieures, suivies de décennies de pratique au plus haut niveau. Contre toute évidence et quand, au paragraphe ou au plan précédent, elle a elle-même traduit un panier d'œufs, elle te sert des « poulets ».

Voilà un curieux phénomène qui devrait te donner à méditer, non, en ce week-end qui pourrait être de Pâques, sur ce blog négligemment décalé ? Voire te plonger dans le doute et la perplexité, tout autant que ceux qui, depuis des siècles, cherchent la réponse à la question :

« Which came first, the chicken or the egg? »

2013-04-12 ori-cuit-oeuf-1569 (Small).jpg
                                     © Bonareva/Ard'time

09 avril 2013

Conseils à un jeune traducteur inexpérimenté (8) - Apprendre à être poli

... voire à un jeune peut-être futur collègue, parce qu'en l'occurrence, il est encore étudiant. Ou plutôt elle, car sauf exception, c'est une fille.

Chère Jeune éventuelle future collègue,

Tu m'écris de temps en temps. Le plus souvent, c'est pour me demander de te prendre comme stagiaire. Loin de t'envoyer balader, comme se targuent de le faire certains collègues d'autant plus oublieux de leurs années d'études qu'elles devraient être fraîches dans leur mémoire, je te réponds toujours, dans un délai de quelques jours au plus. Malheureusement, c'est en général par la négative, faute de pouvoir t'accueillir dans des conditions favorables sous tes multiples avatars.

Parfois, tu as entamé des études de langues alors que, manifestement francophone, tu manies pourtant un langage écrit que j'aurais cru incompatible avec un passage en 2e. Parfois, je me dis, au contraire, que c'est moi qui devrais te solliciter pour venir apprendre le métier auprès de toi, car tes compétences dépassent largement les miennes (soit dit sans ironie – certains jeunes CV sont impressionnants).

Je t'explique que si je pouvais te donner un stage, il serait hors de question, contrairement à ce que tu proposes – comme si ça allait de soi et sans doute parce qu'on t'a mis ça dans le crâne –, que tu fasses mon boulot à ma place : le principe consisterait, pour moi, à te faire travailler sur des textes déjà rendus à mes clients, et ce, avec leur autorisation. Ou bien, à la rigueur, à collaborer sur des travaux en cours, là encore avec leur accord. Parfois, tu me demandes non pas de te prendre comme stagiaire mais de répondre à un questionnaire. Celui-ci donne une idée des lacunes de l'enseignement que tu reçois, d'un point de vue pratique (demander à un travailleur indépendant ce qu'il gagne comme salaire, c'est montrer qu'on t'a jusqu'à présent bercée au pays des Bisounours).

Souvent, je te dresse un bref état des lieux, pour que tu saches où tu mettrais les pieds si je pouvais te recueillir sous mon aile. Jamais je ne t'en veux de te vendre tant bien que mal, puisque le système en général et le corps enseignant en particulier t'y incitent, couteau sous la gorge. Je compatis volontiers, sachant combien il est rude de se préparer à l'entrée sur le marché du travail. Même quand ta fac privée, de préférence, t'a acceptée en licence de lettres alors que tu ne peux aligner trois mots sans commettre deux erreurs de français, je garde patience et t'explique que, pour le succès de ta démarche et de ta carrière tout entière, il serait mieux de te relire et ce, bien que je sache pertinemment que l'orthographe et la grammaire ne seront plus un critère d'aptitude à la profession de traducteur d'ici une petite dizaine d'années.

Un détail, cependant : neuf fois sur dix, tu n'as pas perçu l'intérêt d'adresser des remerciements anticipés pour la réponse que tu attends. As-tu tellement fignolé ton CV et ta lettre que tu as oublié cette formalité secondaire ? Remercier est-il banni de la netiquette des forums que tu fréquentes, au point que tu croies qu'il en va de même dans la vraie vie ? Les gens qui t'ont éduquée t'ont-ils appris que tout t'était dû ? Quoi qu'il en soit, même si je décelais en toi la perle, la stagiaire passionnée, animée d'une vocation exclusive pour ce sacerdoce qu'est notre métier (ouais je sais, j'en rajoute), cette impolitesse serait rédhibitoire. Je te le dis gentiment, d'ailleurs, en fin de courrier, pour qu'une prochaine fois, tu te donnes une chance supplémentaire de le trouver, ton fameux stage.

Merci de ton attention !