20 octobre 2014
Silenzi fratelli
Dans Sentir le grisou, Georges Didi-Huberman évoque le rôle de l'artiste, sa capacité à anticiper l'histoire et à nous avertir. L'artiste est ici Pier Paolo Pasolini, dont il cite et traduit ce poème, sur les femmes de mineurs victimes d'un coup de grisou (p. 69) :
« E la classe degli scialli neri di lana,
dei grembiuli neri da poche lire,
dei fazzoletti che avvolgono
le facce bianche delle sorelle,
la classe degli urli antichi,
delle attese cristiane,
dei silenzi fratelli del fango
e del grigiore dei giorni di pianto,
la classe che dà supremo valore
alle sue povere mille lire,
e, su questo, fonda una vita
appena capace di illuminare
la fatalità del morire. »
« Et la classe des châles noirs de laine,
des tabliers noirs à peu de lires,
des fichus qui enveloppent
les visages blancs des sœurs,
la classe des hurlements antiques,
des attentes chrétiennes,
des silences fraternels dans la boue
et de la grisaille des jours de pleur,
la classe qui donne valeur suprême
à ses pauvres mille lires,
et qui, là-dessus, fonde une vie
à peine capable d'illuminer
la fatalité du mourir. »
Les Éditions de Minuit, 2014
Merci à AL qui me l'a offert.
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