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12 août 2015

Conseils à un Jeune Traducteur Inexpérimenté (13) - Carte postale

Cher Petit Traducteur Parisien tout racorni par des semaines de sècheresse, Cher Nouveau Collègue Découvrant que dans la Vraie Vie, on n'a pas trois mois de vacances d'été, Cher Jeune Traducteur Inexpérimenté,

Tu broies du noir parce que tu es tout seul devant ton ordi et que tes copains t'ont tous abandonné ? Non, par chance, ils sont presque tous là à savourer la capitale, vidée d'une bonne partie de nos congénères, et tu ne manques pas de les rejoindre pour un pique-nique, un resto, un concert et/ou un ciné en plein air, une fois ta ration de travail engloutie.

Tu broies du rouge parce qu'un publireportage pour une « plateforme pour freelances » voudrait faire croire qu'on doit payer pour bosser (les journalistes aussi ?) ; se scandaliser que d'aucuns (dans un pays à bas niveau de vie) se fassent payer 0,01 dollar le mot, alors qu'on empoche royalement 0,03 dollar soi-même (en France) ; pavoiser parce qu'on roule sur l'or avec ses trad. et son RSA ; se décréter anglophone parce qu'on traduit  « magazine circuits automobiles » par « race motors magazine » ?

Tu broies du gris à la lecture d'articles de presse qui voudraient qu'on s'extasie parce que trois individus ont traduit ? torché ? un pavé en une semaine, afin que sa version française baigne dans l'huile solaire sur les plages au lieu d'attendre la rentrée littéraire ? À quoi bon ? Quel donneur d'ouvrage est assez idiot pour croire que toute la profession, toi compris, peut et doit en faire autant, et pas forcément contre un paquet de dollars mais plutôt pour trois clopinettes ? Si la presse fait ses choux gras d'une exception, c'est bien parce que c'est une exception ! De même qu'elle salue les exploits d'athlètes médaillés et non pas tant le footing quotidien d'une multitude de coureurs de fond. Rien de représentatif là-dedans, ni de comparable avec le sérieux, la déontologie, la méticulosité scrupuleuse, le talent artisanal confinant au métier d'art doublé d'un sacerdoce qui caractérisent le traducteur lambda, capable de réfléchir ergoter farfouiller tergiverser méditer consulter les collègues des après-midis entiers sur un terme. Pour le laisser reposer pendant la nuit et en trouver l'équivalent évident le lendemain, au petit lever. Encore faut-il qu'on le laisse dormir la nuit.

Tout au plus l'anecdote à sensation doit-elle te servir de prétexte idéal pour mieux faire connaître ton métier, par contraste, auprès des profanes de ton entourage ou, mieux, sur les réseaux sociaux, histoire de toucher un public plus large. En lui exposant la belle réalité que tu connais, toi : « Nan, je traduis pas du chick-cul sous pseudo, môa, mais c'est bien parce qu'on ne m'en a jamais proposé. Nan, on ne me met pas à l'ombre dans un bounequère contre un pont d'or sous prétexte de confidentialité du pavé à traduire, mais j'ai bien du mal à ne pas signer les accords de confidentialité léonins que me glissent sous la plume certains donneurs d'ouvrage, en guise de chantage au boulot à trois balles. Nan, j'accepte pas des délais de maboule, c'est juste que mes donneurs d'ouvrage ont le chic pour me donner le texte définitif à traduire au lendemain de la date prévue pour la remise du boulot. » Etc.

Tu ne sais plus quelle couleur broyer quand tu te rends compte que certains de tes propres collègues ont le crâne bourré de préjugés ou, au mieux, d'idées dépassées depuis l'an quarante sur d'autres catégories de traducteurs que la leur, et persistent à les répandre malgré les patients éclaircissements que d'autres leur prodiguent ? Quand, par exemple, ils s'accrochent à l'illusion selon laquelle tous les traducteurs d'édition ne s'adonneraient qu'à de la grande et belle littérature (faudrait commencer par la définir) ? En oubliant que sans la masse de leurs collègues qui traduisent moins éthéré, ils ne seraient plus qu'un peloton minuscule. Même les copains, quand ils avouent des titres un peu ras les pâquerettes, ont l'air de faire un coming out, comme si la morale ambiante les réprouvait.

 

Cher petit collègue et néanmoins ami, ne te laisse pas abattre, toi que j'ai connu si motivé naguère. Oublie les images démoralisantes et fausses qu'on colporte sur ton métier. Remets-toi à l'ouvrage avec l'entrain qui te caractérise quand le week-end arrive.

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Commentaires

Ah, ça me fait bien plaisir de le retrouver, celui-là! Merci pour les nouvelles, L'Autre Jour!

Écrit par : Assedix | 13 août 2015

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Merci, Assedix ! Cette faignasse a de longues périodes d'hibernation, et ça ne s'arrange pas forcément pendant la saison estivale...

Je déduis de ton message que certains Lecteurs sont abonnés, pour réagir aussi au quart de tour quand j'extirpe le Jeune Traducteur Inexpérimenté de sa torpeur coutumière. :)

Écrit par : L'Autre Jour | 13 août 2015

À vrai dire, je ne sais pas pour les autres lecteurs mais en ce qui me concerne, je ne faisais que passer par-là tout hasard après avoir vu ressurgir à la télé une autre vieille connaissance, le fameux Migouel, ou plutôt le marché San Migouel, où les candidats d'un concours de cuisine devaient préparer "un tapas" (gourmand, ça va sans dire)

Écrit par : Assedix | 14 août 2015

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Merci Assedix, tu mérites un bon assiette de tapas (gourmand) pour ton intérêt envers un personnage récurrent de ce blog.

Écrit par : L'Autre Jour | 14 août 2015

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PS
@Assedix :

Ton com' m'a donné matière à un nouveau billet :
http://lautrejour.hautetfort.com/archive/2015/08/14/mots-de-travers-13-bis-migouel-fait-des-tapasses-et-du-cine.html

Écrit par : L'Autre Jour | 14 août 2015

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