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19 juin 2015

Nième questionnaire européen mal taillé

On me demande de remplir un questionnaire mal fichu – et servant quels objectifs, au juste ? –, qui émane une fois de plus d'instances européennes. Tellement mal fichu que je ne vous en donnerai pas le lien car les traducteurs parmi vous s'agaceraient autant que moi à le remplir.

Faute de case « Commentaires » en fin de questionnaire, je dépose ici quelques mots d'humeur, que j'ai envoyés aux contacts indiqués en ligne :

- La liste de langues se présente de telle façon qu'on peut croire qu'une seule combinaison est possible. Pour ma part, j'ai deux langues sources. 
 
- Titre d'une série de questions : « Contrat de pige ». Les autres types de rémunération (droits d'auteur, par exemple, qui devraient être au centre de ce sondage destiné aux traducteurs d'édition ou de l'audiovisuel, puisque c'est leur type de rétribution habituel) ne sont pas envisagés.
 
La version anglaise indique « Your freelance contract ». La version française commet un léger contresens...
 
Vous en connaissez beaucoup, vous, des traducteurs payés à la pige ? Moi non. Cela peut s'envisager dans la presse.
 
- Question « En ce qui concerne le travail que vous avez effectué pour votre principal client/le principal acquéreur de votre travail, comment avez-vous négocié vos contrats portant sur le paiement ? » :
 
Le questionnaire présume que nous avons nécessairement un client principal. Cela va à l'encontre du principe du travail indépendant.
 
Accessoirement, « vos contrats portant sur le paiement » donne à penser que le traducteur de la phrase ne la comprend pas.
 
- Question « Veuillez indiquer, en vous basant sur les deux dernières années et par rapport aux traductions de première langue dans votre activité principale, à combien vos honoraires de base se sont montés etc. » :
 
Voilà que les piges citées plus haut se transforment en honoraires... Ils ne comprennent décidément rien à rien.
 
- Question « Merci d'indiquer, en vous basant sur les deux dernières années et par rapport aux traductions de première langue dans votre activité principale, quelle est la durée d'une commande typique (en mots, pages, minutes d'enregistrement audio-visuel ou nombre de jours passés tel que spécifié ci-dessus). »
 
Les génies du sondage, que j'espère richement rémunérés par la Commission avec nos impôts, mélangent volume et durée. À défaut de leur faire saisir la nuance entre ces deux notions outrageusement abstraites, apprenons-leur au passage qu'en édition, on parle de feuillet et non de page. Qu'un profane assimile les deux, c'est bien compréhensible. Pour un pro, la différence est de taille, l'un étant normalisé et l'autre pouvant aller du simple au quadruple en passant par le n'importe quoi. Il suffit d'ouvrir deux livres au hasard pour le vérifier.
 
Une fois de plus, les énergumènes de mon espèce, pas abonnés aux commandes « typiques », n'entrent pas dans les cases. Ben oui, comment réponds-je quand j'alterne traduction de livres et de documentaires ou autres types de textes, moi ?
 
- Question : « Merci d'indiquer, en vous basant sur les deux dernières années et par rapport aux traductions de première langue dans votre activité principale, approximativement combien de commandes vous avez effectué [sic – la relecture est à l'avenant de la traduction] chaque année. »
 
Idem ! Quel est l'intérêt d'une telle question, je vous le demande ! Qu'est-ce que cela apporte, à part des réponses inutiles à un questionnaire bidon, que l'on réponde « 3 livres » ou « 25 documentaires » ou « un peu des deux » ?...
 
Autant comparer des torchons et des serviettes, puisque peuvent alterner un conte pas plus long qu'un feuillet, un documentaire de 52 minutes, un bouquin de 300 pages, etc...
 
- Question : « Maintenant, réfléchissez au travail relatif aux traductions de deuxième langue, c.-à-d. une traduction qui est basée sur une autre traduction de l'oeuvre originale (par exemple, si l'ouvrage original était en anglais, mais qu'un individu [commentaire perso : je le sens suspect, celui-là] l'a traduit en allemand en se basant sur une traduction intermédiaire en français, alors cela serait classé comme une traduction de seconde langue). »
 
J'ai répondu  : « Cette situation n'est pas envisageable, nos codes de déontologie nous interdisant les traductions relais, sauf cas exceptionnels de langues rares. »
 
Réponse du système (à cette question et à d'autres) : « Cette valeur n'est pas un nombre valide ». Ça me chagrine d'apprendre à cette occasion qu'il existe de malheureux nombres invalides.
 
