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12 janvier 2014

On parle de nous ! De nous, vraiment ?

Un hebdomadaire vient de consacrer un dossier de 4 pages aux traducteurs ou du moins aux traducteurs littéraires. Ô joie, car les occasions sont rares de sortir de l'ombre pour la profession en général – toutes catégories réunies mais c'est encore plus vrai pour certaines.
 
L'article n'est pas exempt d'erreurs, notamment quand les informations fournies sont chiffrées (j'avoue le constater dès que la presse traite d'un sujet que je connais). Dès le premier paragraphe, on observe une belle concentration d'idées fausses.
 
À l'intention des profanes qui passeraient par ici, des apprentis traducteurs avides de savoir de quoi sera fait leur avenir ou des collègues qui voudraient à leur tour corriger ce qui suit s'ils ont une expérience différente, rectifions la principale contre-vérité relevée dans ce paragraphe.
 
Les traducteurs qui n'exercent pas en tant qu'auteurs sont pour la plupart tout aussi indépendants que ces derniers. En effet, ce sont des professionnels libéraux (= fournissant à titre personnel une prestation intellectuelle), ils travaillent à leur compte, ils sont inscrits à l'Urssaf, ils paient des charges patronales, etc. En bref, dans leur majorité, ce ne sont pas des employés, contrairement à ce que l'article donne à entendre.
 
Certes, les traducteurs salariés existent. Beaucoup travaillent au sein d'organisations internationales. D'autres sont chefs de projet dans des agences. Il doit bien y en avoir encore dans certaines grandes entreprises ou administrations qui n'auraient toujours pas songé à  externaliser leur service Traduction. Ils forment la minorité des nombreux collègues que je connais, les autres étant libéraux, auteurs ou les deux (oui, il en est qui, moi la première, mangent à deux râteliers, voire trois car les traducteurs travaillant pour l'audiovisuel sont également auteurs, pour la plupart).
 
Il serait donc temps qu'on cesse de prétendre que tout traducteur n'œuvrant pas pour l'édition est salarié, voire « simple employé », avec une nuance implicite de mépris – comme si travailler au sein d'une organisation était indigne, soit dit en passant...

Le premier paragraphe de cet article n'évoque à la va-vite cette population de sous-fifres et de gratte-papiers (qu'elle soit extrêmement qualifiée et souvent bardée de diplômes ne saurait lui valoir le moindre prestige) que pour les distinguer de l'être supérieur étudié dans la suite de l'article, celui qui mérite que la presse se penche sur lui de temps à autre, quitte à aligner quelques bourdes sur son compte : le traducteur littéraire.
 
Une fois de plus, on voudrait placer la crème « littéraire » au-dessus du vulgaire brouet dit « technique ». C'est un cloisonnement idiot (aussi idiot selon moi que d'établir des distinctions de caste entre médecins selon leur spécialité ou leur mode d'exercice, ou une échelle de valeurs entre scientifiques et artistes, par exemple), c'est dommage, cela ne reflète pas la réalité.
 
Cher Jeune Traducteur Inexpérimenté, prends-en de la graine : nous avons tous des activités, des conditions d'exercice et des compétences différentes car notre métier est par chance multiple. Au point qu'il est peut-être difficile de le faire connaître dans sa diversité. Cependant, nous diviser, oublier les enjeux qui nous sont communs n'est pas une solution. À nous donc d'éclairer la lanterne du public, quand l'occasion s'en présente. Après tout, nos représentants (associations, syndicats, qui œuvrent dans ce sens) et nous-mêmes, à titre individuel, sommes le mieux placés pour cela.

 

Commentaires

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Bonjour Marie-Christine,
Pas plus tard qu'hier, une tante me tenait justement le propos suivant : "j'ai pensé à toi car je viens de lire un excellent article sur les traducteurs dans *** (l'hebdomadaire en question)".
Je n'ai pas lu l'article en question, mais je n'ai nul doute qu'il s'agisse du même et je suis contente d'avoir eu un avis professionnel le concernant.
J'en arriverais à la conclusion suivante (ma foi fort triste) : pour le public, la traduction n'est QUE littéraire. Comment peut-on omettre l'importance de la traduction technique ? Bien sûr, les lettres de noblesse sont essentiellement associées à la littérature, la culture, l'humanisme, etc. et pourtant, l'import-export, la communication entre pays, la recherche... jusqu'aux innombrables modes d'emploi qui peuplent le lieu de vie de tout un chacun (et j'en passe) devraient tout de même attirer l’œil. Eh bien non, la traduction technique reste invisible la plupart du temps. Peut-être est-ce un problème de vision (ou de vue) que le prix des lunettes compromet... Bref, peut-être un jour regarderons-nous les choses autrement...
En attendant que les choses changent, qu'on se le dise, la traduction technique offre autant de problèmes de traduction que la traduction littéraire. À bon entendeur (malgré le prix des prothèses auditives)...

Une agréable journée à vous,

Aurélie L.

Écrit par : Aurélie L. | 13 janvier 2014

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Merci Aurélie ! Je suis contente que nous soyons d'accord. Souvent, je me dis que la planète s'arrêterait de tourner si, tous à la fois, les traducteurs, et pas seulement littéraires, se mettaient en grève ou attrapaient une mauvaise grippe... :)

Écrit par : L'Autre Jour | 13 janvier 2014

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On oppose une nouvelle fois dans ce papier traducteur littéraire et traducteur technique, comme si c'était la question. La simplification du travail du second n'est pas le seul problème de ce texte vite écrit : la quasi-totalité de ce qui y est dit sur le traducteur littéraire est ou bien faux, ou bien simplifié, ou bien périmé. Pour ne prendre que deux exemples, le CNL s'appelle Centre National du Livre et plus (depuis vingt ans) Centre National des Lettres. Quant au Syndicat national des traducteurs professionnels, il n'a jamais existé. Le reste est à l'avenant, de la première à la dernière ligne. Assez triste, non?

Écrit par : OM | 13 janvier 2014

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Merci, cher OM, de ton message !

Assez triste, oui. À moins de considérer - c'est particulièrement à la mode en ce moment - que l'important est de faire parler de nous dans la presse, éventuellement à tout prix.

Je suggère que les traducteurs se décident enfin à s'extirper de leur ombre chérie (et de leur frustration bien connue, par la même occasion) par exemple en commettant les pires abominations, au lieu de se contenter de les traduire :)

Écrit par : L'Autre Jour | 13 janvier 2014

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