Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16 avril 2014

Conseil à un jeune traducteur inexpérimenté (11) - Rellis-toi !! Euh... Relis-toi !

Le thème central de ce billet aurait cadré avec ma rubrique « Je traduis, tu traduis, ils traduisent ? ». Cependant, cela fait un bout de temps que je n'ai pas secoué le Jeune Traducteur Inexpérimenté de sa torpeur de zombie habituelle. D'où l'intitulé de cet article.

— Ohé, du Jeune ! Es-tu là ou parti pour une de tes innombrables escapades, au point que je me demande comment tu paies tes cotisations sociales ?

— Zzzzz. Ça m'aurait étonné qu'elle ne me tombe pas dessus à la veille du week-end de Pâques. Ben oui, le mercredi avant Pâques, c'est veille de week-end, on est d'accord ?

— Ça trime dur ?

— Bah ouais, je rentre d'un stage de danses bretonnes en Thaïlande. Après, j'enchaîne les ponts du mois de mai pour une formation en immersion totale en langue des signes en mer Rouge, pour la plongée sous-marine. Ensuite, je suis là mais je repars bientôt pour une petite rave de trad à Berlin, histoire de revoir quelques potos d'Erasmus. Alors là, entre les deux et pour me payer mes vac... pour pouvoir avancer mes frais de déplacements professionnels, je bosse en bâclant à mort.

(Il m'énerve, à passer 6 mois sur 12 en villégiature tandis que d'autres travaillent d'arrache-pied quasiment toute l'année.) Puisque pour une fois je te saisis en plein labeur, j'ai un conseil à te donner, dans mon immense générosité à ton égard, sans la moindre contrepartie mais que pourrais-je bien tirer de ce gamin dépenaillé et presque encore boutonneux ? Ce conseil, c'est : relis-toi !

— Hun ? Mais c'est toi qui m'écris, là, ô vieillarde sucrant les fraises. Déjà pas mal que je te lise tout court.

— Relis ton travail avant de le rendre au donneur d'ouvrage, bougre d'âne, là est mon propos. Relis-le plusieurs fois à l'écran puis encore une fois sur papier. Cela fait partie intégrante de ton travail. Sans quoi, d'autres s'en chargeront à ta place et ajouteront des erreurs même là où, étonnamment, tu n'en avais point commis toi-même. (Cachons au blanc-bec qui, après tout, a encore droit à sa part d'innocence que souvent, les sagouins en question souilleront son œuvre de leurs sales pattes en la truffant d'erreurs éhontées, quand bien même il l'aurait relue cinq fois.)

— Ah bon, c'est pas l'agence qui relit ? (Je me relis quatre fois systématiquement mais je joue auc' juste pour la vénère, ma reum d'adoption.)

Malheureux, surtout pas ! Ta réputation est en jeu et avec elle, celle de toute une profession. Comment peux-tu rendre un travail non relu ?!! D'autant plus que, crois-je savoir, tu as recours à de modernes artifices. J'ai ouï dire d'un logiciel de reconnaissance vocale avec lequel tu dictes au lieu de taper, au risque que ce gadget ne tombe dans chaque piège homophone que lui tend notre belle langue française ? (Cela dit, vu l'orthographe des morveux nés à l'ère heureusement déjà dépassée du SMS, l'écriture d'un monstre cracheur de feu ne saurait guère être pire.)

Pour peu que tu utilises ces outils de bas étage non seulement pour traduire mais aussi pour assurer ta communication en ligne via ton site Web et ce, sans te relire avec un œil de lynx, cela pourrait donner ceci :

2014-04-16 Azerty.png

— Dis donc, noble ancêtre dont l'absence de cheveux blancs n'est due qu'à l"infecte collaboration d'une industrie cosmétochimique ultrapolluante (tiens, prends ça dans ta tronche, ça t'apprendra à me réveiller à 11 heures du mat' pour m'apprendre mon taf), je te signale que :

1. Moi, je tape en bépo et pas avec des systèmes de clavier mis au point à l'âge de pierre.

2. Ouais, je l'ai déjà vu, ton gag, il a fait marrer une partie de la profession. Mais c'est le site d'une agence ou prétendue telle, pas d'un traducteur censé être indépendant. Sinon, on se demande comment il pourrait aligner une quarantaine de « langues parlées » (en plus de l'azerty :).

3. D'accord, mon logiciel de reconnaissance a des progrès à faire. Mais je n'ai pas la bouche pâteuse au point qu'il confonde « azerty » et « azéri ».

4. La dame qui cause azerty dans le texte et même qui le traduit, elle affiche 30 ans d'expérience au compteur ! Toi, à côté, tu as l'air d'une débutante. Alors si tu as des conseils à donner sur l'autorelecture, faut changer de cible au lieu de t'en prendre aux djeunz. D'ailleurs, à ce propos, j'en trouve souvent, des fôtes d'étourderie, sur ton blog...

— Oui, j'avoue que je ne relis pas mes billets sur papier. Et je reconnais que je te prends souvent comme bouc émissaire et comme prétexte, toi, pauvre Jeune Traducteur Inexpérimenté, pour souligner ici des travers largement partagés par de vieux jetons de la profession, qui n'ont même pas l'excuse de sortir à peine de l'école.

Je te laisse carburer pour mettre trois sous de côté et repartir pour deux semaines à l'autre bout de la planète, avec un bilan carbone déplorable (tiens, prends ça, p'tit con, dont j'anticipe la calvitie d'ici cinq ans, tiens, reprends ça au passage, pour t'apprendre le respect).

Pendant ce temps, moi, je voyage par traductions interposées, même si elles ne m'ont encore jamais emmenée en Azertyaïdjan...