Et tout à l'avenant.
 
Résultat : impossible de renvoyer le questionnaire rempli, mes réponses ne semblant pas convenir au système.

 

Alors, vous tenez vraiment à ce que je vous donne le lien vers le questionnaire ?

 

14 juin 2015

Mots appris (32) - Mots-valises en veux-tu en voilà

Vous en connaissez, de ces gens qui vous mobilisent, vous en tant qu'individu ou, pire, parmi toute une collectivité de collègues, pour vous submerger de questions auxquelles il leur faudrait cinq minutes pour trouver la réponse (comme à vous, quoi). Les mêmes qui, selon le cas, n'en tiennent pas compte ou, entre différentes solutions prodiguées par plusieurs braves âmes et en vertu de l'implacable loi de Murphy, choisissent à tous coups la moins bonne. Et, en option, vous engueulent par-dessus le marché.

Vous n'en connaissez pas ? Heureux vous.

Quoi qu'il en soit, les distingués terminologues que vous êtes vous réjouirez de savoir qu'en anglais, ces nuisances à pattes ont un nom. Et qu'elles ont une bande de copains, tous plus envalisés les uns que les autres, de l'errorist (autre héros de la saga Murphy) à l'unkeabordinated (dans lequel je me reconnais, à mon grand dam).

À vous de trouver aux askholes et consorts des équivalents français ! Pour ma part, je sèche....

 

 

Merci à Marie-Cécile qui m'a fourni le matériau,
et certes pas en posant des questions idiotes, elle qui parvient,
comme d'autres, à y répondre avec intelligence.

05 juin 2015

Marie, mon ciel ! (28) - C'est la mère Nuage

...qui a perdu son

2015-05-23 Nuage chat DSCN8536_3500 (Small).JPG

02 juin 2015

Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? (23) - Un dico pour traduire dans une langue qui n'est pas la sienne

Je reçois par mail une réclame pour un dictionnaire de droit, qui se termine ainsi :

« Les nombreuses illustrations accompagnant les termes traduits
font de cet ouvrage un outil indispensable
pour tous les professionnels de la propriété industrielle
qui doivent comprendre, traduire ou rédiger
un document dans une langue qui n’est pas la leur. »

Voilà qui me donne l'occasion de rappeler à toutes fins utiles quelques principes, que respectent les traducteurs professionnels adhérant aux associations (ATLF, ATAA) ou syndicat (SFT) dont je suis membre.

Code de déontologie de l'Association des traducteurs littéraires de France :

« Quiconque exerce la profession de traducteur affirme par là posséder une connaissance très sûre de la langue à partir de laquelle il traduit (dite : de départ) et de la langue dans laquelle il s'exprime (dite : d'arrivée). Cette dernière doit être sa langue maternelle, ou une langue qu'il possède au même degré que sa langue maternelle, comme tout écrivain possède la langue dans laquelle il écrit. »

Code de déontologie de l'Association des traducteurs-adaptateurs de l'audiovisuel :

« Le traducteur ou la traductrice possède une connaissance approfondie de la langue à partir de laquelle il ou elle traduit (dite langue de départ), ainsi que de la culture du pays d’origine de l’œuvre.

Il maîtrise parfaitement la langue dans laquelle il s’exprime (dite langue d’arrivée), qui doit être sa langue maternelle ou une langue qu’il possède au même degré que sa langue maternelle. Si ce n'est pas le cas, il s'engage à travailler conjointement avec un locuteur natif de la langue d'arrivée. »

Code de déontologie des adhérents de la Société française des traducteurs :

« Le traducteur veille à toujours réunir les conditions lui permettant de réaliser un travail de qualité. Il s’engage à travailler dans les règles de l’art, à savoir :

- traduire uniquement vers sa langue maternelle ou une langue cultivée, maniée avec précision et aisance ; (etc.) »

 

En conclusion, au pays des traducteurs professionnels et répertoriés comme tels, traduire vers une langue qui n'est pas la sienne est un phénomène plutôt marginal et encadré par des règles strictes.

Espérons que les décideurs, parmi les professionnels de la propriété intellectuelle, auront l'idée de faire appel à leurs compétences. Surtout si ces traducteurs sont eux-mêmes spécialistes de la question et, comme le stipulent également les codes de déontologie, s'emploient à se documenter dûment sur les domaines dans lesquels ils travaillent, notamment à l'aide de dictionnaires bien conçus. Quand ils sont plurilingues, ceux-ci comportent non seulement des équivalences mais aussi des définitions. Reste à voir si c'est le cas de celui de la réclame ?