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28 janvier 2015

Aux francophones qui ne comprendraient pas le français

Cher Monsieur Bathily,

Vous avez héroïquement sauvé des vies lors du récent attentat contre l'Hyper Cacher. Au point que depuis, on vous a accordé la nationalité française.

Vous n'avez évidemment pas attendu votre naturalisation pour parler français. On vous entend et on vous comprend parfaitement témoigner de votre intervention lors de la prise d'otages pendant le journal télévisé de 20h00 sur France 2, diffusé le 12 janvier dernier (vers 15'48).

Pourtant, la chaîne a jugé utile de sous-titrer vos propos. Ne vous méprenez pas, votre nationalité malienne d'origine n'est pas en cause : il arrive souvent à France 2 et consorts de le faire aussi quand l'interviewé est antillais ou berrichon et/ou vieux et/ou d'une élocution pas forcément coulée dans le moule de France Télévision.

Dans ces occasions, je ressens ce curieux et pénible sentiment que l'on peut appeler « honte collective » ou « honte par procuration ». Et je comprends celui d'exclusion que peuvent ressentir d'autres personnes, classifiées d'office par notre télévision nationale de francophones (et donc de Français, car ils le sont la plupart du temps) de seconde zone.

Je n'avais aucun besoin de sous-titres pour vous comprendre. Si cela avait été le cas pour cause d'ouïe déficiente, j'aurais activé la fonction de sous-titrage pour sourds et malentendants. On observera d'ailleurs qu'à la radio, y compris de service public, on se passe de sous-titrage du français au français, ce qui permet de douter de son utilité sur d'autres ondes.

Une telle attitude de la part d'une chaîne de télé de service public revient à faire le contraire des grands discours sur l'unité nationale qu'elle diffuse par ailleurs, et des solutions à trois sous dont elle nous rebat les oreilles pour favoriser civisme et sentiment d'appartenance, dès l'école.

Mes remarques vous paraîtront dérisoires au regard de la gravité de l'actualité. Je crois au contraire que la question que je soulève est au cœur d'un sentiment de mal-être qui, sans rien excuser des actes de barbarie, contribue peut-être à ce que certains choisissent la voie de l'horreur.

Sous-titrer, oui. Mais sous-titrer plutôt le charabia que nous assènent certains journalistes ou présentateurs, autrement moins français que le vôtre, cher Monsieur Bathily, ou celui des interviewés antillais ou berrichons.

 

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J'ai déposé ce texte sur le site du JT de FR2. Reste à voir si mon commentaire sera modéré.

 

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Pour ceux qui souhaitent s'informer sur le parcours de Lassana Bathily, un témoignage publié dans Mediapart, signé Alex Adamopoulos, de RESF 19 (Réseau Éducation sans frontières).