05 août 2014
Traduire les nuages
Ce blog ami des ciels pas forcément d'un bleu uniforme ne pouvait qu'être attiré par un texte intitulé Traduire les nuages.
Vous le saviez, vous, qu'en italien, les bulles de BD s'appelaient des nuvolette (pluriel de nuvoletta) ?... Ce qui signifie « petit nuage » ?
Non ? Dans ce cas, vous auriez pu engranger comme moi ce mot nouveau en lisant, entre autres articles du plus grand intérêt, celui que Giovanni Zucca consacre à l'adaptation de BD dans le dernier numéro de la revue Traduire.
Vous auriez découvert comment il avait appris avec « gravité [...] et une joyeuse inconscience » qu'il allait désormais « inscrire des mots dans des nuages ». Vous sauriez ce qu'il a trouvé comme équivalence italienne pour « Mille sabords ». Et je dirais même plus : vous sauriez ce que sont devenus Dupond et Dupont en franchissant les Alpes.
D'un naturel méfiantAccoutumée, comme tout professionnel de la traduction, à croiser mes sources d'info, j'ai vérifié auprès de mes suppôtesses Lakshmi et Nathalie, toutes deux italianisantes, que les nuvolette étaient bien de petits nuages. Elles ont concordé en me signalant qu'on employait aussi le terme de fumetti (fumetto, au singulier) pour désigner les bulles dans la langue de La Linea, ce terme recouvrant aussi les bandes dessinées elles-mêmes, par extension. Fumetti... petites fumées. Interprétant à ma manière leurs doctes et patientes explications, j'en ai évidemment déduit que les bulles italiennes étaient de petits nuages de fumée.
Traduire les nuages
Giovanni Zucca
Traduit de l'italien
par Vanessa De Pizzol
Traduire
Revue de la SFT
N° 230 (juin 2014),
À la croisée du texte et de l'image, page 87
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En espagnol : bulle >> globo (ballon) ou bocadillo (sandwich),
d'où l'intention graphico-linguistico-pathétique du gribouillis ci-dessus.
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Que les spécialistes viennent me reprocher cette fois
mon goût immodéré pour la police Comic Sans MS.
Pour un billet sur ce thème, je ne pouvais en choisir une autre ! ;)
00:37 Publié dans Marie, mon ciel !, Mots appris | Commentaires (2) | Lien permanent
09 juillet 2014
Mots appris (33) - Plein
Ces temps-ci, entre explorations et lectures, j'ai fait le plein de mots nouveaux :
- Salicaire (n. f.)
Jolie plante sauvage à fleurs rose-mauve, un brin envahissante.
- Adventice (adj.)
Adjectif poli servant à traiter la salicaire et autres jolies plantes de mauvaises herbes (notion pas encore bien acquise chez la malherbophile de service).
- Lampas (n. m.)
Belle étoffe de soie caractérisée par un fil de chaîne supplémentaire (je simplifie pour ne pas vous embrouiller).
- Lat (n. m.)
Inconnu au bataillon des dictionnaires, sauf dans le vieux Larousse maternel, mais avec une définition trop sibylline pour moi. J'ai fini par le repérer aussi dans ce lexique : « Une des trames composant la passée. Un tissu est dit à deux lats lorsque deux trames, de fonction différente, participent alternativement à son exécution. »
- Burgau (n. m.)
Nacre issue d'une catégorie de coquillages du même nom.
Amis conservateurs de musées ou commissaires d'expositions, pourquoi, malgré tout le plaisir et l'intérêt qu'on trouve par ailleurs à vous rendre visite, se sent-on si souvent plus ignare en sortant de chez vous qu'en y entrant ?
Un simple panneau dans un coin de salle, avec dix lignes de glossaire définissant les termes les plus techniques employés sur vos cartels, serait-ce trop demander ? Ou faut-il parcourir vos expos le nez collé-dégooglelisant sur un smartphone ?
- Scutigère (n. f.)
La voici ! (Merci, R.-M., pour avoir mis un nom sur la bestiole dont j'implore la grâce à chaque coup de balai.)
- Cacosmie (n. f.)
« Propension à halluciner des odeurs ignobles. » C'est dans Oliver Sacks, L'Odeur du si bémol – L'univers des hallucinations, traduit de l'anglais (États-Unis) par Christian Cler, Seuil, 2012 (p. 67).
- Chaussons de lisière
Depuis le temps que je croisais leur chemin aux pieds d'humbles gens dans les romans du XIXe siècle et ne comprenais pas en quoi ils consistaient... Je l'ai enfin appris grâce à l'excellent animateur qui mène la visite de la maison natale de Louis Braille. Avec découverte du braille et d'autres écritures tactiles, assortie d'exercices à la tablette et au poinçon. Passionnant. Merci à lui.
