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28 mars 2014

Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (17) Le beurre dans les épinards

Pour une fois, j'ai attrapé dans le métro non pas un rhume, des puces ou un portefeuille des bleus mais un magazine gratuit. Je ne regrette pas ma lecture. Outre un dossier sur la littérature argentine, cela parle de traduction, à la rubrique Emploi.

La journaliste y interviewe une jeune « traductrice pour un site de vente en ligne et auto-entrepreneuse », originaire d'un pays d'Europe de l'Est. Rebaptisons-la A.

Voyons voir comment elle porte sa double casquette de salariée et d'indépendante. Accessoire vestimentaire superposé qui, selon son témoignage, n'est pas rare. C'est possible. Moi, j'ai plutôt entendu parler de salariés d'autres métiers (profs, par exemple) qui exercent à côté de leur emploi l'activité de traducteurs. Mais des traducteurs faisant traducteurs en dehors de leurs heures de travail, je n'en connais pas. Pas de sarcasme de ma part là-dedans, c'est peut-être une question de combinaison de langue. Et puis il est vrai que des collègues salariés, je n'en connais quasiment pas, sauf quelques-uns, collaborateurs d'agences de traduction ou d'organisations internationales.

« C'est donc tout naturellement », dit-elle... Là, on s'attend à une évidence. L'évidence, c'est que ses contacts lui proposent des travaux vers le français. J'espère qu'elle maîtrise les deux langues à égalité.

L'avantage de la double casquette, c'est qu'elle permet d'aborder des domaines différents. C'est sûr, c'est enrichissant de varier et ce n'est pas une touche-à-tout de mon espèce qui dirait le contraire. En l'occurrence, l'un des domaines où exerce A. à temps perdu pour se changer du marketing qui l'occupe dans la journée, c'est le droit.

L'interview, quoique brève, est instructive, car on apprend ensuite dans quelle mesure l'activité annexe de la jeune femme lui permet de « mettre du beurre dans les épinards ». À raison d'environ 5 heures par semaine, elle gagne 200 à 250 euros supplémentaires par mois.

Admettons l'hypothèse que ce mois est un mois de février ; qu'elle a gagné plutôt 250 que 200 euros ; que ce revenu est net. Selon cette hypothèse optimiste, cela fait du 12,5 euros par heure.

Je comprends bien que ses clients dans son pays d'origine soient soumis à une différence de niveau de vie défavorable et n'aient pas de rétribution mirobolante à offrir, à la hauteur du niveau de vie du pays où elle réside. Je me demande cependant si ses compatriotes traducteurs indépendants, vivant en France comme elle, exercent tous dans des conditions de rémunération équivalente. Et surtout, j'espère que pour sa part, son employeur, la société de vente en ligne, ne tient pas de raisonnement au rabais, contraignant cette salariée à ne bouffer que des épinards et à chercher ailleurs un tout petit peu de beurre.

 

Source : À nous Paris
17-23 mars 2014
Article de Sylvie Laidet
intitulé 3 questions à A...
Page 49

 

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