Explication en contexte : en plus des maths et autres disciplines scolaires, les élèves de l'Institut des jeunes aveugles, à l'époque où Louis Braille perdit lui-même la vue, apprenaient un métier : sparterie, vannerie ou imprimerie de livres en relief pour les enfants qui leur succéderaient dans l'établissement. Et aussi, la confection de ces fameux chaussons en bandes de tissu entrecroisées (ces mêmes lisières qui bordent les draps).
- Marmenteaux (adj. et n. m.)
Mon préféré, car il s'agit de beaux et grands arbres qu'on n'a pas le droit de couper. Et ce n'est pas Idéfix qui japerait le contraire.
Alors, le selfie, tu te distords de jalousie (tu en deviendrais presque moins moche) parce que tu es exclu de ce palmarès ? Mais même si j'étais extraterrestre fraîchement débarquée, je n'aurais besoin ni de dico, ni de word of the year, ni de mot de l'année pour savoir qui tu es !
Coïncidence : même genre de petite ruade dans les brancards de la mode terminologique, L'Émeute des mots, billet d'humeur signé Nicole Mordelet. À lire dans le tout nouveau numéro de Traduire, la revue de la SFT, qui a pour thème À la croisée du texte et de l'image.
20:52 Publié dans À travers mots, Expos, La chronique de Vocale Hubert, Mots appris, Vadrouilles extra-Périf | Commentaires (0) | Lien permanent
11 janvier 2013
Mots appris (22) - Idiolecte
Depuis quelque temps, je vois des idiolectes partout.
Ça a commencé par quelques lignes, à propos des provincialismes et autres aspects originaux du langage de Shakespeare, comme par exemple son rare emploi du mot also :
« De telles particularités constituent ce qu’il est convenu d’appeler l’idiolecte de quelqu’un, et celui de Shakespeare ne ressemble évidemment à aucun autre. »
Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que le chapitre concernait ce « désir très ardent » qui existe chez beaucoup de gens « de croire que les pièces de William Shakespeare ont été écrites par quelqu’un d’autre que William Shakespeare ».
C’était dans ce livre qui, malgré ou à cause de son sous-titre, vous en apprendra beaucoup sur le Barde et sur son époque :
Shakespeare – Antibiographie
Bill Bryson
Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray
(Laquelle m’a confirmé que dans la version originale, l’auteur avait bien utilisé le mot idiolect. J’ai préféré poser la question. On ne sait jamais. Et une question idiote à propos d'un idiolecte – d'autant plus que ce mot vient de l'anglais, ce que j'allais apprendre plus tard – doit être relativement tolérable.)
Petite Bibliothèque Payot, 2012, p. 214
Puis, je suis tombée sur deux nouveaux idiolectes, là :
« Oui, mais encore ? Comment en est-il venu à créer une vraie langue ? Et s’il ne la parle avec personne, n’est-ce pas seulement un idiolecte ?
“Les idiolectes, je n’y crois pas. Chacun (…) parle un dialecte de sa propre langue. Dès que j’ai commencé à me servir du wardwesân, l’idiome s’est enrichi, modifié. Et l’enjeu est devenu le développement d’un véritable objet littéraire : impossible de créer une langue sans créer une littérature dans cette langue.” »
Cette fois, c’était dans :
Le wardwesân sans peine
Article d’Emmanuèle Sandron, dans lequel celle-ci s’entretient autour d'un sandwich arlésien avec Frédéric Werst, créateur de cette langue
Dans Translittérature, la revue de l’ATLF, n° 42, hiver 2012, p. 88
Enfin, je succombai sous une avalanche d’idiolectes, dont je ne vous livre que le début :
« Idiolecte : aphorisme et jeux de mots
Lors du transfert, s’attacher à garder la singularité du texte, c’est prendre en compte non seulement le sociolecte (porteur de valeurs socioculturelles) mais aussi l’idiolecte (en cas de présence, bien sûr). En principe, les linguistes, et tout particulièrement les sociolinguistes, affirment qu’il existe toujours des zones de contact entre dialecte, sociolecte et idiolecte. Si le sociolecte est porteur de valeur collectives, l’idiolecte – procédé de codification de premier ordre – est porteur d’une vision individuelle. Chaque idiolecte possède ses formes préférées, sa phraséologie spécifique et même ses propres mots. »
C’était dans :
Traduire la nouvelle génération d’écrivains égyptiens : réussir un puzzle minimaliste
Article de Sahar Samir Youssef
Dans Traduire, la revue de la SFT, n° 226 « Face au miroir », 1er semestre 2012, p. 120
Ils sont partout, je vous dis ! C'est à peine si j'ose encore ouvrir un bouquin, moi. Je me sens cernée...
« Idiolecte :
Utilisation personnelle d'une langue par un sujet parlant.
Tous les idiolectes sont différents. »
Petit Robert
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Si toi aussi, Lecteur, tu possèdes ton idiolecte,
vas-y, exprime ta singularité linguistique
dans les commentaires.
00:57 Publié dans À travers mots, La chronique de Vocale Hubert, Mots appris | Commentaires (2) | Lien permanent